Embarquement immédiat

5 2 0
                                    

Pendant un an, Noam a travaillé sans relâche faisant des horaires de merdes : du sept heures à sept heures comme on le disait dans sa boîte. Alors ces vacances tombaient à point nommé. Son pote et lui avait choisi de poser leurs valises en République Dominicaine. Une petite pause dans le froid hivernal du mois de janvier. Une place au soleil pour fuir la grisaille parisienne. Il a siroté une pina colada, les pieds en éventail, sur une plage paradisiaque, senti le sable chaud lui titiller les orteils et pataugé dans des eaux turquoises. Il a dansé la bachata jusqu'à ce que ses jambes ne puissent plus le porter et plongé ses yeux dans le regard torride de Lola, une Dominicaine rencontrée dans un guagua. Quinze jours de pur détente et de bonheur où il eût enfin le sentiment de vivre.

La veille de son départ a été un déchirement. Il n'était pas prêt à reprendre la routine métro-boulot-dodo, quitter la chaleur des bras de Lola pour affronter le vent glacial de Paris. Il a accusé le coup et embrassé une dernière fois cet amour de vacances. Lola l'avait rajeuni de quinze ans et avait fait palpiter son coeur comme un ado. Il souhaita passer sa dernière nuit à Punta Cana dans ses bras.

L'heure du départ avait sonné. Il empaqueta sa valise, glissa ses derniers souvenirs achetés à des vendeurs à la sauvette et prit la route pour l'aéroport.

Arrivés à Paris, Noam et son pote récupérèrent leurs valises puis se séparèrent ravis des deux semaines de vacances passés ensemble.

Le thermomètre affichait -2°, Noam ayant prévu le coup était emmitouflé de la tête aux pieds.

En rentrant dans son appartement, il eût la sensation de pénétrer dans un réfrigérateur, normal, il avait laissé la fenêtre ouverte. Il s'empressa de la fermer, se jeta sur son lit et ne s'en releva pas avant le lendemain après-midi. Il comata toute la journée prostré devant la télé. Il n'avait strictement rien fait. Il n'avait même pas vider sa valise. Comme un idiot, il avait pris son billet de retour l'avant-veille de sa reprise. Il se réveilla en étant déjà en retard au boulot. Son portable n'avait plus de batterie et trop fatigué, il n'avait pas eu la présence d'esprit de le charger depuis son retour. Pas de soucis, il le prit avec lui envisageant de le charger au travail.

Comme chaque matin, il commanda une formule petit-déjeuner qui comprenait un café et un croissant dans une excellente boulangerie à deux pas de son lieu de travail. Il traversait pour rejoindre la ruelle de son boulot quand une voiture déboula en trombe manquant de le renverser. Il dû sa vie à un mec qui passait par là et qui avait réussi à le tirer sur le trottoir. Frigorifié et tétanisé, il le remercia mille fois. Le chauffard avait déjà filé et n'avait même pas cherché à s'arrêter.

— Ça va aller ? lui demanda le jeune homme qui l'avait sauvé.

— Oui merci encore.

— La connasse, elle ne s'est même pas arrêtée.

— Elle ? Vous avez eu le temps de la voir ?

— Oui je crois que c'était une femme au volant, lui confia-t-il.

Il arriva au travail sous le choc que sa vie aurait pu s'arrêter quelques minutes plus tôt, ce qui le déprima davantage lorsqu'il s'assit à son poste et alluma son écran.

À bout de nerfs à la vue des centaines de mails qu'il avait à traiter, il descendit fumer une clope sans inviter certains collègues n'ayant aucune envie d'être harcelé pour raconter ses vacances à Punta Cana. Il était adossé contre le mur quand une jeune femme lui demanda du feu. Il lui donna le briquet qu'il venait de remettre dans sa poche.

— Vous travaillez ici ? lui demanda-t-elle en tentant d'allumer sa cigarette.

— Oui et vous ?

Embarquement immédiatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant