Aimons-nous

760 69 48
                                    

15h30. Ça faisait deux heures que je relisais la même page sur la biologie génétique, sans rien y comprendre. La dernière conversation avec Killua, la matinée passée ensemble, le rêve à l'Ecole des pages, la soirée de la veille, tout tournait en boucle dans ma tête, empêchant totalement mon esprit de se pencher sur autre chose. La tête dans les mains, j'essayais de faire le vide, tandis que mon cerveau inventait tous les scénarios, toutes les issus possibles à la situation dans laquelle je me trouvais.

Raaah, ça sert à rien...

Je fermais mon livre et lançais une série au hasard, puis me jetais sur le lit. Mes draps étaient encore imprégnés de son odeur. Je les reniflais à plein poumons, les collant sur mon cœur, regardant distraitement Sherlock Holmes résoudre des meurtres. J'allumais mon téléphone, espérant avoir reçu un message de Killua, mais je n'avais aucune nouvelle. Je me senti très mal tout à coup.

Et s'il ne revenait pas.

N'importe quoi. Il va revenir, je le sais.

Pour me donner une contenance, je cherchais « Etienne d'Hérecques » sur Google. Rien de concluant. J'enchaînais sur « Guillaume de Sainte-Hermine ». Il y avait un résultat. Un arbre généalogique avec la mention de « Valet » sous son nom.

Tiens, c'était peut-être lui.

En fait, il n'y avait pas grand-chose de plus. De toute façon, c'était seulement un moyen détourné de penser à Killua, je le savais très bien. Je soupirais bruyamment en éteignant mon téléphone et regardais le plafond en humant les draps. Dans cette ancienne vie, nous nous étions très vite appréciés l'un l'autre, mais dans notre existence actuelle, c'était encore plus rapide. Je repensais au dessin de la femme lascive. Les adolescents de l'époque avaient nettement moins de moyens pour s'aider à se donner du plaisir solitaire. Le peu de choses qu'ils pouvaient voir devaient leur procurer énormément de sensations.

Un bout de téton sur un tableau, ça devait être quelque chose.

Perdu dans des pensées de plus en plus sulfureuses, et imprégné de l'odeur enivrante de Killua, ma main s'aventura distraitement entre mes jambes et, une fois soulagé, je finis par m'endormir.

Toc Toc Toc

...

Toc Toc Toc

17 heures. J'espère qu'il est pas sorti. Je suis revenu beaucoup plus tôt que prévu.

Je savais que j'aurais du lui envoyer un message, mais je me sentais bête de revenir en fin d'après-midi et pas dans la soirée comme nous l'avions prévu, et je n'avais pas réussi à écrire quoique ce soit pour justifier mon retour précipité. En réalité, il me manquait terriblement et j'avais besoin de le voir. Quitter son âme-sœur juste après l'avoir retrouvée pour réviser ses partiels était vraiment cruel.

Toc Toc...

La porte s'ouvrit sur Gon, rouge et torse nu, des poches sous les yeux témoignant d'un récent sommeil profond.

-Killua... Tu es revenu !

-Oui, c'est ce qui était pré...

Je n'avais pas eu le temps de finir ma phrase qu'il s'était jeté sur moi et m'embrassait amoureusement. Tétanisé par la surprise, mon cœur battait à tout rompre, j'étais parcouru de frissons incontrôlables, je me sentais à nouveau prêt à sortir hors de moi quand il détacha ses lèvres de miennes.

-Excuse-moi, je suis juste... Je suis juste très content de te voir.

-Et moi qui pensais que tu « étais un mec qui aimait prendre son temps ».

Gon était encore plus rouge. Il baissa la tête comme un enfant réprimandé, en se grattant la tête, un petit sourire gêné au coin des lèvres.

-Gomen, Killua.

-Pardon ? J'ai pas compris.

Il vient de parler japonais, ou c'est moi ?

-Je voulais dire que je suis désolé, je me suis emporté.

-Mais tu parles japonais ?

-Hein ? Bah non. Pourquoi ?

-Heu... Non rien, peu importe, j'ai du mal entendre. Je suis fatigué. J'ai essayé de travailler mais j'avais du mal à me concentrer avec tout...ce qu'on traverse. Je peux rentrer ?

-Ah oui, pardon !

Il me conduit à nouveau dans sa chambre. Son lit, défait, était parsemé de quelques sopalins usagés.

-Heu...

Gon se rua sur dans la pièce pour refaire son lit à toute allure et jeter les mouchoirs le plus vite possible pendant que je réprimais un rire gêné.

-Ahem, assieds-toi.

Il n'osait même plus me regarder. La situation avait sans doute pris des allures dramatiques pour lui. Moi, j'étais très amusé, mais comment pouvait-il le deviner ? Je m'approchais de lui, et posais ma main sur son bras, le tournant doucement vers moi pour qu'il puisse voir mon sourire rassurant.

-Tout va bien, je suis là.

Je posais doucement mes lèvres sur les siennes, presque sans que je l'ai décidé, et sans peur aucune, il répondit à mon baiser.

Nous nous détachions ensuite à regret. J'avais de plus en plus de mal à résister à l'attraction qui nous rapprochait l'un l'autre. Ses lèvres sur les miennes, son corps contre le mien, j'étais happé par l'amour et le désir, sans réussir à me contrôler.

-J'aimerais bien continuer la méditation, si tu as envie, dis-je, embarrassé de ce que je venais de faire.

-Oui. J'ai envie.

Nous nous allongeâmes sur le lit.

Je tentais de calmer les battements surexcités de mon cœur.

Fermer les yeux.

Respirer calmement.

Gon me prit à nouveau la main, croisant ses doigts avec les miens.

Ça ne m'aidait que moyennement au début. Je frissonnais terriblement à cause de ce contact.

Puis je finis par m'apaiser.

Le sentiment de disparaître, qui devenait de plus en plus familier, fit à nouveau surface.

Je n'aspirais plus qu'au calme et à la paix.

Je sentais des gouttes d'eau fraîches ruisseler sur mon corps.

Un vent frais.

J'entendais l'orage au loin.

J'avais soudainement le désir profond que son électricité de traverse.

Je voulais être l'orage.

Je voulais être la foudre.

Qu'elle me détruise.

Qu'elle me désintègre.


Envol - L'Ecole des Pages |Tome 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant