L.A, 8 septembre 2001, au soir.
Je sortis du taxi, la boule au ventre. Une foule était déjà agglutinée devant le Rich Angeles Hotel – privatisé pour l'occasion –, faisant ressortir les couleurs déteintes des robes de cocktail, des fourrures et des chemises lissées très impersonnelles, sur le bord du trottoir. Cela me rassura alors un peu de voir que j'arriverai à me fondre dans la masse, ce soir.
En jouant des coudes pour entrer seule dans l'hôtel, sans que personne ne se doute officieusement de mon identité, je finis rapidement par me retrouver dans le hall. Il était décoré et enluminé de telle manière à ce que les convives n'aient pas le temps de tous se voir, ce qui me serait totalement bénéfique. Je n'aurais qu'à parler avec les personnes que Henry accepterait de me présenter.
Je me mis d'ailleurs à chercher mon copain dans cette grande salle encore plus pullulante de monde, et qui aurait pu être toute aussi dépersonnalisée, si la fête ne lui était pas dédiée. Les convives semblaient être sur la même longueur d'onde que moi ; ils ne souhaitaient voir que ce qui leur était familier, ou, au pire, faire connaissance avec ceux qui risqueraient de leur ressembler. Ce qui nous différenciait cependant, c'était qu'ils semblaient motivés par pur égocentrisme. Moi, je n'avais pas le choix.
Je trouvai finalement Henry au centre de la pièce, attraction phare de cette soirée, où les gens acceptaient tout de même de lui tourner autour pour réussir à lui adresser au moins une ou deux banalités, tels des insectes attirés par la lumière. Il répondait toujours avec gentillesse ; jamais un mot au-dessus de l'autre, arrivant même à orienter la conversation sur un autre sujet tout aussi futile, mais avec une facilité presque déconcertante, qui donnait envie de lui répondre au mieux.
Accoudée contre un pilier de la grande salle, je décidais de rester un peu en retrait, un petit sourire sur les lèvres. Je l'observais évoluer dans ce milieu qu'il disait haïr, utiliser les codes qu'il maîtrisait à la perfection contre son gré, s'étant noyé dedans depuis son enfance. Quelque part, ses bonnes manières me faisaient de la peine ; il ne semblait pas connaître une autre façon de réagir, même s'il témoignait l'envie de s'émanciper. Il n'arriverait pas à s'en défaire, parce que nous le confortions tous dans l'idée qu'il était l'archétype du gentleman ; moi la première.
C'était ça qui m'avait plus, chez lui. Le fait qu'il ne soit pas lui-même.
« Vous ne devriez pas rester dans un coin, on pourrait penser que vous n'avez rien à faire ici. »
Je sursautai à l'entente de cette voix grave, presque lointaine. Elle n'avait retenti que pour moi, alors que le brouhaha emplissait la pièce, rendant difficilement discernable des paroles prononcées à cette intensité.
Je me retournai pour faire face à Sabri, le père de Henry. Affublé d'un costume trois pièces, il tenait à chaque main un verre de vin rouge. Je louchai quelques secondes dessus, espérant qu'il n'allait pas me l'offrir. C'était toujours difficile de refuser quoique ce soit de la part de Sabri ; il n'était pas du genre phobique de quoique ce soit.
« Je vous ai fait peur on dirait, déclara-t-il avec un sourire en coin.
- Pas qu'un peu. » répondis-je, plus crispée.
Il s'accouda à son tour contre le pilier, sans que son sourire ne s'affaisse le moins du monde et que son regard ne quitte le mien. Mais très rapidement, la lumière de la soirée attira son attention et amenuisa sa résistance.
« Ah, mon fils... Déjà vingt-deux ans, et incapable de prendre ses responsabilités.
- Je trouve qu'il ne s'en sort pas trop mal. » déclarai-je, sans savoir si j'y avais été invitée.
VOUS LISEZ
À portée de main [en longue réécriture...]
Ficción General« Le temps n'a jamais été notre ennemi. Plutôt notre ami. » Kerrie Heckwood venait de trouver un job de fleuriste en alternance avec ses cours à la faculté. Elle espérait que ce travail l'aiderait à pallier à ses problèmes fréquents, qu'ils soient i...