52 紅塵 La poussière rouge de l'illusion du monde

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Hudson se réveilla dans la grotte, seul. Il regarda autour de lui et ne vit plus les crânes humains. Sa vision était toujours trouble. Quel poison lui avait-on fait boire ? Il se redressa sur l'autel et mit un pied par terre. Il avait du mal à garder l'équilibre... 

Les pensées se précipitaient dans son esprit de manière incohérente, et il n'arrivait pas à les organiser. Retrouver les autres. Sa flasque de whisky. Sensation désagréable dans la nuque. Tuer le bossman. Envie de pisser. Où était Moira. Sortir de ce merdier.

Il réussit à se focaliser sur cette dernière pensée. Il y avait des torches aux murs et il décida de les suivre. De la lumière. Tant qu'il suivait la lumière, il n'était pas piégé dans le noir. Cette simple affirmation réussissait à calmer son rythme cardiaque. Ne plus se retrouver dans ce putain d'Enfer aveugle.

Il se mit à marcher, ou plutôt à tituber, et suivit les torches. Il avait l'impression de suivre un couloir sans fin. Le monde minéral autour de lui l'oppressait comme un étau. C'était comme s'il repassait sans cesse devant les mêmes torches, les même pierres, et que cette grotte s'étendait à l'infini. 

Épuisé par cette marche, il se mit à cligner des yeux, comme s'il allait s'évanouir. Il ferma les paupières en se sentant tomber et lorsqu'il les rouvrit, il fut aveuglé par la lumière du jour. Il faisait froid, un froid glacial porté par le vent qui traversait ses vêtements pour mordre sa peau. 

Les couleurs et les formes s'assemblèrent alors qu'il revenait péniblement à lui. Il était dehors, au beau milieu des pics acérés qui dominaient Shangri-La. 

Le soleil était haut dans le ciel et il pouvait voir les ruines de la ville juste en dessous de lui dans la vallée. Plus au sud, les chaines de montagne s'étiraient dans l'horizon sur des milliers de kilomètres. De plus en plus hautes. Il regarda les sommets au loin. Longtemps. Trop longtemps. 

Il eut soudainement l'impression que ceux-ci se rapprochaient de lui. Les montagnes... s'approchaient de lui... C'était incroyable. Il n'arrivait pas à aligner cette pensée avec les autres. Il n'y avait plus qu'elle, plus que cette conscience de la montagne. 

Elles venaient à lui. D'abord tout doucement, puis de plus en plus vite. Il vit une roche en particulier sur un des sommets et son esprit se concentra dessus. Il la vit se rapprocher et tendit le bras vers elle. Il pouvait presque... la toucher. 

Il posa un doigt dessus alors qu'elle arrivait juste devant lui. 

Et tout autour de lui partit en vrille. 

Les montagnes se mirent à trembler, il sentit la terre qui glissait sous ses pieds. Il tenta de s'accrocher à la roche mais elle disparut entre ses bras. Elle partit en poussière et les montagnes se mirent à rouler en milliers de minuscules grains de sable. Des dunes, il était transporté par des dunes. 

Il sentit son corps s'enfoncer dans le sable alors qu'il perdait de l'altitude. Un versant de la montagne qui mettait plus de temps à tomber roula sur lui et il fut entièrement enseveli.  

Il ferma les yeux. Il ne pouvait plus respirer. Tout son corps s'était rétracté, complètement oppressé par les milliers de tonnes de montagnes qui roulaient sur lui. Comment pouvait-il être encore en vie ? 

Ouvre les yeux.

Il obéit et réalisa qu'il pouvait lui-même décontracter tout son corps pour arrêter de ressentir cette pression infernale. Les dunes ne le touchaient pas. Il avait l'impression de se trouver dans un minuscule terrier, à l'abri du monde qui changeait au-dessus de lui. 

Tu n'as plus à craindre le monde physique, lorsque celui-ci disparaît. Il n'a aucune prise sur toi, et si tu le désires, tu peux le manipuler à ta guise.

MASTANIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant