Stay With Me • ChanBaek

Stay With Me

    La neige était tombée toute la nuit et toute la matinée, en ce 24 Décembre, veille de noël, le tapis blanc ravissait les petits comme les grands. Les rues de Séoul étaient bondées, l'après-midi se faisait doux et même ensoleillé, un temps parfait pour profiter de l'extérieur mais également pour satisfaire les derniers achats de noël.

Un serveur se surprenait à devoir prendre commande en terrasse tant le temps se faisait bon. Il se devait de faire de nombreux allers-retours entre le bar et les sièges bien placés au soleil, les bras chargés de chocolats chauds, de cafés ou même de gourmandises telles qu'une part de gâteau ou un beignet. Son large sourire n'était plus à présenter, la plupart de la clientèle ne venait que pour lui, dans l'espoir d'un mot de sa part, d'un regard et parfois même d'une petite attention particulière pour les plus téméraires.

- Bonjour ! Qu'est-ce que je vous sers aujourd'hui ? Demandait-il régulièrement de sa voix chaleureuse, légèrement rauque.

- Comme d'habitude !

- Très bien. Répondait-il en griffonnant sur son carnet.

- Vous... Vous vous en souvenez ? Demandait l'une des clientes, étonnée.

- Evidemment ! Vous avez bien fait de vous mettre dehors aujourd'hui, vous avez vu ce temps magnifique ? Profitez-en, je reviens tout de suite !

Sa bonne humeur ne pouvait qu'égayer les cœurs, mais personne ne se doutait que le sien ne pouvait s'emporter qu'à la vue d'un seul visage. De nombreuses fois son professionnalisme lui avait permis de recevoir des propositions d'embauche dans des établissements de plus grande envergure qu'un simple petit café de quartier, mais il les avait toutes déclinées, bien trop attaché à la vue que lui offrait la baie-vitrée et la terrasse. Le café donnait sur une petite place joliment décorée, fleurie durant les beaux jours, avec une fontaine et plusieurs bancs. En soi, un paysage fort agréable mais pas non plus transcendant, ce qu'il avouait, tant que cette personne n'était pas là.

Les bras chargés d'un plateau bien rempli, le serveur déposait avec prudence les boissons chaudes et les coupelles de pâtisseries sur la table de ses clientes régulières qu'il ne connaissait que trop bien. Il rigolait parfois en leur compagnie, partageait quelques mots mais n'écoutait finalement que d'une oreille et ne posait que furtivement les yeux sur elles, bien trop occupé à guetter son arrivée. Depuis six mois, ce jeune garçon apparaissait à la même heure, seize heures trente, sur cette petite place sans prétention, et ce, tous les jours de la semaine. Il venait seul, s'installait toujours sur le même banc, croisait ses jambes fines et lisait un livre. Son temps de lecture n'était par contre pas aussi régulier que le reste car il dépendait de l'arrivée d'un nouvel individu, toujours le même homme, que le premier accueillait avec un sourire rayonnant, débordant de tendresse. Les deux se parlaient un peu, certainement s'échangeaient-ils les questions bateaux d'un début de conversation comme un autre, puis le plus petit se levait de son banc et ils partaient ensemble. Le serveur devait alors attendre le lendemain pour revoir ce jeune homme blond qui appartenait à un autre, et dont il ne savait rien. Pourtant, il en avait passé des heures à le regarder, à l'observer, à sourire bêtement selon ses gestes et ses mimiques. Il avait pu suivre le changement de sa garde-robe au fur et à mesure que le froid s'était installé. Le petit blond qu'il avait découvert en short avec un t-shirt sous une chemise fine et ouverte avec des sandales rose d'un goût discutable, s'était peu à peu couvert de plus en plus. Était arrivé le jean noir sur des baskets épaisses, les pulls fins puis les sweats, et enfin les cols roulés camouflés par un manteau apprécié. Comment allait-il être vêtu en cette veille de noël ? Allait-il seulement venir ? Ce n'était pas n'importe quel jour, peut-être avait-il déjà retrouvé son copain, il n'aurait alors pas besoin de revenir sur ce banc pour l'attendre, ou peut-être avait-il d'autres événements de prévus, le quotidien était régulièrement brisé lors des fêtes. Pas celui du serveur qui n'avait finalement personne avec qui partager ces moments, pas spécialement de famille qu'il désirait voir, pas de copine ni de copain. Des amis oui, certes, mais chacun d'eux avaient son propre programme pour cette soirée spéciale, et il n'était pas de la partie. Il commençait alors à perdre espoir, baissait le regard et répondait machinalement aux questions que lui posaient ses clientes.