Chapitre 1🖋️

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J'ajuste ma capuche pour masquer mon visage. Malgré tout, je n'arrive pas à avancer, à franchir cette barrière qui va me plonger dans un monde que je ne connais pas. J'avoue que je suis mort de trouille.

"Allez Julien, tu es fort, tu vas y arriver", me dis-je a moi-même. Mais rien n'y fait : je ne bouge toujours pas. Les autres élèves passent à côté de moi sans me remarquer et c'est tant mieux, car je ne veux surtout pas attirer les regards sur moi.

Oui, mon visage est assez différent, donc je le cache autant que possible. Un pas après l'autre, je franchis enfin la grille du lycée.

Une nouvelle aventure commence à ce moment précis.

J'ai beau avoir seize ans, je n'ai jamais mis les pieds dans une école. En effet, jusqu'ici, j'avais un professeur particulier à domicile. Mes parents ont voulu me protéger, mais ont-ils bien fait ? Ça, je ne le sais pas, mais je n'en pouvais plus de ne pas vivre comme un adolescent de mon âge. J'ai donc insisté pour qu'ils m'inscrivent au lycée près de chez nous.

Je traverse la cour en regardant mes pieds. Il est assez rare que mon regard croise celui des autres. Si quelqu'un posait ses yeux sur ce visage qui est le mien, il sera dégoûté par ce qu'il verra. Donc moins on le voit, mieux je me porte.

D'après le directeur, je suis un élève spécial. Je dois donc passer par son bureau avant de commencer les cours. À peine la porte du bâtiment franchi, on m'interpelle.

— Jeune homme, votre capuche !

Sans relever la tête, je la retire doucement et reprends mon trajet jusqu'au bureau de la direction. Heureusement, les autres sont encore dehors et je ne croise personne. Arrivé devant la porte du directeur, je prends une grande respiration et frappe avant d'abaisser la poignée.

— Bonjour, M. Louvel. Je suis Julien Sabin.

Celui-ci est concentré sur son ordinateur et ne prend pas la peine de me regarder.

— Prenez place, je vous en prie.

Je m'assois face à son bureau, tête toujours baissée. Je n'ose pas le regarder. Je sais d'avance ce que je vais lire dans son regard une fois qu'il m'aura vu.

Après quelques minutes, j'attire son attention.

— Monsieur, bienvenue au lycée Léo Lagrange. Nous allons faire en sorte que cette année se passe le mieux possible.

— Oui, monsieur.

— Pourriez-vous au moins faire l'effort de me regarder quand vous vous adressez à moi?

Et merde, il va falloir que je le regarde. Je n'en ai franchement pas envie, mais là, je crois que je n'ai pas le choix à moins de me barrer en courant. Non, ce n'est pas une bonne idée. Je pourrais mettre mes mains devant mon visage et laisser juste une ouverture pour mes yeux. C'est pas mal, ça. Bon, je ne suis pas sûr qu'il va apprécier, mais ça se tente.

Je relève lentement la tête , je place mes mains devant mon visage et écarte les doigts pour que l'on ne voie que mes yeux.

— Monsieur Sabin, je vois que vous êtes un petit comique et que vous vous foutez de moi.

— Non, monsieur, je vous assure que je ne me moque pas de vous.

— Mais bien sûr, retirez-moi vos mains de suite.

J'hésite un instant avant de les retirer et le moment que je redoutais tant arrive enfin: son regard croise le mien. J'y lis tout ce que je ne veux pas voir dans le regard des autres : le dégoût, la pitié, l'interrogation. Le directeur se racle la gorge, mal à l'aise.

— Vous allez aller en cours, Julien. Passez par le bureau du CPE et il vous remettra votre planning. Si vous avez le moindre problème, n'hésitez pas à aller le voir ou venez me voir.

— Très bien monsieur, au revoir et bonne journée.

Sans attendre plus longtemps, je me lève et me dirige vers le bureau du CPE.

Quand je franchis la porte du bureau, je me retrouve dans le couloir et cette fois, il n'est plus désert. Des dizaines d'élèves sont en train de rire, de discuter, de se chamailler.

Une fois de plus, je regarde mes pieds en avançant, mais à un moment, je dois bien regarder où je me dirige. Au moment où je redresse la tête, je suis face à face avec un garçon plus grand que moi, des yeux noirs et une coupe de cheveux qui part un peu dans tout les sens.

— Bah alors le nouveau, tu ne regardes pas où tu vas ?

Je n'arrive pas à dire autre chose que « désolé ».

— Y a pas de désolé qui tienne. Au lieu de fixer tes pompes pourries, regarde devant toi.

Putain, je sens que ce mec ne va pas me lâcher la grappe. Comment vais-je m'en sortir ?

— Oh, je te parle.

Finalement, je décide de le regarder, advienne que pourra. La grande tige devant moi change de tête en me voyant. Je lui souris, je le vois se décomposer de minute en minute.

— Hey les mecs, on a Frankenstein avec nous

Il se bidonne comme une baleine. Heureusement pour moi, la sonnerie retentit et il s'écarte de mon chemin, mais avant de partir, il me balance:

— Frankenstein, toi et moi, on va se revoir.

Bon, je me suis déjà fait un ami super. Pour le moment, la grande tige ne me fait pas peur. J'en ai vu d'autres.Malgré tout mon coeur bat rapidement et mes mains sont moites.

Avant de rejoindre ma classe, je passe voir le CPE et récupère mon planning. Je jette un œil vite fait dessus et ça va, il n'est pas trop chargé.

Je cours dans le couloir pour ne pas être trop en retard au premier cours. Je frappe et entre.

— Vous êtes en retard, jeune homme.

— Désolé, j'ai dû passer voir le CPE.

— Très bien, allez vous asseoir.

Un brouhaha s'élève dans la salle. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que c'est à cause de moi. Je ne me trompe pas : tout le monde me regarde et les chuchotements s'amplifient.

— Silence, s'il vous plaît ! cria le professeur.

Tout le monde se tait, des regards plus ou moins discrets se tournent vers moi. Comme d'habitude, je ne dis rien.

Le professeur fait l'appel et le cours commence. Pour le moment, à part les regards et les chuchotements, ça ne se passe pas trop mal, mais la journée ne fait que commencer.

Différent, et alors ? ( Auto Edition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant