Les jambes battant lentement dans le vide, le bruit des vagues s'écrasant contre les rochers en contre-plongé parvient comme un doux appel à mes oreilles. Les bras le long du corps, je suis comme à mon habitude allongée sur le rebord de la falaise. Le regard perdue dans l'immensité du ciel, je fixe inconditionnellement la lune pleine briller de façon répétitive. La lumière bleutée produit par celle-ci éclaire aisément le paysage. Les larmes coulent le long de mon visage comme à mon habitude. Les bruissements de la forêt entrecoupent le retentissement des vagues, comme d'habitude. Je pense à lui et à ses beaux yeux sombres, comme d'habitude. Lui, sa voix, ses longs doigts fins, son effluve caractéristique, son langage si peu commun.
Tout de lui, me rends folle. Comment pourrais-je ne pas l'aimer ?Ses court cheveux noirs encadrant son visage fin et si pâle... Ses yeux marrons entourés de cernes foncés regardant avec intrigue tous les objets nouveaux. Tout est si peu commun pour lui. Lui et sa manie de dévisager toutes les personnes étrangères. Lui et sa folie des grandeurs. Lui et sa manière de gesticuler. Lui et sa canne. Lui et ses costumes d'antan. Lui et sa dégaine. Lui et sa certaine maladresse pour la technologie. Lui et son visage devant un film d'horreur. Il avait été effaré par, je cite, « la caricature scandaleuse exercée sur les vampires », « Non ! Les vampires ne sont pas frigides, je peux vous le promettre ma chère ! ». Un sourire étire mes lèvres rien qu'en y pensant. Quel délicieux et amusant souvenir.
Je me redresse,m'asseyant sur le rebord de la falaise. Barnabas, ou devrais-je dire, un homme que j'aime mais qui ne sera jamais mien. « Je n'ignore pas tes sentiments, je n'oserais. Te blesser n'est pas intentionnel,tu sais plus que quiconque l'affection que je te porte mais je ne saurais aimer une autre femme que Josette. ». Bien sûr,Josette.. Cette jeune femme si belle qu'il avait transformé par amour. Cette jeune femme si parfaite... Qu'elle en avait de la chance.Je ne suis pas Angie, Je ne saurais faire du mal à cette frêle blonde aux yeux gris, cela le blesserait lui. Peut-être était-il mieux de le voir heureux mais pas avec moi que de le garder égoïstement dans un cercueil.
Comme d'habitude, les larmes coulent.Elles coulent sur mon visage de poupée en porcelaine. La souffrance m'étreins tandis que l'amour, me fait me mouver telle une fragile marionnette. Je ne suis que tristesse, incapable de me défaire d'un amour interdit. Comme d'habitude, je ne retiens plus mes sanglots. Je fonctionne comme en automatisme : ma main droite saisit d'elle-même le couteau en argent planté dans le sol. Il vient effleurer mon bras gauche dans la longueur. Affûté tous les soirs, il laisse une légère trace superficielle sur ma peau claire. Je renouvelle doucement l'opération à plusieurs reprises. Le sang se met ensuite à perler. Ce liquide que je hais tant. Il emplit mon corps et cela m'en rends malade. Je martyrise ma peau, enfonçant sans rechigner la lame de plus en plus profondément. L'eau de vie sortant de ma peau se fait de plus en plus abondante tout comme les plaies qui se multiplie ardemment. Je m'arrête en hurlant qu'avec hargne au bout de ce qui me semble être une minute mais qui s'avère être bien plus étant donné l'état désastreux de ma peau. Je jette ensuite le couteau en métal par dessus la falaise. Je me hais. Toujours plus chaque jour. Peut-être devrais-je sauter ? Il n'a pas besoin de moi. Je n'ai pas besoin de moi.
Cette souffrance m'étreignant de jour en jour devient de plus en plus insupportable et lourde. Me verrais-je mourir ? Mon corps s'écraserait-il violemment ? Resterait-il quelque chose de mon visage et de mon corps si je me jetais du haut de cette falaise ? Cela ferait-il mal ? Toutes ces questions deviennent omniscientes et l'envie de continuer à y penser me rends las. J'en ai assez. Assez d'attendre cet homme. Cet homme que je n'aurais jamais. Je ne l'aurais jamais. Jamais je ne pourrais être à ses côtés comme elle. La douleur,comme d'habitude. Ne suis-je destinée qu'à ressentir cela jusqu'à ma mort ? Si c'est ainsi, j'en ai assez. Je prends appui et me relève sur le bord de la falaise alors que mon bras gauche engourdis, dégouline de sang frais. Mes yeux bouffis par les larmes fixe avec neutralité la mer. On raconte que Josette est morte pour la première fois en se retournant vers la forêt avant de tomber dans le vide. Mon corps semble agir de lui-même, se tournant vers la dense verdure. Je ferme les yeux et inspire profondément.