Prologue

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Un pas. Un seul minuscule pas et ce sera le grand saut. Je jette un coup d'œil vers le vide. Un plongeon fatal pour un être normal. Pour un humain comme ils disent. Pour moi ? Je n'en sais rien. Peut-être que finalement je périrai aussi. Comme des dizaines de gens ont succombé avant moi. Pourtant, j'ai besoin d'essayer. Et puis, je supporterai le choc, moi. Je suis plus forte que les humains, non ? Alors, après avoir soufflé un bon coup, j'avance d'un seul et unique pas.

Immédiatement, mes cheveux battent dans l'air. La chute semble interminable. Le vent me griffe la peau. Pourtant, je ne peux m'empêcher de sourire. Cette sensation d'être si légère, de voler est si pure, si intense. Cette impression de quitter son corps. Oui, ce moment est incroyable. Et j'aimerai qu'il dure à tout jamais. À peine engouffrée dans le lac, la froideur me frappe. L'eau glaciale, pourtant si calme et douce, me met une claque assommante. Un sourire toujours plaqué sur mon visage. Je profite de ce silence dans lequel je me suis immergée. Je savoure juste cette solitude. J'ai beau avoir survécu à ce saut, l'air vient à me manquer. Je reste le plus longtemps possible sous l'eau avant de sortir la tête du lac, mes poumons en feu, comme s'ils se consumaient de l'intérieur. Je reste sourde le temps de quelques secondes avant d'entendre les cris de joie de mes amis, restés en haut. Je nage jusqu'au rivage calmement, alors que mes camarades courent jusqu'en bas. Ils sont bien plus rapides, et pour cause : je prends mon temps. Je me sens si bien là, au milieu de ce lac qui aurait pu me tuer. Mais il ne l'a pas fait. Il m'a laissé survivre. Non, il m'a laissé vivre.

Je me redresse lorsque mes pieds frôlent le fond sableux. Je marche d'un pas calme jusqu'au rivage où Balam m'attend déjà. Appuyé sur un arbre de façon nonchalante, il tient dans ses mains une serviette noire.

— Joli saut ! me félicite-t-il tendrement.

Un large sourire fièrement dressé sur mon visage, je saisis la serviette qu'il me tend. Le frottement de la serviette sur ma peau me griffe légèrement. Je m'adresse alors à mon ami :

— Merci.

Il vient vers moi, m'embrasse tendrement sur le front et pose sa main sur mon épaule. On rejoint le reste du groupe resté en retrait, car Amelia ne peut pas passer au-dessus de l'arbre mort qui barre le passage. J'enjambe aisément celui-ci tandis que Balam ne fait pas cet effort. Il disparaît d'un côté, pour réapparaître de l'autre. Je n'ai pas le temps de lui faire la remarque que, déjà, une tête souriante me saute dessus pour me prendre dans ses bras. Je rigole, alors que le jeune loup fait l'éloge de mon saut :

— Lila, c'était juste incroyable ! Un ange en pleine chute ! Magnifique et périlleux ! Tout toi !

— Doucement Lucio, le calme Balam. Lila n'est pas un ange.

— On aurait pu y croire pourtant ! insiste Lucio.

— Le seul ange ici, c'est Elemiah, le corrigé-je.

Cette dernière me sourit amicalement avant de me dire :

— Il n'a pas tort, n'empêche. Tu ressemblais à un ange déchu, tombant du paradis.

Je lui souris aussi en reprenant le sac qu'elle tient dans sa main droite. Je récupère dedans mes vêtements dont je me suis débarrassée juste avant mon saut risqué. Je saisis le bagage pour enfiler ma longue et ample robe jaune soleil. Kamra vient alors me rejoindre, une brosse à cheveux à la main. Elle me murmure un simple "magnifique" avant de me les coiffer, comme elle aime le faire. Cette jeune femme aux cheveux teintés de rouge a toujours préféré s'occuper des autres que de sa propre chevelure ; raison pour laquelle elle a toujours coupé cette dernière très courte. Je n'ai jamais compris son raisonnement, mais je fais avec. Comme chacun d'entre nous, Kamra est unique à sa manière. Elle se met à la tâche, tandis que son "fils" vient me prendre à son tour dans ses bras.

— Risqué, mais magnifique, ça te représente bien, ironise-t-il.

Je rigole avant de le remercier.

— Keiran ! Tes bras me gênent, le réprimande Kamra.

Il me lâche alors en rigolant. Il y a plusieurs siècles, il fut transformé et rebaptisé par Kamra. Il n'est pourtant pas aussi vieux jeu qu'elle. Cette dernière est très attachée à l'éducation qu'elle a reçue, contrairement au jeune homme aux cheveux bleus nuits qui lui, s'en est détaché dès les premiers mois de sa nouvelle existence. Elle est devenue sa mère. Il n'a plus aucun lien avec ce qui était autrefois sa vie. Et il n'est pas le seul.

La douce Amelia me regarde de loin, n'osant pas trop s'approcher de moi à cause de Keiran. Cette dernière, la seule normale parmi nous, en a une peur bleue. Pourtant, Kamra a su la mettre en confiance. Elle ne veut pas venir vers moi alors, elle ne fait que lever ses pouces vers le ciel.

— Bravo, dit-elle en me souriant.

Je ne la force pas à se rapprocher, elle est en bonne compagnie. Loris reste auprès d'elle. Non pas par crainte de Keiran, mais parce qu'il n'est pas à l'aise avec tant de démonstration sentimentale. Le jeune châtain est plutôt du genre à ne pas montrer ce qu'il ressent mais à aider lorsque tu en as besoin. Au contraire de son frère jumeau, Lucio, qui lui, est très expressif. Il se contente de me sourire de loin. Je le lui rends en y ajoutant un signe de la main.

Nous formons une petite bande bien spéciale, réunissant tous types de créatures. Une bande diversifiée, où tous les mondes sont représentés.

L'enfer de Balam.

Le paradis d'Elemiah.

L'humanité d'Amelia.

Le monde de la nuit avec Kamra et Keiran.

Le monde des forêts pour Lucio et Loris.

Et enfin, un monde imprécis de par ma présence...

SuccomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant