Chapitre 26 : Confession

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"J'aurais... Deux choses à vous dire..."

Ils semblent attentifs. Par quoi commencer ? Par le plus grave ? Non, sinon ils ne m'écouteront pas pour la suite et pourront penser que c'est à cause de Léa. Ou... Au contraire ? Haaa... Autant y aller direct et voir ce qui sortira en premier. Ce sera le plus facile... Le plus rassurant... A tout les coups... Je dois leur dire. Léa a raison, j'ai envie de voir cette pourriture payer pour ce qu'elle m'a fait. J'ai envie de protéger ses possibles futures victimes. S'il l'a fait une fois, rien ne l'empêche de recommencer.
Mais je veux qu'ils sachent l'amour que je porte à Léa. Je veux qu'ils sachent à quel point elle m'a aidée. Je ne veux pas qu'il la voit d'un mauvais œil. Il faut que je trouve les bons mots...

Léa...

Léa...

A quoi est-ce que je pense en premier ? 

Douceur. Amour. Caresses. Murmures. Cannelle. Cheminée. Plage. Perfection.

Ahah... ça y est... elle m'obsède. Son visage. Son odeur. Sa voix. Ses doigts. Ses lèvres. Tout en elle est à l'image de ma perfection. La représentation même de mon rêve.

"Écoutez... Pour être honnête c'est un peu le fouillis dans mon esprit... je ne sais pas vraiment par où commencer.
-Explique-nous simplement, me rassure mon père.
-Hé bien... La version simple, la version courte c'est celle-là : Je suis amoureuse.
-Ohoh ! C'est fantastique ! s'exclame ma mère. Comme s'appelle-t-il ??"

Il. Tout de suite... Il. Ne peut-elle pas se corriger ? Se reprendre ? Supposer l'autre sexe ? Non. Non... Alors allons-y pour la version longue.

"Je suis amoureuse... De Léa Flamel. La fille aînée du maire. On... On s'est croisées sur la plage au début des vacances et puis on s'est revues, et encore et... encore. Je me sentais bien avec elle. Plus je la voyais et plus je m'attachais à elle et... ça a dû être pareil de son côté. Depuis qu'elle s'est confiée à moi j'ai l'impression de découvrir un sentiment qui grandit en moi de jour en jour. Une chaleur m'envahit et me fait un bien fou... D'un côté, j'avais envie de la voir tout le temps, la serrer contre moi, juste la sentir, mais une partie de moi la gardait éloignée. C'est comme si j'avais peur de cette chose qui ne faisait qu'accroître en moi... Je détestais l'idée de perdre le contrôle. S'abandonner à l'autre c'est... vraiment effrayant..."

Je rigole légèrement en me frottant le bras. Leur silence est pesant.

"... ça c'est la première chose...
-Et la deuxième...? me demande ma mère en serrant les dents.
-Je... Un matin en allant à la plage... je... je..."

Merde, ça ne sort pas. Je vais vraiment leur dire ? A eux ? Ils vont vraiment être au courant que quelqu'un m'a fait... ça ? Que cet homme m'a... déchirée... ici ?

"Merde... Merde on m'a... Ce jour-là on m'a vraiment...
-Quoi ? Quoi ?! Qu'est-ce qu'on t'a fait ?? s'affole mon père.
-... Il m'a violée."

C'est dit. Ils le savent maintenant. Le plus dur est passé. J'ai un frisson. Je lève les yeux vers eux. Ma mère ne semble pas avoir réagit. Mon père est rouge de colère. Il se lève brutalement du canapé en étouffant un cri et en retenant un coup. Je sursaute. Ma mère s'allume une clope. Elle ne dit rien. A-t-elle entendu ? A-t-elle compris ? Je croise son regard. Alors ? Maman ? Dis quelque chose ! Réagis ! 

"M-Maman... ?
-J'espère que ça t'a remis les idées en place au moins..."

Mon père se retourne soudainement vers elle en baragouinant son prénom, elle lui répond d'un regard qui signifiait : "Bah quoi ?"
Je suis prise d'une soudaine nausée, pose ma main contre ma bouche et l'autre sur mon bas-ventre, je cours aux toilettes et recrache tout ce que je peux recracher. Ma gorge me brûle, mes yeux me piquent. Qu'a-t-elle dit ? Que... pourquoi ? Les idées en place... Parce que ce n'est pas une bonne idée d'aimer une fille ? C'est étrange ? Je ne devrais pas ? Je recommence, l'odeur du vomis envahi mes narines et son goût enveloppe ma bouche. C'est horrible. J'ai mal au ventre. J'ai mal au cœur. J'ai la tête qui tourne. Qu'a-t-elle dit ? J'aurais préféré ne rien entendre. Une main, forte et sèche, vient délicatement me frotter le dos. Mon père. Je me retourne et l'observe. Quelques instants.
Il ne dit rien. C'est inutile. Tout se lit dans ses yeux. Il semble triste. Dis-moi papa, quelle partie de mon récit t'a attristé ?

"Papa... est-ce... est-ce que c'est mal d'aimer une femme ?
-Pourquoi ça le serait ? J'aime bien une femme moi, pas vrai ? En quoi est-ce différent ?"

Bordel, heureusement qu'il est là.

Je le prends dans mes bras et prétexte la fatigue pour remonter dans ma chambre. Lorsque je ferme ma porte, des cris s'élèvent du salon. C'est la première fois que je les entends se disputer. C'est vrai que les parents de ma mère son assez fermés d'esprit. Mais je n'arrive pas à la pardonner. Comment a-t-elle pu dire ça... ?

Les cris de mes parents me font froid dans le dos. Je m'avance vers ma fenêtre et observe la mer au loin. 

"Il va être temps..."

Je sors mon téléphone et appelle Léa.

Elle décroche une demie seconde plus tard...

"T'es flippante à répondre si vite...
-Alors ? Comment ils ont réagit ?
-... A propos de quoi ? Pour commencer...
-De nous ?
-Ma mère mal, mon père aucun problème.
-Et pour toi ?
-Ma mère mal, mon père aucun problème.
-Tu te fous de moi ?
-Non... Lorsque je leur ai dit que j'avais été violée, mon père était furieux contre mon agresseur et ma mère a espéré que ça m'ait "guéri" de ma déviance si je résume brièvement.
-Mais quelle- !!!!
-Oui oui... ils ne sont pas aussi compréhensifs que les tiens. Enfin, ma mère surtout.
-C'est chiant.
-Écoute, je suis désolée de faire ça au téléphone, mais ils ne voudront sûrement pas me laisser sortir, pas maintenant.
-Qu'est-ce qu'il y'a ?
-L'heure est à la confession, j'ai quelques points a éclaircir à mon propos...
-Ne te sens pas obligée... je ne veux pas que tu te forces...
-Je pense que... C'est mieux que tu le saches.
-Alors vas-y, sens-toi libre de te confier à moi.
-C'était... - je respire profondément en essayant de contrôler les tremblements dans ma voix - il y a quelques années... Je... je suis sortie avec mon frère. Tout... tout est allé très vite. On s'est fait arrêté par des personnes de mon collège qui ne me portaient pas vraiment dans leur cœur. Ces personnes me harcelaient depuis quelques années si on peut parler de harcèlement... ça n'était jamais allé plus loin que quelques insultes et quelques coups d'épaules, je m'y étais faite. Ce jour-là... Ils ont voulu aller plus loin. Ils étaient prêts à me dévisager. Peut-être qu'ils m'auraient même tuée. Pendant ce calvaire, mon frère s'est interposé. Il a reçu un cou violent, sa tête a heurtée contre un mur et il s'est évanoui. Quand ils s'en sont aperçu, ils m'ont lâchée et sont partis. Je n'avais que des blessures mineures, lui est resté endormi pendant des semaines. Le coup était violent... il était branche de partout... C'est un miracle qu'il se soit réveillé. Mais il ne se souvient pas du tout de cet "accident". Mes parents n'ont pas arrêté de dire que ce n'était pas de ma faute je savais que si ! C'était de ma faute ! Et... Ce jour-là, lorsque je me suis faite violée, j'ai eu l'impression de revoir le corps inerte de mon frère sur le sol. D'un côté... J'étais rassurée. Rassurée qu'ils s'en prennent à moi plutôt qu'à toi par exemple... 
-Chloé...
-Voilà... Je voulais que tu saches ça. Je voulais que tu saches que je suis responsable du  trauma de mon petit-frère et qu'après ça je me suis totalement renfermée sur moi-même.
-... Finalement on peut dire que ça a été plus dur pour toi que pour lui.
-Je l'ignore...
-Chloé... Chacune son tour non ?
-Hein ?
-Il y a eu une époque, au début de mon lycée, où je me mutilais.
-Quoi ?? Pourquoi ??
-Je me sentais... vide. Vraiment vide. Comme si plus rien n'avait d'importance. Comme si je ne ressentais aucun sentiment humain. Je n'étais qu'un vide terrifiant. Je me mutilais à des endroits faciles à cacher. Pas trop profondément pour espérer ne pas avoir de cicatrices. Je ne le faisais qu'une fois de temps en temps, lorsqu'une griffure avait disparu j'en refaisais une. C'était le seul moyen que j'avais de rester... Connectée. A force d'être vide on se demande si on peu ressentir quoique ce soit tu sais... Même la douleur. Alors cette petite douleur que je m'infligeais, c'était ma preuve que j'étais bien vivante. Inconsciemment, j'avais aussi envie que tout le monde le sache et qu'on me couvre d'affection... Haha... ça a duré tout mon lycée, j'ai jeté mes lames quand je suis arrivée à la fac. Mais ce vide n'a été comblé qu'à ton arrivée. Alors je voulais que tu le saches et... Je voulais te remercier. Tu as changé ma vie Chloé. Merci infiniment...
-Léa... toi aussi tu as changé la mienne..."

Un silence agréable. J'ai l'impression de pouvoir la sentir. J'ai l'impression que... la savoir à l'écoute de ma respiration, réussit à davantage faire battre mon cœur. Comme si elle me réchauffait, juste par sa présence irréelle.

A la fois si proche... Et portant si loin.

Dans un murmure, elle me souhaite une bonne nuit.

22h47. Ce soir, je m'endors avec le cris d'adultes perdus comme berceuse.

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