Eléonore de Sainte-Hermine attendait le fiacre avec impatience et excitation. Elle avait quitté Guillaume le cœur déchiré cinq ans plus tôt. Il lui avait promis de lui écrire des lettres, mais il ne l'avait jamais fait. L'attente de son retour avait été interminable pour elle. Elle le voyait partout, l'imaginait partout. Dans les romans qu'elle lisait, elle se muait en princesse orientale et Guillaume était son prince. Elle gardait toujours à son poignet le foulard qu'il lui avait offert lorsqu'ils étaient enfants, convaincue qu'il était toujours imprégné de son odeur.
Promis l'un à l'autre depuis l'enfance, ils avaient toujours été ensemble. Ils jouaient, enfants, dans les jardins du château. Éléonore se faisait souvent gronder, parce qu'elle déchirait ses robes et abîmait ses coiffures qui s'accrochaient aux brindilles lors de ses courses folles avec son ami. On lui disait que Guillaume avait le droit de jouer et de courir, mais pour elle, il valait mieux jouer à la dînette. Éléonore avait longtemps été révoltée. Elle n'en faisait qu'à sa tête. Elle avait fini par désespérer le château entier, parce qu'au lieu de jouer à la poupée avec les petites filles de son âge, elle préférait faire des batailles de boue et transpirer dans ses jupons tâchés.
Guillaume.
Ce nom avait toujours sonné comme un synonyme de bonheur, d'insouciance et de liberté dans la tête Éléonore. Guillaume lui avait donné sa liberté. Il lui avait appris que malgré ce que lui dirait la société, bien qu'elle soit une femme et que son rôle soit d'être une bonne mère, même si elle devait être toujours bien mise, toujours polie, toujours au service de son mari et de ses enfants, il lui avait appris qu'elle était libre et qu'elle était son égal. Et elle l'avait aimé. Parce qu'il ne posait pas sur elle un regard de supériorité, parce qu'il ne voulait rien lui apprendre. Alors Éléonore était devenue une femme forte, tempétueuse et sûre d'elle. Son caractère était d'acier, elle savait ce qu'elle voulait. Elle était libre. Et elle voulait Guillaume.
Trépident d'impatience au bord du chemin boueux à cause des pluies automnales, Éléonore se remémorait avec bonheur ses souvenirs d'enfant. Elle se demandait s'il avait changé, ce qu'il lui raconterait, s'il lui apprendrait à se battre, s'ils feraient des balades à cheval comme par le passé.
Le fiacre s'approcha avec une lenteur insupportable et s'arrêta enfin devant la petite famille attroupée en attendant le jeune chevalier. Éléonore fut prise de tremblements, d'angoisse, elle devint rouge et malgré les températures, elle avait chaud, engoncée dans sa robe. Ses pensées enfantines furent obscurcies par les échéances prochaine : le mariage avec Guillaume le mois suivant son arrivée, et les enfants à concevoir.
La porte s'ouvrit et Guillaume descendit, radieux. Il avait mûri, il était devenu un homme, ses cheveux d'un blanc pur tirés en arrière mettaient ses traits en valeur. Ses magnifiques yeux bleus nuit, son regard sombre, ses lèvres pulpeuses, son sourire lumineux. Il était plus grand, plus musclé et toujours svelte et vigoureux. Éléonore regarda son futur mari avec amour, réalisant un peu plus la chance qu'elle avait. Elle détaillait son expression, et eu le cœur serré en voyant ses yeux légèrement rougis, ses paupières un peu gonflées, et son regard perdus dans le vague.
Il offrit un sourire ravissant à la petite assemblée, qui parut faux à Éléonore, et salua ses parents et sa nourrice du temps où il était enfant. Puis ses yeux se posèrent avec distance sur la jeune femme et il s'inclina rapidement face à elle, avant de lui souffler à l'oreille :
« Rejoins-moi dans ma chambre dès que je serai installé. »
Éléonore rejoignit Guillaume, comme il l'avait demandé. Elle repensait à sa manie de tutoyer tous ses proches, et sourit. Ils avaient toujours procédé de la sorte, et elle était heureuse qu'il ait gardé cette habitude avec elle. Elle savait pertinemment faire partie des rares élus qui bénéficiaient de cette marque de respect toute particulière.
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Envol - L'Ecole des Pages |Tome 2 |
Hayran KurguMa loyauté envers toi, mon amour, elle sera sans limite. Par-delà la mort, je tiendrai mes promesses. Et à travers tous les mondes, dans les innombrables univers que nous pourrions traverser, mon amour pour toi restera indéféctible. Je serai toujou...