Je ne sais pas ce que Luc a bien pu raconter à mon père concernant le Bal, mais il a dû être convaincant puisque mon paternel a consenti à me laisser rester à la maison toute la semaine. Au départ j'ai décliné la proposition, me sentant suffisamment de courage pour retourner au lycée à la fin du week-end, mais une fois celui-ci écoulé, mon discours n'était plus tout à fait le même.
Un peu comme s'il m'avait fallu deux jours pour réaliser tout ce qui s'était passé à cette soirée et ce que les aveux de Shawn impliquaient. Bien sûr, j'aurais dû me sentir soulagée d'apprendre que je n'ai pas perdu ma virginité ce soir là, à cette fête, dans ces conditions. Mais aussi apaisée par la nouvelle que j'ai pu être, cela n'a pas suffit à compenser cette impression de dégoût et de trahison qui m'accompagnent depuis que celui que je considérais comme mon petit-ami à craché ces mots, sur le parking. Ce n'est pas tant le fait d'apprendre que je ne lui plaisais pas, que celui de comprendre qu'il m'a manipulée et qu'il s'est moqué de moi depuis le début qui m'a anéantie. Je me suis sentie si petite, si crédule, si... ridicule.
Et dire que Cooper a assisté à toute la scène.
Comment pourrais-je lui dire ce que j'ai sur le coeur, à présent ? Je regrette qu'il m'ait empêchée de le faire le soir du Bal, parce qu'à présent, je ne m'en sens plus le courage. Même si c'est ce qui me semble le plus important pour l'heure, je ne parviens pas à surmonter mon appréhension. C'est pour cette raison que je n'ai encore répondu à aucun de ses messages, pourtant nombreux, qu'il m'a envoyé pour prendre de mes nouvelles. Justement, mon portable vibre à nouveau sur ma table de nuit. Le regard vide et le corps comme anesthésié, je me dirige vers le petit meuble blanc et me saisit de l'appareil, qui affiche une fois de plus le nom de mon ami d'enfance.
" Jamie, je sais que les derniers jours ont été éprouvant pour toi et que tu as eu ton compte d'information à digérer. Mais je commence à m'inquiéter. Tu ne viens plus au lycée, et tu ne réponds pas à mes messages. Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?..."
J'interromps ma lecture, mon estomac se tordant à la lecture de ces mots qui me semblent si douloureux et pourtant si incongrus. Bien sûr que non, tu n'as rien fait de mal Cooper. J'aimerais le lui dire, mais mon corps et mon esprit semblent sur deux plans différents, l'un ne répondant pas aux ordre du second. Depuis dimanche soir, je suis plongée dans une sorte de léthargie dont je ne semble pas pouvoir me défaire. Comme si l'engourdissement dans lequel je me trouve me protégeait de la douleur qui menace de resurgir d'un moment à l'autre. Alors même si je meurs d'envie de lui répondre, je ne peux me résoudre à le faire. De peur que mon armure d'indifférence ne se fissure et que je sombre. Je reporte mon attention sur l'écran de mon iPhone pour y lire les derniers mots de Cooper.
" Je sais que je dois te laisser du temps, mais je commence à regretter de ne pas avoir parlé le soir du Bal. J'ai eu peur que ce soit trop à encaisser d'un coup. Et maintenant je me dis que j'ai raté le coche. S'il te plaît, dis-moi qu'il n'est pas trop tard ? Laisse-moi venir te voir ce soir..."
J'hésite un instant, les doigts en suspens au dessus du clavier, puis finis par fermer l'application et laisser retomber mon téléphone à côté de moi, dans un soupir las. Quelques coups frappés à la porte me tirent de ma contemplation morne de ma commode et de toutes les babioles qui y sont abandonnées. Sur le pas de la porte de ma chambre, Luc se tient, un peu hésitant. Je lui fais signe d'entrer, et il s'exécute en avançant prudemment, comme s'il marchait sur des oeufs. Je dois vraiment avoir une mine affreuse pour qu'il se comporte ainsi. Je risquerais bien un coup d'oeil en direction de mon miroir, sur la coiffeuse, mais le raclement de gorge de mon meilleur ami m'en dissuade. Il soupire et se laisse tomber à côté de moi sur le lit.
- Il faut qu'on parle, lâche-t-il, de but en blanc.
Je me tourne légèrement vers lui, un peu inquiète. Même si je sais d'ores et déjà que ce qu'il a à me dire n'a rien à voir avec notre altercation et ses répercutions sur son avenir. Mon père nous a déjà offert notre fin heureuse à ce sujet. Il m'a avoué samedi matin qu'il économisait depuis un certain temps pour m'offrir ma première voiture, et que si j'acceptais d'y renoncer, il pourrait tout à fait accueillir Luc parmi nous, sans que cette bouche supplémentaire à nourrir ne soit un problème dans son budget. Inutile de préciser que j'ai dit adieu à la voiture sans la moindre hésitation. Et depuis, mes relations avec mon meilleur ami sont revenues à la normale. C'est pour cette raison que je suis d'autant plus intriguée par son attitude et cet air soucieux qui déforme ses traits.
- Jam', tu sais que je t'aime ? Je hoche la tête. Alors il faut que tu me crois quand je te dis que c'est avec tout mon amour que je te fais savoir que tu as vraiment une sale gueule ces derniers temps.
J'aurais voulu lui balancer une répartie bien sentie, ou un trait d'humour caustique, mais j'en suis parfaitement incapable. Déjà parce que je suis bien trop surprise par la manière dont il m'a présenté la chose, et aussi parce qu'il n'a pas tout à fait tord. Même si j'évite les miroir, je devine que l'image que je renvoies n'est pas bien reluisante. Malheureusement, c'est le mieux que je puisse faire en ce moment. Alors je pousse un soupir contrit et je hausse les épaules, résignée.
- Écoutes, je sais que je ne suis pas à ta place, je n'ai aucune idée de ce que tu ressens. Mais je ne suis pas dupe et je pense que toi non plus. Shawn, tu avais tiré un trait dessus bien avant d'apprendre ses réelles intentions. Alors oui, ça craint qu'il se soit foutu de toi. Mais au final, est-ce que ça a une réelle importance ? Non. Tu es en train de passer à côté de ta chance à cause d'un type qui n'en vaut pas la peine. Et ça, je ne peux pas l'accepter.
Il se lève et me saisit sous le bras pour me forcer à l'imiter.
- Alors tu vas te lever. Tu vas prendre une douche, dit-il en grimaçant. Et tu vas me faire le plaisir d'enfiler autre chose que le vieux jogging que tu traînes depuis cinq jours.
Il ouvre en grand ma penderie, fais défiler les cintres avant d'en sortir un et de me le jeter dans les bras.
- Tiens, mets ça. D'une main dans le dos, il me pousse vers la salle de bain sans me laisser le temps de protester. Hop hop hop.
***
Essayer de discuter avec Luc et de le faire changer d'avis a été inutile. Puisqu'il ne m'a tout simplement pas laissé l'occasion d'en placer une. Il s'est contenté de me pousser à chaque nouvelle étape de ma préparation. Choisissant ma tenue, ma coiffure, mon maquillage, et même mes chaussures. C'est peut-être pour le mieux. Comme il ne m'a pas dit où il m'emmenait, je n'aurais certainement pas pu faire les bons choix.
Mon meilleur ami me guide à l'extérieur de la maison, d'une main plaquée au creux de mes reins, puis une fois sur le pas de la porte, il se figes.
- Oh merde, j'ai oublié mon porte-feuille. Attends-moi là, je reviens tout de suite.
Alors que le froid mord mes jambes au travers de mes collants trop fins, je resserre les pans de ma veste sur ma taille et me tourne pour regarder Luc remonter l'allée en courant. Avant de refermer la porte derrière lui, et de le voir la verrouiller. Je le rejoins en trottinant et lui crie depuis l'autre côté:
- Mais qu'est-ce que tu fous ? Je me les gèles ! Ouvre !
- Désolé JamJam ! Mais il te fallait un coup de pied au cul ! me parvient sa voix étouffée alors que je le vois s'éloigner, et éteindre la lampe de l'entrée.
Je pivote sur moi-même, comme pour chercher une réponse sur l'asphalte de la route déserte quand un 4x4 noir se gare le long du trottoir. Je m'approche timidement et avant même que je ne puisse porter la main à la poignée, la portière s'ouvre sur un Cooper tout sourire.
Luc, sale traître.
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F*ck it List
Teen FictionAssez ! Que la capitaine des cheerleader ignore son nom après trois ans dans le même lycée ? Passe encore. Mais que le nouvel élève, et partenaire de labo de Jamie, réponde à son invitation Facebook par "On se connait ?", c'en est trop. Elle est bie...