Pensées d'une fille

1.

Elle ferme la porte et s'assoit sur son lit. Plongée dans le noir, elle essaie de voir ce qu'en plein jour elle ne remarque pas. Ce qui lui manque. Parce que tout à l'air pour le mieux mais au fond d'elle, elle sait que quelque chose lui manque.
Elle s'est dit pendant des jours que cela devait être un sentiment passager qui s'envolerait comme une lourde plume sur son esprit. Mais ça ne passe pas et cela l'empêche de respirer.

Alors elle met le mode Avion sur son téléphone qu'elle n'arrive même plus à regarder, elle met de la musique et aucune de ses playlist ne lui convient. Chaque chanson lui pèse, aucune ne permet de la calmer même si elle n'est pas franchement agitée. Elle est plutôt dans un état qui la laisse apathique et qui d'un seul coup s'accroche à elle comme sa propre conscience. Quand elle rigole, elle fait semblant. Quand elle sourit c'est simplement deux coins de bouche qui se soulèvent,  cela ne reflète pas un sentiment propre intérieur. Pourtant tout va bien. Rien ne devrait la mettre dans cet état.

Mais elle n'arrive toujours pas à respirer correctement. Elle a l'impression de n'avoir qu'un seul poumon ou bien que l'air qu'elle respire ne va pas là où il devrait aller et qu'à la place il s'évapore sans un bruit. Mais elle continue et elle agit en étant elle-même.
Or, dans ces moments-là, elle a oublié comment elle faisait pour apprécier sa playlist préférée, elle a oublié comment elle rigolait avec ses amis, elle a oublié comment elle regardait l'espace qui l'entoure sans dériver sur de la mélancolie.

Elle devient une fille apathique qui joue son propre rôle pour éviter des questions auxquelles elle ne saurait répondre, une fille qui refuse d'inquiéter son entourage qu'elle a momentanément arrêté d'aimer car elle ne sait plus comment faire. Elle se trouve horrible et elle se fait peur alors elle arrête de se poser des questions auxquelles personne ne saurait répondre et elle réfléchit.

Des fois, elle prend un de ses carnets et écrit tout ce qui lui passe par la tête juste pour que cela sorte une bonne fois pour toutes et qu'elle comprenne peut-être ce qu'elle ressent en retranscrivant ses pensées sur du papier.
Elle ne relira jamais ses notes. Pour quelle raison ? Elle ne le sait pas elle-même. Peut-être a-t-elle peur de découvrir des choses qu'elle ne souhaite pas connaître, des choses qu'elle ne veut pas s'avouer. Pourtant elle prend soin de tout noter sans faute de conjugaison, d'orthographe ni de grammaire. Elle évite même les répétitions qui font grimacer.
Si quelqu'un lisait ses pensées écrites elle en mourrait sûrement car... en fait elle ne sait pas pourquoi elle en mourrait, elle sait seulement que ça la tuerait. Néanmoins elle continue à écrire à chaque fois qu'elle en a besoin, à chaque fois que cet état l'oppresse trop, à chaque fois qu'elle a l'impression que son cœur et que ses poumons déconnent. Ça l'aide à mieux respirer.

Souvent elle s'imagine dans un endroit, à l'extérieur, au-dessus de toutes choses et où il fait froid. Une petite brise l'accueille ce qui lui permet de fermer les yeux, de ne plus penser à rien d'autre qu'à cet air si frais qui l'entoure.
C'est en cet endroit qu'elle peut respirer pleinement. L'air peut s'immiscer dans chaque alvéole de ses deux poumons et son cœur bat de concert avec son nouvel environnement. Cet endroit, elle en rêve mais ne le trouve pas. Quand elle pense respirer c'est seulement temporaire et elle s'impatiente. Cependant elle continue d'espérer parce qu'elle sait ce qui arrivera si elle arrête.

Puis un jour enfin, cet état se sera dissiper durant la nuit et tout ira bien, comme cela devrait tous les jours. Rien de spécial ne se sera produit. Elle aura même oubliée qu'à un moment elle ressentait ce manque jusqu'à ce qu'un matin ou un après-midi ou une fin de journée, elle se remette à ne plus respirer pleinement, à ce que des frissons la parcourent sans aucune raison apparente.

Alors elle referme la porte de sa chambre et elle s'assoit sur son lit. Elle se retrouve à nouveau plongée dans le noir, seule avec ses pensées et ses carnets rêvant d'un meilleur endroit pour respirer.