Tu n'as pas su te lever le matin. Pourtant, ça n'a l'air de rien dit comme ça, des tonnes de gens y arrivent sans problèmes et le font chaque jour, c'est à se demander si tu es vraiment humaine. Tu n'y parviens pas. Mais tu n'as pas envie de rester sous tes draps non plus, en fait, c'est fou, tu n'as envie de rien, absolument rien. Et lorsque tu t'en rends compte tu éclates d'un rire sans joie. Rien, rien, rien. Tu en trembles d'effroi. Alors tu restes allongée.
Tes parents ne s'inquiètent pas trop, ils déposent un verre d'eau et de quoi manger près de toi avant de partir au travail comme si tu étais malade. Tu as envie de mourir. Ils s'en fichent parce qu'avant de voir ta psychologue, avant d'être sous médicaments, tu avais de longues périodes comme cela où tu ne voulais simplement rien faire.
Tu es une coquille vide, on t'a arraché ta perle et tu te laisses flotter, inutile dans la grandeur de l'océan mais incapable de te noyer. Tu es seule, le monde est néant. Tu te le répètes en boucle dans ta tête comme une prière alors que rien ne se passe, rien du tout. Tes yeux glissent sur tous les objets de ta chambre. Tu es perdue dans cet état second où plus rien n'a de sens. Tu vois ton cour de math posé sur la table depuis hier et cherche une signification à sa présence.
Sans la moindre expression, tu te redresses et avec une infinie lenteur, tu descends de ton lit et marche à quatre patte jusqu'à ton bureau.Tu t'assieds sur ta chaise et commence à faire les calculs sans la moindre émotions, parfois ça ne ressemble à rien, tu te contentes d'écrire des chiffres où de dessiner des spirales, parfois tu fais de longues équations compliquées sans la moindre difficulté. Quand tu estimes avoir terminé, tu jettes tout à la poubelle et vide ton verre d'eau en quelques gorgée.
Tu ouvres la fenêtre de ta chambre et regarde un instant à l'extérieur avant de te traîner à quatre patte dans toutes les pièces de ta maison. Le temps passe. Tu attends sans plus réfléchir à rien. Tu finis par te cacher dans la douche et te laisses tremper toute habillée. Les heures défilent, tu te noies plusieurs fois mais ton corps recrache systématiquement l'eau qui y a dans tes poumons. Tu vis milles et une résurrection, ça fait un peu mal, tu as l'impression de vomir. C'est dans cette position que Thomas te retrouve quelques heures plus tard.
__Lore ! Lore !
Tu ne te demandes pas comment il est entré ni pourquoi il s'est permis d'entrer dans la salle de bain en entendant la douche couler, mais il est là. Il éteint la douche et t'enveloppe dans un essuie, le visage dévasté. En toi, quelque chose change un petit peu, juste un mini déclic provoqué par son visage.
__S-Sa-alut.
Il dit toujours « salut ». Le garçon te prend dans ses bras et te sors de la salle de bain pour t'emmener dans ta chambre. Il te dépose sur ton lit et tu fronces les sourcils avant de pointer un doigt accusateur dans sa direction.
__T-Tu m-m'as pas d-dit s-sa-alut !
Le brun passe anxieusement une main dans ses cheveux avant de s'asseoir près de toi.
__Salut Lore, tu te sens comment ?
__T-Très b-bien.
Il voit le thermomètre posé sur ta table de nuit et s'en saisit pour prendre ta température. Il ne te le dis pas mais tu vois à l'expression de son visage que tu es bien au dessus des trente-sept degrés.
__J-J'ai de la f-fièvre ?
__Non pas du tout.
Ça te rassure vraiment. Tu constates que la fenêtre est fermée, ce doit être par là qu'il est entré, puis tu fermes les yeux.
__J-Je suis fatiguée, T-Thomas.
__Oui, repose toi.
Il te glisse toute habillée sous les draps et te borde comme si tu étais un petit enfant.
__T-Tu restes a-avec m-moi hein ?...
__Oui, pour toujours si tu veux, c'est promis.
L'idée te convient et lorsqu'il te prend la main, tu la serres avec toutes les forces qu'il te reste.
__ M-Merci, t'es g-gentil.