3. destruction salvatrice

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Le parchemin se froisse dans la paume de Theodore pour ne former plus qu'une boule imparfaite hérissée de lames fragiles qui se plantent dans la neige. Sous les yeux désintéressés du jeune homme, l'humidité gagne le papier et déforme les mots tracés avec tant de sollicitude par Astoria Greengrass.

Mais à quoi s'attendait-elle, de toute façon ? Il ne peut rien faire pour Daphné. Et quand bien même il en aurait la possibilité, il ne bougerait pas le petit doigt. Ils ont besoin d'elle, au bar. Sans Daphné, Gregory se noie, Pansy se salit, Blaise devient incontrôlable, et c'est à lui qu'incombe la responsabilité de veiller sur eux. Son ancienne camarade pourrait se tuer à la tâche que, égoïstement sans doute, il ne ferait rien pour l'en empêcher.

Abandonnant là la lettre désormais imbibée d'eau, Theodore repose les yeux sur la pierre tombale qui lui fait face. Les salissures qui la strient, si indignes de celle qu'elle protège, le font grimacer, mais il ne sort pas sa baguette pour la nettoyer. Il n'en a plus le temps. Déjà, le soleil pointe par-dessus les toits crasseux et suintants de la capitale, et sa silhouette s'évanouit en un craquement.

***

Une quinzaine de minutes plus tard, c'est assourdi par les conversations trop enjouées de ses collègues qu'il se glisse entre les portes béantes d'un des ascenseurs du Ministère.

— Monsieur Nott, le saluent les quelques-uns qui l'imitent.

Des hochements de tête mécaniques leur tiennent lieu de réponse.

— Theodore, souffle une voix alors que les grilles se referment et que la cabine se met en mouvement.

Il n'a pas besoin de relever la tête pour savoir à qui elle appartient. En plus d'en avoir côtoyé le propriétaire pendant ses sept années d'études, une seule personne au sein du Ministère se risque à l'appeler par son prénom.

— Drago. Du nouveau à propos de ma donation ?

— Mes collègues et moi l'étudions. Ta générosité est appréciée à sa juste valeur. Cependant, je ne crois pas qu'elle aidera ton père...

Le blond a soufflé la dernière phrase comme s'il craignait qu'elle énerve Theodore. Mais celui-ci reste de marbre.

— Je n'attendais pas d'elle qu'elle le fasse, répond-il sèchement.

Drago profite de l'agitation provoquée par l'arrivée à l'étage de la Coopération Magique Internationale pour soupirer.

— Je sais que tu m'en veux, mais on ne m'a pas laissé le choix.

— Tu te trompes.

— Non. C'était ma liberté ou...

— Si, tu te trompes, le coupe Theodore. Je ne t'en veux pas le moins du monde. Après, si la culpabilité t'étouffe, convainc-toi d'abord de tes excuses avant de chercher à te justifier auprès des autres.

— Ils voulaient des noms, maintient Drago. Je le leur ai donné. Je n'ai aucun problème avec ce que j'ai fait.

Le ricanement de Theodore paraît décupler l'agacement de son vis-à-vis tandis qu'un silence tendu les enveloppe.

— Ils vont bien, au moins ? reprend Malefoy au bout d'une poignée de secondes.

— Pour le moment, ils flottent.

Sa phrase est ponctuée d'un long grincement causé par l'ouverture des portes sur les couloirs du Département de la Justice Magique. L'air perturbé, Drago se frotte l'arrière de la tête et quitte la cabine, puis celle-ci repart. Le temps qu'elle se vide de la totalité de ses occupants et s'arrête au dernier étage du Ministère, Theodore aurait presque pu piquer un petit somme. Mais la force de l'habitude semble accélérer les choses et, bien vite, l'ascenseur le recrache à son tour.

Le plafond du Service Postal de Communication est si bas qu'il force le jeune homme à se baisser, quand il n'est pas trop occupé à slalomer entre les piles de courriers en attente pour s'en rappeler. La plupart des bureaux sont encore déserts et c'est sans croiser un chat que Theodore finit par atteindre le sien, sombre cagibi dénué de fenêtre. Fin prêts, son coupe-lettre et sa plume l'attendent pour une nouvelle journée au cœur des oubliettes du Ministère.

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