Chapitre 1 : Fauché

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Le ciel est terne. Aussi terne que les immeubles alentour. Les regarder est déprimant. Le vent me fouette le visage et m'ébouriffe les cheveux. Mes yeux ne quittent pas l'horizon et la poussière s'insinue dans tous les pores de ma peau.

J'ai l'impression d'être là depuis de nombreuses heures car mes yeux sont secs. Je cligne des paupières plusieurs fois pour les réhydrater puis tourne les talons pour rejoindre ma moto. De petites bourrasques soulèvent les longs pans de mon manteau ébène. La pluie se met à tomber, d'abord doucement puis avec plus de vitesse et de violence. Un rideau d'eau se forme devant mes yeux et m'empêche de voir à plus d'un mètre devant moi. La ruelle s'assombrit jusqu'à ressembler à celle d'un film d'horreur.

En passant devant la vitre d'une boutique abandonnée, je m'arrête et observe mon reflet. Je trouve que j'ai particulièrement ma place dans ce décor sombre. Avec mon manteau m'arrivant presque aux mollets, mes bottes, mon jean et mon pull noirs, mes cheveux d'un blanc spectral, mes yeux rouges sang et mes crocs, on peut dire que j'ai vraiment l'allure d'une créature de la nuit. Ou d'un type louche. Je pousse un profond soupir. Je n'ai pas vraiment le temps de m'admirer.

Je relève le col de mon manteau sur mes oreilles pour les protéger du vent puis glisse mes mains trempées dans mes poches. Je me remets à marcher en trainant les pieds. Le bruit de mes pas résonne sur le bitume. Je suis seul. Ce n'est pas plus mal, au moins il n'y a personne pour s'inquiéter de ma santé mentale. Bon Dieu ! Je contrôle ma folie ! Il le fallait bien depuis ce fameux jour. Certains disent que je n'ai pas encore fini mon deuil mais comment le pourrais-je ?

Tout en marchant, je shoote dans des canettes vides et des morceaux de verre brisés qui retombent sur le sol dans un bruit strident qui brise le silence qui m'entoure. Je tourne au coin de l'immeuble suivant et aperçu au loin la silhouette svelte et prédatrice de ma moto. Elle est d'un noir brillant rappelant la nuit et ses étoiles. Je l'adore. Elle est puissante et attractive, que ce soit à l'arrêt ou en marche. Et le son qu'elle émet me donne des frissons d'excitation. Si je pouvais tomber amoureux d'un objet, je crois que ce serait d'elle.

En m'approchant tout en bavant devant sa splendeur, je remarque la forme négligemment assise sur le siège passager. Je pousse un autre soupir et essuie rapidement la bave qui coulait quelques secondes plus tôt sur mon menton. Je continu d'avancer en levant un peu plus les pieds pour faire le moins de bruit possible. Je m'arrête près de ma chère machine et regarde sans le moindre sentiment la jeune fille d'environ 17 ans qui me sert de partenaire. Je sais parfaitement qu'elle a senti ma présence mais elle ne lève pas les yeux vers moi.

Lorsqu'une bourrasque fait claquer mon manteau, elle se décide enfin à me regarder. Elle est, elle aussi habillée de noir : un léger blouson de cuir, un jean moulant à cause de la pluie et des baskets à lacet tellement usés qu'elles semblent sur le point de se rompre. Ses cheveux mi- longs châtains tombent sur son visage enfantin et ses yeux verts me transpercent autant que les miens le font. Elle détourne le regard et repousse avec impatience l'une de ses mèches rebelles en la rejetant derrière son épaule. Elle tremble légèrement mais ne dis rien. Elle a vite compris qu'il ne sert servait à rien d'essayer de m'arrêter, quel que soit mon objectif.

Je peste silencieusement, enfourche ma moto et démarre le moteur. Bien que je refuse de laisser passer la moindre piste, je ne peux pas me permettre que la jeune fille soit malade. Elle ne me servirait à rien. Elle bougonne et soupire mais je la sens soulagée de rentrer enfin. Elle n'aurait probablement pas supporté encore une heure sous une pluie torrentielle. Nous nous sommes enfoncés à pleine allure dans la nuit tombante pour rejoindre notre hôtel. Sans prononcer le moindre mot. Je soupire à mon tour.

***

Alors même que je refermais la porte d'entrée de notre minuscule chambre derrière nous, je la vois s'engouffrer dans la salle de bain à toute vitesse tout en me lançant un de ses regards noirs dont elle a le secret. Je secoue la tête d'exaspération, enlève mon manteau trempé et le jette sur mon lit parfaitement fait. Il s'agit d'un de mes nouveaux réflexes. Je suis désormais tellement maniaque que je me fais peur moi-même. Dire qu'autrefois je me fichais bien du ménage ou du rangement. Elle m'a vraiment changé.

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