Chapitre IV: D'acier ou de sang

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Calliandra...

J'attendis qu'il s'éloigne pour laisser mes larmes couler. Une par une. Puis un torrent de larmes. Incontrôlable. Les Dieux devaient bien rire. Des picotements parcouraient mon bras droit et le rendaient douloureux. Ma tête était lourde. J'avais froid près du bassin rempli d'eau. Je me sentais seule, trop frêle, une ombre. L'image de Tibalte jaillit de manière incompréhensible dans mon esprit. Sa lame dansant dans mes cheveux. Il aurait dû me trancher la gorge, me laisser agoniser sur le sable. Mes propres parents m'avaient jugée indigne d'être leur enfant. Mais une femme t'a aimée comme le sien alors que rien ne l'obligeait à le faire murmura une voix dans ma tête. Cette idée me réchauffa un peu mais des bruits de pas vinrent me tirer de ma torpeur. J'essuyai rapidement mes yeux et me levai pour partir.

- Reste là ! ordonna la voix de Tullia. Tu sembles bien pressée de t'enfuir je ne sais où.

Elle prit place sur la banquette où se trouvait Martial un peu plus tôt et planta ses yeux reptiliens dans les miens. Elle esquissa un sourire qui me fit froid dans le dos. Un vent glacé s'abattit sur mes épaules, pesant de tout son poids sur mes os gelés. Cette femme me faisait peur. Je la savais capable du pire et je ne parvenais toujours pas à comprendre comment Martial avait réussi à en tomber amoureux. Elle était plus jeune que lui. Mais cela n'expliquait pas tout. Bien sûr, elle avait de ses yeux émeraude qui savent séduire les cœurs les plus endurcis mais si tôt qu'elle ouvrait la bouche, le charme s'envolait. Elle portait les plus belles étoffes, savait mettre en valeur des courbes qui auraient fait pâlir Venus, cachait sa véritable nature derrière un sourire de façade. Cependant, tant de beauté se retrouvait rapidement dévastée par le champ de ruines répugnant qu'elle arborait en son sein.

- Tu as pleuré, me demanda-t-elle, adoptant un ton faussement compatissant.

- Non.

- Ne mens pas, esclave ! répondit-elle en criant.

Elle se leva et me gifla, seulement pour le plaisir de voir la trace de sa main orner ma joue. Elle recula et m'observa comme on observerait une fresque. Fière de son résultat. C'était la première fois qu'elle se permettait un tel acte. L'emprise qu'elle avait sur Martial s'était-elle répandue ? N'avait-elle plus peur des représailles ? Ou l'envie était-elle si forte qu'il aurait été inimaginable d'attendre un jour de plus pour assouvir sa soif de vengeance ?

- Lève-toi !

J'obéis mais refusai de la quitter des yeux. Hors de question de plier devant un animal rampant lorsqu'on se destinait à voler plus haut que le Panthéon.

- Enlève-moi ça, continua-t-elle en désignant la fine tunique qui recouvrait mon corps.

Je ne voulais pas qu'elle sente que j'avais peur, que j'avais honte d'être ainsi humiliée par une catin, une charogne. Mes mains tremblaient et j'essayais de contenir la rage qui brûlait mon ventre tout en retirant mon vêtement. La tunique glissa sur le sol dans un mouvement souple et silencieux. Tullia étira ses lèvres dans un sourire malveillant et se mit à tourner lentement autour de moi.

- Sais-tu Calliandra ce qu'est un officium ? demanda-t-elle enfin en s'immobilisant derrière moi.

Une lame se mit à triturer mes entrailles. Doucement. Encore et encore.

- Tu as perdu ta langue ? ironisa Tullia en glissant un doigt sous mon menton.

Je la fixai mais restai muette. Si les mots venaient à quitter ma bouche, même Martial ne pourrait rien faire pour empêcher ma mise à mort.

- Très bien. Je vais t'expliquer. L'officium est un devoir sexuel. L'esclave est contraint d'accepter toutes les relations sexuelles qui lui sont imposées. Sans rien dire. Sans un mot. Sans une larme. Tu as l'air assez douée pour le silence. Tu sauras t'y faire. J'ai des projets pour toi. Tu feras un bien joli cadeau. Crois-moi.

calliandra la gladiatrice : le rubis de romeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant