Chapitre V: Corruption et décadence

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Pothélée resta couchée durant plusieurs jours, ses forces l'ayant abandonnée, la contraignant au repos le plus complet malgré la mauvaise humeur de Tullia. La fièvre baissa comme l'avait promis Eaclès et Calliandra remplaça sa mère dans les tâches quotidiennes du mieux qu'elle le put. Tullia ne perdait jamais une occasion pour l'humilier mais Martial parvenait à calmer ses ardeurs lorsqu'il voyait sa femme agir.

Calliandra préférait rester muette face aux insultes, forte du secret qu'elle détenait désormais. Tullia ne semblait pas au courant de l'aveu de Martial car elle continuait à crier haut et fort que la jeune fille n'était qu'une esclave incapable et maladroite, indigne d'être née. Le jour où elle l'avait obligée à se déshabiller, Calliandra avait failli lui dire qu'elle n'était pas une esclave mais une romaine comme elle et qu'elle n'avait donc aucun droit sur elle. Cependant, quelque chose en elle lui avait murmuré que ce n'était pas le moment de jouer cette carte, qu'il était trop tôt, qu'elle ne devait pas encore savoir qu'elle connaissait la vérité.

L'entraînement reprit de manière plus intensive une fois Pothélée remise de sa maladie. Calliandra suivait les conseils de Spiculus avec attention et ne se plaignait jamais : ni de la chaleur, ni de la fatigue, ni des blessures qu'elle commençait à accumuler. Le doctore ne lui laissait que peu de répit mais ils savaient tous les deux que les attentes étaient grandes et que le temps accordé était moindre. L'entraînement débutait à l'aube et ne s'achevait qu'à la fin du jour. Le matin, Calliandra était au palus, le poteau qui tenait lieu d'adversaire imaginaire, durant plusieurs heures. Elle se battait avec deux épées en bois qui lui paraissaient bien plus lourdes que les vraies. Elle travaillait sa vitesse, son agilité, sa force mais également sa souplesse et sa capacité à voler comme Martial aimait le répéter. Les gladiateurs avaient pris l'habitude de la voir faire des bonds de plusieurs mètres, tournoyant sur elle-même avant de retomber sur le sol. Les chutes étaient fréquentes mais plus les jours passaient, moins elles étaient douloureuses. Les murmures ou les moqueries qui accompagnaient ordinairement son entrée sur l'aire d'entraînement commençaient à cesser. Elle forçait l'admiration par sa détermination, ses prouesses techniques et son endurance. L'après-midi, elle combattait le plus souvent contre Tibalte qui ne pouvait plus nier sa véritable valeur. Il la voyait progresser de jour en jour et se retrouvait toujours pris par surprise lorsque Calliandra glissait entre ses jambes ou s'élançait au-dessus de lui. Elle avait également appris une nouvelle façon de se déplacer avec rapidité en s'arcboutant en arrière pour effectuer une série de sauts qui laissait Tibalte et Spiculus sans voix. Calliandra ne semblait avoir aucune limite concernant la maîtrise de son corps, elle était née avec des prédispositions spectaculaires comme Martial l'avait compris dès le premier regard.

Pothélée subit plusieurs épisodes fiévreux au cours de l'année mais parvint toujours à se remettre. Eaclès eut une longue conversation avec Martial à ce sujet. Calliandra fut mise à l'écart, elle ne devait pas entendre, elle ne devait pas savoir. Le spectre d'une longue maladie s'était abattu sur sa mère selon le médecin et Pothélée était condamnée. Il ignorait combien de temps il lui restait à vivre mais la mort prochaine paraissait inéluctable. Martial supporta mal cette nouvelle, il en fit des rêves sombres et mouvementés mais il garda le silence et l'apparence pour ne pas inquiéter sa petite-fille.

Les mois défilèrent à une vitesse vertigineuse. L'effervescence concernant l'achèvement de la construction de l'amphithéâtre Flavien était palpable. Les rues de Rome semblaient s'animer au rythme des travertins qui s'empilaient. Placé à l'est du Forum, le centre de la cité où commerces et affaires réunissaient tout le peuple, le Colisée faisait parler de lui. La cité goûtait de nouveau au calme et à la sérénité après le grand incendie de Rome sous Néron. La ville avait dû être rebâtie, extirpée aux souvenirs des cendres et du chaos, à la folie ainsi qu'à la démesure d'un empereur fou. Vespasien avait rendu aux romains tout ce que Néron avait décidé de dérober et le Colisée était le plus grand symbole de cette restitution. L'empereur n'aura cependant pas eu la chance de voir cette merveille architecturale achevée. Son fils, Titus, lui succéda et l'inauguration prochaine du Colisée lui revint.

calliandra la gladiatrice : le rubis de romeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant