Calliandra...
Je n'avais jamais vu ma mère verser autant de larmes et contenir autant de haine en elle. Elle passa la nuit entière à maudire les romains, les jeux, l'arène et Martial. Je regrettais mon honnêteté et tentais d'apaiser ses foudres. Elle l'aurait su, d'une manière ou d'une autre, je ne pouvais pas me taire et risquer de perdre sa confiance.
- Les hommes politiques sont tous des menteurs, des corrompus, cria-t-elle. Le sénateur Rufus ne te sauvera pas, c'est faux. Tu seras seule dans l'arène, seule à combattre contre un titan qui fera trois fois ta taille et dix fois ton poids. Il va t'écraser en un coup d'épée et personne, personne ne te sauvera ! Comment est-ce possible ? Comment ? Et Martial ? Qu'a-t-il dit pour empêcher cela ?
- Martial n'y est pour rien. Il n'a pas le choix, tu le sais bien. Il est laniste. Il a besoin des jeux pour vivre.
- Mais à quoi ressemblera sa vie, lorsqu'il errera entre ces murs avec ta mort sur la conscience ? Sa propre lignée ! Sa petite-fille pour laquelle il a sacrifié l'amour de son unique fils. Il a perdu l'esprit, il est devenu fou. Cette Tullia empoisonne ses sens. Je la maudis, je la déteste, tout est de sa faute.
- Parle moins fort, je t'en prie. Ce n'est plus le moment de haïr. C'est trop tard de toute façon. Je reviendrai vivante mère, je te le promets. Fais-moi confiance. Un combat, un seul. Après ce sera terminé.
- Ne me demande pas de rester calme quand je laisse ma fille partir vers une mort certaine. Je ne peux pas rester calme. Tu ne saurais imaginer la violence du feu qui brûle mes entrailles en ce moment. S'il t'arrivait malheur, je les tuerais. Je les tuerais lui et sa femme.
- Mère, tais-toi ! De telles menaces peuvent te coûter la vie. Laisse Martial en dehors de tout ça, je te répète qu'il n'a pas le choix.
- Comment peux-tu lui pardonner ? J'ai l'impression que tu approuves même ses décisions parfois.
J'avais envie de lui dire que j'étais née pour être gladiatrice, que jamais je n'aurais accepté le poids de l'esclavage sans l'espoir d'une liberté à gagner, que j'avais trop de colère en moi et que l'arène me permettrait de l'apaiser. Les choix de Martial ne devaient pas être le fruit du hasard mais les commandements d'une destinée qui m'appartenait. J'étais Calliandra, l'enfant romaine devenue esclave qui réclamait vengeance.
- Essayons de dormir un peu, murmurai-je, incapable de voir son cœur de mère être davantage meurtri par des paroles qu'elle ne pourrait comprendre. Nous avons encore le temps de penser à tout ça.
L'aube pointa et, avec elle, une immense fatigue qui cloua mon corps au sol un long moment avant que ne vienne le courage de se redresser. Ma mère n'était déjà plus dans la cellule, Tullia l'avait sûrement fait mander pour une raison dérisoire. J'avais de la peine pour elle. Elle était de plus en plus faible, de plus en plus fatiguée mais aucune compassion n'était parvenue à percer la poitrine de cette vipère. J'entendis Spiculus donner des ordres, ce qui signifiait que l'entraînement avait déjà commencé. Je vis Prudens, le rétiaire, passer devant ma cellule. Il traînait son filet derrière lui et me jeta un regard étrange, insistant, dérangeant. Je ne lui parlais pas souvent, il était froid, ne souriait jamais et s'apparentait davantage à la bête qu'à l'homme. Il ne me faisait pas peur mais je ne l'appréciais pas. Il faisait souvent preuve de vulgarité et la réflexion n'était pas une qualité particulièrement vivace chez lui.
Je quittai ma chambre pour rejoindre la cuisine. Ma gorge était sèche, il me fallait un peu d'eau et j'avais le rare privilège de pouvoir circuler à ma guise dans la villa. Je longeai les murs pour ne pas croiser Tullia qui ne manquait pas une occasion de me rappeler que ce privilège ne durerait pas. Je fus étonnée de ne pas trouver ma mère mais je manquais de temps et décidai de me dépêcher de rejoindre les gladiateurs. La chaleur commençait à devenir de plus en plus pesante ces derniers jours et ma tenue de combat était bien trop épaisse sous ce soleil de plomb. Martial m'avait promis de m'en fournir une nouvelle et j'attendais ce moment avec impatience. En traversant l'atrium, le petit balcon qui surplombait l'aire d'entraînement attira mon regard. Martial y montait souvent pour observer les combats et, à de nombreuses reprises, je m'étais imaginée sauter de là. Seulement pour voir si j'en étais capable. Aussi, l'envie fut plus forte que la raison et je courus en direction du balcon en criant :
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calliandra la gladiatrice : le rubis de rome
MaceraUne héroïne hors du commun. Une époque bâtie sur des intrigues, des mensonges. Plongez au coeur de la Rome antique, parcourez ses couloirs tortueux et decouvrez ce qui se cache derrière les murs d un ludus. Quand une esclave se révolte pour affronte...