Couloir

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            Un jour, il m'a dit qu'il n'avait jamais vu le ciel. Alors, un soir, pendant que tout le monde dormait, nous quittâmes nos nuits artificielles, pour aller à l'extérieur, transgressant ainsi la règle la plus absolue. Personne n'était allé dehors depuis plus de vingt ans. Et moi, malgré mes efforts, je ne me souvenais plus de sa véritable couleur.

Quand nous sommes arrivés devant la porte, je dus reprendre mes esprits pendant plusieurs secondes avant de saisir la manivelle et de l'actionner. Elle était rouillée, ce qui rendit l'exercice plus compliqué que prévu. Pendant que je m'acharnais à essayer d'ouvrir cette porte blindée, ses yeux à lui fixaient mes mains, sans même cligner. Son esprit errait à travers toutes les histoires sur « l'extérieur » qu'il avait entendu depuis qu'il était enfant. Son visage se crispait, se détendait, s'interrogeait. Nous avions alors tous deux oublié que nous transgressions la loi des sous-terrains.

Puis tranquillement, la manivelle s'activa. La porte s'ouvrit tout doucement. Nos cœurs commencèrent à s'accélérer quand, enfin, dans le bâillement de la porte, nous vîmes s'immiscer discrètement la lumière de la lune.

Puis vint le silence. On ne se regardait pas, on ne se parlait pas. Nous contemplions l'Eternel — où est-ce lui qui nous contemplait ? – la lune, elle, s'était voilée de nuages légers : une lumière dans un linceul. Et les étoiles !, des paillettes de feu qui réchauffaient ma nostalgie. Lui ne les avait jamais vus et pourtant j'étais tout aussi ébloui.

Combien de temps sommes-nous restés ? Je ne pourrais le dire. Cinq minutes ? Dix minutes ? Une heure ? Peut-être même plusieurs.

Sur le chemin du retour, alors que dansaient encore dans ma tête toutes les nuances de la nuit, il me demanda :

« - alors ? »

Tout redevint soudainement normal, plat. Ce mot « alors » me fit redescendre dans ces couloirs froids et humides de nos sous-terrains.

« – Alors quoi ?

- Ça t'a fait quoi de le revoir, ce ciel ?

- C'est comme si je ne l'avais jamais vu avant.

- Ha bon ?

- Oui, quand je pouvais le voir tous les jours, je ne le regardais pas.

– Quoi ? Mais ! ... Mais comment tu faisais pour ne pas regarder une chose aussi extraordinaire ?

- Ben... quand il était là, tous les jours, il n'était pas si extraordinaire... »

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⏰ Last updated: Jan 09, 2019 ⏰

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