Prologue

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Les clochers de la paroisse de quartier sonne 18 heures piles. Ils signifient également la fin de ce cours qui m'a parût interminable et long à mourir. Autant j'ai toujours aimé l'art et la création mais tenir 2h dans une petite salle trop chauffée, à 15, écoutant une professeur de 40ans nous expliquer l'histoire de l'art contemporain, j'aurai pu m'en passer. J'aurai voulu m'en passer.

-Avez vous des questions ?

Le bruit des ordinateurs se refermant ainsi que celui des chaises frottant le sol lui rappellent à quel point personne ne souhaite passer une seconde de plus dans cette salle, à s'éterniser sur des informations que l'on peut très bien récolter sur Internet. Voilà sa réponse.

[...]

-Tu sais, si on t'a envoyé à Paris, c'est pour que tu sois investie et concentrée dans ton travail. Cet appartement doit être un lieu de détente mais aussi ton lieu de travail. Ne passe pas ton temps à flâner dans tes bouquins, ouvrent aussi tes cahiers, revoient tes cours.

-Je sais, murmurais-je.

A l'autre bout du fil, ma mère me fait son éternel discours sur le fait que je doive me dépasser et donner le meilleur de moi-même pour réussir en cours car l'on ne m'a pas envoyé là-bas pour rien et cela me fatigue. Je regarde le cadrant de la montre qui surplombe l'encadrement de ma porte d'entrée : 18h48. Je suis exténuée et j'aimerai avoir le temps de me reposer avant de cuisiner. Il va bientôt être 19h. Si à 19h piles je n'ai pas commencé à cuisiner, je vais me sentir extrêmement désorganisée et commencer à stresser. J'ai pas besoin de ça du tout, pas en ce moment non...

-Bon au moins je suis sûre que je ne vais pas te demander manger mieux !

Son rire laisses sous-entendre qu'elle se croit drôle et pense me faire marrer, mais c'est tout le contraire. Ils pensent tous que j'ai grossi car je suis emballée par le fait de pouvoir me faire des repas pour moi toute seule. Ils ne savent pas que ces 15kg "de trop" sont le résultat d'affreuse crise de boulimie, qui traduise mes difficultés dans la vie et mon mal-être.

-Je suis fatiguée Maman, passes une bonne nuit.

-Déjà ? Oh si on ne peut plus rire ! Dors bien Sarah, surtout n'oublies pas de prier. Dieu est la solution à tout tes problèmes, souffla Maman.

-Oui, Amen, merci, à toi aussi.

Le son de fin d'appel signifie ma délivrance. Il est 18h52 et il ne me reste que quelques minutes pour me mettre en pyjama car j'ai horreur de 'installer chez moi avec les vêtements que j'ai porté au cours de la soirée. Tous les microbes de dehors risquent de se proliférer sous ma couette, dans mes draps ou mes coussins.

Faire à manger me détend vraiment, je peux être des plus créatives et marier les goûts afin d'obtenir des plats variés et qui se veulent équilibrer. Le seul problème, dans tout ça, est que ma table basse est remplie de nourriture. Trop de nourriture que j'essayerais de vomir, le matin seulement, une fois que mon corps aura pris tout les nutriments dont ils avaient besoin (ou pas).

Après ce large repas et un bon verre de vin blanc, je me sens épaisse. Epaisse de nourriture. Mon ventre est rond et ma tête est lourde. Je me sens épaisse. La nuit sera longue... Je prends le temps de soigneusement tout ranger car "un esprit sain dans un environnement sain". Non pas un corps, mon corps est tout sauf sain.

Puis comme chaque soir, je chuchote une faible prière puis me recroqueville en boule, sous ma couette. Et c'est toute repliée sous ma couette que je pleure, je pleure ... à chaude larmes. Le liquide salé traverse le dessous de mes yeux et vient humidifier mon drap. Cela me vide l'esprit et ne m'aide pas à me sentir mieux. Mais au moins, j'extériorise. Je connais déjà la suite, je vais m'endormir dans les larmes, me réveiller à 3 heures pour mélanger des anti douleurs et des somnifères, pour tout revomir au petit matin, ainsi que le peu de nourriture d'hier qu'il me reste, au passage. Ce rythme m'affaiblit et me fait des remontées gastriques. Dès fois je passe des après-midi recroquevillée de douleurs, immobile et même parfois inerte, sur la moquette de ma pièce à vivre. Mais ça, personne ne le sait. Personne ne le sait car personne comprendrait la douleur que c'est, de devoir endurer.

Je me mouche une dernière fois avant de tomber de sommeil. Je le sais, cette nuit sera difficile, comme toutes les autres ... mais je pense être forte maintenant. Du moins, je sais à quoi m'attendre.

Les Roses de SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant