Voilà plusieurs jours qu'une ombre me suit. Je me suis tant habitué au changement d'atmosphère, lorsqu'elle apparaît, que je sais qu'elle est derrière moi, en ce moment même. Elle va jusqu'à me frôler parfois et lorsqu'elle le fait, un frisson terrifiant me parcours l'échine. J'ai peur de cligner des yeux et de la voir, une fois de plus, passer devant moi. Ce n'est pas une ombre ordinaire, non, elle n'a pas une forme humaine. Elle est immonde et, j'en suis persuadé, diabolique.
A chaque seconde durant laquelle je ressens sa présence, le monde s'assombri peu à peu. Ma vision se trouble, l'air devient de moins en moins respirable et tout s'obscurcit. Puis elle s'enfuit à nouveau.
Mais elle finit toujours par refaire surface se faisant plus pesante, plus oppressante, elle s'approche encore. Je sens son souffle sur ma nuque, à moins qu'il ne s'agisse que d'un courant d'air chaud ? Non, c'est elle, je le sais.
Depuis le premier jour, à chacune de ses apparitions, elle reste à moins d'un mètre de moi, marchant dans mes pas, plusieurs heures d'affilées. Puis elle disparaît le soir, lorsque je vais me coucher, pour mieux revenir ensuite, toujours à un moment de la journée auquel je ne m'attends pas à sa visite.
Elle peut survenir lors d'une conversation avec un étranger, lorsque je marche seul dans la rue ou même pendant un repas de famille. Elle crée une angoisse en moi, un poids dans ma poitrine, m'empêchant de réfléchir, de me concentrer, de respirer.
L'ombre n'est pas encore venue aujourd'hui alors qu'il fait déjà nuit et, étonnement, c'est ce qui me perturbe le plus. Pourtant, ça ne devrait pas être le cas. Après tout, je ne sais ni qui elle est, ni ce qu'elle est. J'ai l'impression de devenir fou, je suis suivi par une ombre, qui n'est probablement que le fruit de mon imagination. Que pourrait-elle être d'autre puisque je suis le seul à la voir ?
Je ne peux parler d'elle à personne, on m'enverrait à l'asile. Je ne suis pourtant toujours pas certain qu'elle soit mauvaise. Je n'en ai pas la preuve en tout cas. Je ne l'ai jugée que par son apparence peu commune et par les émotions qu'elle éveille en moi.
La seule fois où j'ai pu l'apercevoir, elle m'a semblé froide, dénuée d'humanité. Son regard, si on peut l'appeler ainsi, était vide de tout sentiment, de toute vie. Elle était comparable aux fantômes décrits dans les contes d'horreurs.
Pour une fois qu'elle est absente, au lieu de m'en réjouir, je m'empêche moi-même de dormir tranquillement en pensant à elle et me demandant pourquoi elle n'est pas venue. Je passe des heures blanches emplies de mes idées noires.
C'est étrange mais je crois que j'ai fini par m'habituer à ses apparitions non désirées.
J'ai fini par m'endormir en pensant à Elle et je n'ai toujours aucune réponse aux nombreuses questions que je me pose. Ma journée se poursuit dans le calme, je quitte le bureau sans anecdote extraordinaire à raconter mais un mauvais pressentiment me poursuit depuis ce matin, une impression qui me retourne les entrailles.
Je me hâte à préparer le dîner, perdu dans mes pensées lorsqu'elle apparaît, une fois de plus, devant moi. La dernière fois. Son visage sombre n'est qu'à quelques centimètres du mien. Son souffle est plus glacial que jamais. Mon cœur s'emballe. Je ne crois qu'elle en ait un. Elle approche encore et mon sang se fige.
Enfin, elle m'embrasse, et, plus rien. Tout est noir... C'est le néant.