Prélude : Hésitations.

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Le matin pointait le bout de son nez ; le soleil espionnait, derrière la ligne de l'horizon, toutes ces petites gens s'affairant de manière lasse et fatiguée. Le vent soufflait toujours avec la même force que la veille. Une dizaine de babioles, légères et insignifiantes volaient à travers le blizzard du crépuscule. C'était le prélude d'une nouvelle journée.

Assis sur un canapé noir, tripotant ses fins doigts jusqu'à s'en faire mal, Kokichi patientait. Il attendait le bon moment, semblait-il. A ses pieds, un sac à dos blanc teinté de vert lui tenait fidèlement compagnie. Il n'avait l'air rempli qu'à moitié, léger et certainement plein du strict nécessaire.

Kokichi fixait silencieusement le sol. Il était près de sept heures du matin, toutefois, la fatigue le gagnait déjà. Une mentale pression s'abattait sur lui, ravageant tout ce qu'il avait de plus précieux. Le jeune garçon faisait de son mieux pour ne pas pleurer, aussi, ses lèvres étaient serrées et ses yeux fermés. Sa respiration tremblotante témoignait néanmoins de ce surplus d'émotions qui tourbillonnait en lui, menaçant de le noyer dans la tristesse-même de son peuple. Kokichi s'apprêtait à quitter la maison familiale.

Le domaine était calme, le silence régnait. La vingtaine d'ouvriers, qui s'étaient levés en cette fin de semaine pour essayer de vider leur chagrin dans le pub le plus proche, étaient les seuls à faire résonner un léger bruit de pas crissant sur la neige blanche. Le feu de cheminée que Kokichi avait allumé la veille s'était éteint à minuit tapante. Il faisait fortement froid, provoquant un effet encore plus douloureux sur les paumes glacées et moites du voyageur amateur.

Pris d'une dernière envie de consolation et d'un élan de nostalgie, le pourpre se leva, tituba sur les deux premiers mètres de sa marche, puis se dirigea vers l'encadrement de briques rouges qui représentait la cheminée des Ôma. Suite à cela, il s'attaqua à ''l'allumage'' qu'il effectuait quotidiennement du feu. Deux allumettes perdirent leur tête avant qu'une mince flammèche ne se décide à apparaître. Tremblotante, fragile et éphémère, la lueur enflammée de cet être représentait les derniers espoirs de son allumeur. Ou était-ce autre chose ? Une entité bien plus profonde que ce sentiment divin.

Tout à coup, un téléphone vibra, écrasant à coups de marteau le silence qui s'était décidé à étendre son empire.

Kokichi glissa rapidement sa main à l'intérieur de sa poche droite et manqua de faire tomber l'appareil tant ses mains étaient moites. Lorsqu'il décrocha à l'appel, une voix aiguë lui tambourina à l'oreille :

_ Bonjour, bonjour cousin ! Alors comment ça va ? Je ne t'ai pas réveillé j'espère, finit-on sur un ton espiègle.

Kokichi soupira longuement alors qu'un faux sourire se glissait sur ses lèvres.

_ Non, j'étais réveillé, ne t'inquiète pas pour ça...

_ Dit-il avec une voix dramatique...Qu'est-ce qui arrive cousin ! Tu ne serais pas victime du désespoir qui tourne comme une épidémie par hasard ?!

_ Peut-être, susurra l'interlocuteur de la voix enjouée.

_ Bon, arrête de plaisanter. J'arrive dans dix minutes. Tu dois être prêt à accueillir ta cousine avec les fleurs et les rires.

Et avant que Kokichi n'ait pu saluer correctement son aînée, cette dernière raccrocha avec une précipitation remarquable. Il souffla un instant, se remémorant les rares occasions auxquelles il avait pu la voir en chair et en os. Il n'avait vraiment pas envie de la voir, aussi gentille et serviable fut-elle. Le premier plan d'une longue série se mettait en place chez Kokichi.

Le jeune garçon presque majeur empoigna une des deux lanières de son sac. Il le suspendit à son épaule puis se dirigea d'un pas assez incertain vers la porte qui menait à la sortie. Qui menait à un nouveau monde.

Kokichi hésita alors lorsqu'il fut devant le seuil de sa porte. Un pas de plus signifiait qu'il laissait sa vie entière derrière lui pour de nouveaux horizons, chose qui ne lui plaisait pas particulièrement. Il devait trouver le moyen de guérir son entourage du désespoir. Sa cousine, comme une petite exception d'environ mille personnes dans le monde, n'éprouvait aucun effet face à la poussière grise qui avait enveloppé la surface terrestre de désespoir. Cependant, le reste du monde sombrait petit à petit entre les mains d'un sentiment horriblement tordu. Il fallait s'en débarrasser. C'était primordial pour une renaissance.

Finalement, prenant une grande inspiration, Kokichi sortit de chez lui et s'appliqua à ne pas fermer la porte de façon complète. Par la suite, il quitta la rue de son enfance, voyant défiler autour de lui, les souvenirs ainsi que les paysages les plus tristes qu'il n'ait jamais pu voir. Le jeune garçon aux cheveux pourpre prit la direction d'une rue voisine, puis posa sans sac sur un pavé débarrassé de neige. Kokichi rabattit sa capuche sur sa tête avant de s'asseoir près du seuil d'une librairie fermée. Et il attendit.

Une quinzaine de minutes plus tard, comme attendu, une voiture fit son apparition. C'était une sorte de minibus, de couleur grise et de taille vraiment minuscule à tel point que l'on eut cru à un spacieux taxi. Une jeune fille, cheveux ébène sur taille élancée et vêtements de sport avec en plus un foulard multicolore autour de sa tête en sortit, un sourire radieux sur les lèvres.

_ Meeerci beaucoup ! s'exclama-t-elle avec enthousiasme.

Kokichi ne resta pas plus longtemps dans les parages. Sa grand-mère était à présent en sécurité. Et alors que la cousine de Kokichi découvrait la disparition de ce dernier, un homme, à l'autre bout de la Terre, récemment plongé dans une transe affreusement éprouvante, prononça les mots suivants :

_ Si seulement je pouvais deviner un futur plus lointain ; trois heures en avant ne suffisent pas ! Mais bon, ce Kokichi est au moins sorti de chez lui, c'est déjà ça.

Kaito Momota venait de voir les derniers instants d'hésitation de Kokichi Ôma. Et malgré un entêtement face à toute jeunesse trop dissipée, ce récemment-nommé medium fut soulagé.

Done for meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant