Chapitre 41. Séparer

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Lorsque mon poing s'abattit à son tour sur le visage de Ken, j'eus l'impression que l'impulsion de trois ans de frustration et de non-dits décuplait ma force. Un hurlement retentit dans le salon alors que je le propulsais contre le mur. Son visage était tendu à l'extrême une haine et une colère rarement observées chez lui animaient son regard. Dans le jardin les chiens s'étaient mis à aboyer. 

— C'est ça que tu veux ? Qu'on se tape pour de vrai ? lui demandai-je entre mes dents. 

— Arrêtez ! supplia Clem, Hakim sépare-les ! 

Je maintenais toujours Ken contre le mur, je savais qu'il était loin d'être mauvais en baston, même s'il était plus fin et plus petit que moi, il avait plus de rage. 

Comme Hakim ne bougeait pas d'un pouce, Clem s'agrippa à mon bras. 

— Deen, lâche-le je t'en supplie... J'aurais pas dû dire ça, s'il te plait je le pensais pas ! 

D'un revers de coude je me dégageai d'elle et elle fut projetée à l'autre bout de la pièce. Aussitôt Ken en profita pour me repousser violemment, je perdis l'équilibre et manquai de m'étaler sur le sol. Le temps de me reconcentrer je me prenais un coup de tête dans l'arcade. Comme quoi son front de la taille d'un terrain de foot pouvait parfois l'avantager. 

Bon, on avait assez joué. 

J'attrapai rapidement le col de son sweat, le poussai une nouvelle fois et pendant que sa tête cognait de nouveau contre le mur, je lui adressai l'une mes plus belle droite. Au moment où ma main rencontrait sa pommette, un bras puissant passa autour de mon cou et me propulsa en arrière. 

— Khlass. 

Hakim se positionna finalement entre nous pendant que j'essuyai mon nez en sang avec ma manche. 

Ken voulut courir vers moi mais le kabyle l'intercepta.

— Ok, pouce ! fit Maya en levant le sien, Deen et Clem vous venez avec moi dehors. Tout de suite. Haks tu gères ton crétin de frère. 

Son mari opina de la tête. Je la connaissais suffisamment pour comprendre qu'elle était dans une sourde colère. Ken continuait de vociférer pour qu'Haks le lâche. 

Clem ne bougeait pas du coin où je l'avais propulsée, elle pleurait en silence. 

— Pour l'amour de Dieu, arrête de pleurer comme une petite fille ! s'exaspéra Maya, C'est pas parce qu'on a affaire à des gros gamins qu'il faut se comporter comme eux. 

Elle saisit les poignets de la jeune femme pour l'aider à se redresser et, ouvrant la baie vitrée, la tira dans leur petit jardin et les deux chiens en profitèrent pour se précipiter à l'intérieur. 

— Deen ! Dépêche toi ! aboya la Polak. 

Après un regard assassin à Ken, toujours maintenu par Hakim, j'attrapai ma sacoche et suivis les deux femmes à l'extérieur. 

Clem sanglotait toujours, très étrangement ses larmes ne m'atteignaient plus. J'étais écoeuré par le discours qu'elle avait tenu quelques minutes plus tôt. Maintenant je me rendais compte que ce n'était définitivement pas la femme qu'il me fallait, elle avait beau être sensible et fragile, elle n'avait pas cette indépendance que j'appréciais tant chez Violette. 

Violette... 

Plus que jamais j'aurais eu besoin de sa douceur et de son affection débordante. 

La voix de Maya qui s'énervait sur Clem me sortit de mes sombres pensées. 

— Non mais qu'est-ce qui t'a pris ? Tu me disais il y a deux jours que tu regrettais la façon dont tu avais agi avec Deen ! Et là tu lui remets toute la faute dessus ? C'est quoi ton problème ? On devait les faire se réconcilier, pas se haïr encore plus ! 

GaminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant