𝗜.𝗩

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"Ce jour-là, la vie lui fit un cadeau. Elle lui donna du temps. Mais toute chose à un prix. Et la vie a toujours un coût élevé."



C'était donc ça que ça faisait de mourir. Ça ne fait pas mal, non. C'est rapide, tout bascule en quelques secondes. Et c'est le noir. C'est le vide. C'est la fin.

Plus aucun son. Plus aucune chaleur.

Plus rien.

La bombe avait explosée dans le métro. La ville de Nour. Le bruit est alors vite couru que des soldats infiltrés étaient sur le territoire. Puis les informations l'ont relayé, plus tard, recommandant aux habitants d'être très prudents.

17:12. Nour entrait dans le dernier métro des rescapés. Elle avait presque faillit le rater mais heureusement, ce jour-là, la vie lui fit un cadeau. Elle lui donna du temps. Mais toute chose à un prix. Et la vie a toujours un coût élevé.

17:23. Elle monta dans le wagon malchanceux, le sourire aux lèvres. Le trajet ne dure que 9 minutes, d'ici peu de temps elle allait être à la maison.

  17:30. Vendredi. La ligne 12. À bord, des personnes heureuses de rentrer à la maison après une longue semaine de travail, des étudiants en train de fignoler leur TD, des lycéens somnolant contre la vitre, la musique emplissant leurs pensées. Une classe de primaire, rentrant d'un voyage scolaire.

17:31. Fin. Point final.

  Curieusement, même dans la mort, elle souriait.  

18:14. Un portable trouvé. Un appel.

"Monsieur Aron Walk?
- Lui-même. Qui êtes-vous? Que faites-vous avec le téléphone de ma femme?
- Ici la police nationale. Nous sommes dans le regret de vous annoncer que la ligne 12 a été attaquée, votre femme Walda Walk se trouvait à bord. La procédure..."

Et la voix se perdit, car le téléphone du père de Nour venait de s'écraser sur le sol. Il n'entendit rien. Il n'entendit plus rien.

                                                                                  ****

Nour ne pleura pas. Pas directement. Elle éteignit son téléphone, éteignit la lumière, ferma à clé, ferma les volets. Et se tut. Pour la première fois, elle voulait être totalement isolée. Elle fixait un point, invisible dans le noir, le visage neutre. Elle n'avait pas crié. Elle n'avait rien demandé. Elle n'avait strictement rien dit. Elle était montée, et était dans son lit, allongée sur la couette, le regard vide. Elle ne bougeait pas. Ironiquement, elle semblait, elle aussi, morte. Éteinte. En quelques secondes, la vie avait perdu tout son sens. Elle ne ressentait rien.

Le vide.

Le temps s'allongea en heures. Et le vide grandit.

Et soudainement, il laissa place à la douleur. La sensation que le toit venait de s'effondrer sur elle. Et Nour hurla. Elle hurla de terreur et de souffrance. Parce qu'il n'y avait que ça sur le coup. Alors elle hurla. Elle hurla longtemps, jusqu'à que sa voix déraille et s'éteigne, elle aussi, lentement.

Et c'est seulement à ce moment là que Nour pleura. Les larmes qui roulaient sur ses joues étaient lourdes et écrasaient douloureusement son visage. Elles étaient froides et tranchantes, telles des lames, et semblaient entailler ses joues avec violence. Son corps tremblait sous des secousses incontrôlables et il semblait que son cœur allait sortir de sa poitrine à force de cogner aussi douloureusement contre sa cage thoracique. Ses lèvres s'entrouvrirent pour laisser passer un cri qui ne vint pas. Il resta bloqué en elle et lui serra la gorge. Son être entier semblait meurtri et pendants ces longues heures, elle souhaitait plus que tout mourir à son tour. Elle y pensa même sérieusement en vue de cette situation dramatique et simplement désespérée. Mais la voix de sa mère imprimait au fer rouge des phrases dans son cerveau. Elle sentait les mots déferler dans ses veines avec brutalité et exploser en elle avec souffrance.

"Ferme les yeux, fais un vœu et souffle. Ce n'est pas tous les jours qu'on a sept ans, et je suis sûre que la dame qui exauce les vœux le sait. Aller ma chérie, ferme les yeux et fais un vœu."

"Tu es si belle. Une magnifique femme. Ça devient presque dur de me rappeler l'époque où tu étais dans mon ventre. Je suis si fière de toi, ma fille"

"Tu sens ça chérie ? C'est ton cœur. Sens comme il bat. N'ai pas peur de ça, non. Savoure-le. C'est là le plus beau cadeau que je ne t'ai jamais fait. La vie. Honore-le."

"Je t'aime."

Ces paroles et d'autres résonnaient dans son corps, détruisant chaque organe sur leur passage. Elle aurait aimé oublier ses mots, oublier sa voix, oublier son visage. Tout oublier. Et pourtant, l'idée qu'elle s'effacerait un jour de ses pensées lui faisait un mal de chien et la terrifiait.

Jamais Nour ne s'était sentie aussi vulnérable, aussi désespérée, aussi déchirée. Elle ne faisait plus de bruit. Elle pleurait en silence et entendit dans la maison le bruit fracassant de quelque chose qu'on brise. Le son se répéta à nouveau et la jeune fille prit la décision de se lever. Elle arriva dans la cuisine en même temps que ses deux frères, tombant tous trois sur l'image de leur père, écroulé au milieu des assiettes brisées, la main en sang. Ils ne bougèrent pas durant quelques secondes, dévisageant leur père, toujours si fort et calme, à genoux péniblement au milieu de la cuisine, la tête entre ses mains, le visage détruit par les larmes et déformé par la douleur.

Osten fit le premier pas en courant vers lui, enroulant les larges épaules de son père dans ses petits bras. Nour et Kei l'imitèrent quelques secondes plus tard, avec lenteur, s'agenouillant auprès d'eux, les entourant de leurs bras à leur tour. Ils formaient une boule, un rempart, une forteresse. Ils tremblaient mais, dans la tempête, agrippaient aux uns et aux autres avec une force qu'une personne n'ayant pas touché le fond du désespoir ne pourrait comprendre.

Ils restèrent ainsi longtemps. Le soleil se leva sur la cuisine saccagée et ils étaient toujours là, somnolant, les yeux secs, sans eau pour des larmes, sans voix pour des cris, sans force pour bouger. Mais ils étaient toujours là.

                                                                                   ****

- La douleur est le prix à payer pour avoir aimé, hasarda-t-il.
- Jed! Ferme-la! lança Opal au jeune brun, accompagné d'un regard meurtrier.

Le garçon se tut et détourna son regard vers la fenêtre de la chambre de Nour. Cette dernière n'avait pas encore dit un mot depuis leur arrivée, il y a de ça une demi-heure. Malgré tout, le rassemblement de JON la réconfortait dans un sens. Elle se sentait un peu mieux avec leur âme à ses côtés mais ils ne pouvaient pas comprendre. Eux-mêmes le savaient. Ils ne pouvaient pas comprendre.

Mais ils portèrent avec elle le poids de ce deuil. Sans sourciller, avec le sourire, essayant de le faire naître sur le visage de Nour. Mais celle-ci n'y arrivait pas encore. Elle se serait sentie trop coupable de pouvoir ne serait-ce que penser éprouver de la joie. Non. Mais elle laissa ses amis l'aider à porter la douleur. Elle les laissa s'allonger dans son lit, à ses côtés. Elle les laisse la prendre dans leur bras, même si les larmes remontaient immédiatement à la surface; c'était un mal pour un bien. Elle les laissa parler assez pour trois, les écoutant attentivement. Elle les laissa veiller sur elle le soir, jusqu'à qu'elle trouve le sommeil. Et elle leur était profondément reconnaissante pour cela.

La vie ne serait plus jamais pareille. Sans sa mère, rien ne serait plus jamais pareil. Ils allaient tous vers une fin certaine et imminente, et ils le savaient tous pertinemment.

"Tant que nous serons ensemble, nous tiendrons. Ensemble, nous survivrons. Tant que nous serons ensemble, tout ira bien" tenta de se persuader Nour.

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Bon! Excusez moi pour cette semaine de retard! On repart le lundi sur de bonnes bases!

Je serais toujours heureuse d'avoir vos avis!

Pour le compte insta, ça arrivera puisque l'idée a l'air de vous plaire!

À lundi prochain, bonne semaine!!

𝗟𝝠 𝗧𝗛𝗘́𝝝𝗥𝗜𝗘 𝗗𝗨 𝗖.𝗛.𝝠.𝝝.𝗦.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant