Tout était blanc. Je regardais partout et il n'y avait rien, pas de sol, pas de ciel ni de soleil, pas de mur ni d'angle. Il y avait Rien. C'était comme si je flottais. A la fois partout et nulle part. Je me sentais bien... Trop bien.
Puis, j'essayais de me rappeler. Mais, je ne me souvenais de rien, d'aucun souvenir, d'aucune pensée. Je n'étais même plus sure d'existée. Pourtant, je savais que ce n'était pas la fin. J'étais sure d'être quelqu'un. Mais qui ? J'étais incapable de m'en souvenir. C'était comme si on m'en empêchait. Comme si je m'en empêchais.
Mais pourquoi ? Qu'avais-je vécu pour m'empêcher moi-même d'accéder à mon passé ? Je n'arrivais pas à avoir peur. Je n'arrivais pas à me concentrer, tout ce blanc, tout ce vide. C'est ce que j'étais.
Soudain, j'entendis, une voix douce, claire et aigüe... Une femme. Elle parlait mais je ne comprenais pas. Comme si chaque mot qu'elle disait n'existait pas. Pourtant, je l'entendais. Je voulais me concentrer mais je n'y arrivais pas.
J'entendis une autre voix, plus chaleureuse, plus grave, mais plus douce encore. Une belle voix. Profonde et rêche à la fois... Une voix d'homme.
Lui, je le comprenais. J'entendais ce qu'il disait. Je comprenais ses mots. Je voulais lui parler, lui répondre. Lui demander qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi tout est blanc et pourquoi je ne me souviens pas ? Je voulais qu'il m'aide. J'avais besoin d'aide.
La femme se remit à parler, mais plus fort cette fois, et elle aussi je la comprenais. Je ne savais pas ce que ses mots voulaient dire mais je les connaissais. Je finis par entendre d'autres bruits, des grincements, des voix plus ou moins distinctes, toutes différentes, des claquements, des frottements, des pas et des objets que l'on déplace.
Puis, j'entendis une sorte de son aigu. Un bruit qui n'était pas humain mais qui était à côté de moi. Il était répétitif. Il suivait un rythme précis. Je ne devais pas être la seule à l'entendre car l'homme et la femme s'arrêtèrent de parler. Comme pour l'écouter. Puis, le bruit se fit plus rapide, plus important. Comme si il savait qu'on l'entendait. Il était tranchant. J'avais l'impression qu'il apportait quelque chose... Une nouvelle, quelque chose de rare, quelque chose d'à la fois crucial et important.
Puis, je me sentis emportée, comme absorbée. J'étais attirée par quelque chose. Je ne contrôlais plus rien. Je me sentais de plus en plus lourde, de plus en plus grande. J'avais peur. Enfin, j'arrivais à me concentrer. Je savais que j'étais terrorisée, tétanisée. Mais je ne pouvais rien faire car je ne savais pas de quoi j'avais peur. Je savais juste que je partais, vite... Trop vite. Je savais que là où j'allais je ne serai jamais aussi bien que maintenant.
Pourtant, je savais aussi que je voulais des réponses. Des réponses sur ma vie. Ou ma mort. Des réponses sur mon passé et qui j'étais. Je n'étais pas seulement emportée par quelque chose. J'étais emportée par ma curiosité et c'est ça qui me faisait peur. J'avais peur de la vérité mais je voulais la connaitre. Et rien au monde ni même ma peur ne m'empêcherai de la savoir.
La femme se remit à parler. Elle avait l'air affolée. Elle n'arrêtait pas de répéter la même phrase : « appelez quelqu'un ! Dépêchez-vous ! Elle s'est réveillée ! ». L'homme ne disait rien. Je ne l'entendais plus. Mais, je savais qu'il était toujours là.
Etait-ce de moi qu'elle parlait ? pourquoi disait-elle : « Elle s'est réveillée » ? Est-ce que je dormais ? Si c'est de moi qu'elle parlait, est-ce que je la connais ? J'avais besoin de savoir. Moi aussi je voulais parler. Je voulais hurler ! Dire ce que je ressens ! M'exprimer ! Dire que je suis là ! Et que l'on me dise ce qu'il m'est arrivé ! Je voulais que l'on m'écoute ! Que l'on me réponde ! Mais rien. Je n'arrivais pas à dire un simple mot. Je ne savais même pas si je pouvais parler.
Je me sentais de plus en plus entrainée, de plus en plus faible et de plus en plus lourde. J'avais l'impression d'être écrasé. Comme si j'étais à la fois tirée et poussée. Ma tête me faisait de plus en plus mal. Mon corps était de plus en plus faible. Et je ne pouvais toujours rien contrôler. Je continuais à entendre. Des pas. Des gens qui couraient affolés, mais pas tous. Les bruits se faisaient de plus en plus forts. Les pas se rapprochaient.
Je n'étais plus dans mon paysage blanc. Maintenant, tout était noir et j'étais allongée quelque part. Le bruit n'avait pas disparu. J'entendais toujours une sorte de « bip... bip... bip... » Et inconsciemment cela me faisait paniquer. Je savais que ce bruit c'était moi qui le provoquait. Mais je ne savais pas pourquoi ? Ni comment ?
L'homme se remit à parler : « Tu m'entends ? Dis-moi, est ce que tu m'entends ? » Est-ce à moi qu'il parlait ? Pourquoi je ne pouvais pas répondre ?
La femme reprit : « Continu à lui parler, maintiens la éveillée, il ne faut pas qu'elle se rendorme ! Il y aurait trop de répercutions !
Arrête de ne penser qu'à toi ! On est là avant tout pour la fille ! Et toi arrête de perdre du temps ! parle-lui ! »
J'entendis l'homme soupirer. Je suis une fille. C'est bien de moi qu'ils parlaient. Mais pourquoi y aurait-il des « répercutions » ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
L'homme continuait de me parler : « Tu es là ? Tu es réveillée ? Si oui, si tu m'entends, ouvre les yeux. »
Ouvrir mes yeux ? Cela m'était tellement simple que maintenant je ne me rappelais pas comment on faisait. Ça me paraissait tellement compliqué. J'essayais de me concentrer seulement sur ce qu'il m'avait demandé. Je devais oublier ma peur. Je devais faire preuve de volonté.
J'avais l'impression que ma tête allait exploser. C'était comme se concentrer sur un muscle qui n'avait pas depuis longtemps marché. Mais je devais la faire. Je ne voulais pas faire demi-tour. Maintenant que ça avait commencé, je devais avancer.
Je sentais une chaleur sur mon corps. Précisément sur ma main. Il me touchait. C'était doux. La manière dont il me prenait la main. Ça me donnait de la force. J'en avais besoin. J'étais sure maintenant d'y arriver. J'allai ouvrir mes yeux. Je voulais le regarder. Maintenant j'étais plus que concentrée. Je ne pensais à rien d'autre que ça. Ouvrir les yeux pour voir à quoi il ressemblait. Je voulais savoir pourquoi il voulait m'aider. Pour le moment c'est la seule chose qui comptait. C'est la seule chose que je demandais. Et je savais que j'en avais la possibilité.
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Altérité
Teen FictionAprès deux ans dans le coma, Joyce, 17 ans cherche a retrouvé la mémoire et a découvrir ce qu'il c'est passé. Un inconnu était présent le jour de son réveil : qui est-il ? Pourquoi en fait elle une obscession ? Personne ne veut lui révéler ce qui...