||Forty three||

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_Salem : Sarah.

Il est sérieux, lui ? Sarah ? C'est tout ce qu'il trouve à dire ? OK, il veut jouer ? D'accord, on va jouer.

_Moi : Salem.

Nos deux prénoms avaient une certaine résonance dont la concordance ne me plaisait guère.
Je ne comptais pas lui dire un mot de plus. Je ne suis pas une personne hypocrite, je ne sais pas faire semblant : à l'entente de sa voix, mon cœur fut certes comblé de joie, mais mon cerveau et mon orgueil m'ont tout de suite interpellé et rappelé à quel point cet homme m'avait fait souffrir avec sa rancune meurtrière.

_Salem : Comment tu-vas ?

Comment je vais ? Toujours aussi amoureuse de toi, et par ta faute, j'ai mon cœur émietté comme de la viande hachée, mais sinon, je vais bien, merci. Pfff , sale con !

_Moi : Je vais bien.

Je sais, j'aurai pu au moins lui répondre « Je vais bien. Et toi ? », histoire d'être polie, mais je n'avais aucune envie de taper la causette avec lui.

_Salem : Et tes cours, ça se passe bien ?

_Moi : Oui.

_Salem : Bon bah, je vois que Mademoiselle est apparemment occupée. Sûrement à jongler entre deux ou trois copains... Je te laisse donc retourner à tes occupations.

Non mais ! Pincez-moi ! J'hallucine là ! Mais Salem, khamena boppam ? (=Est-ce qu'il se sent lui ?). Là, ça frôlait carrément la provocation. Je suis bien d'accord pour lui parler au téléphone de manière civilisée, sous la requête de sa chère mère, mais de là à supporter ses sarcasmes teintés légèrement d'insultes, non merci ! Je ne suis pas une personne infidèle et je n'accepterai qu'aucune personne ne me taxe de volage. Ce qui s'est passé avec Salem et Ibou était un cas exceptionnel qui m'a servi d'expérience. Je ne commettrai plus jamais cette erreur, et par conséquent, je ne tolérerai pas qu'on me juge pour une seule erreur commise.

_Moi : Écoute-moi bien, sale petit con : si tu es assez bête pour ne pas comprendre qu'il s'agissait d'une simple erreur, et qu'à la base c'est Ibou que j'ai trompé avec toi, et non le contraire, eh bah, c'est pas ma faute, va t'acheter de la jugeote. Mais, je suis bien contente que tu m'aies montré ta vraie nature grâce à cette histoire. De toute façon, je n'aurai eu aucune envie de faire ma vie avec un homme aussi rancunier que toi. Tu as un cœur aussi noir que du charbon, Salem. Et j'ai pitié de toi. Oui, pitié que tu ne puisses pas comprendre que le pardon est l'essence même de tout amour, qu'il soit filial, fraternel, ou sentimental. Yala sakh dafay balé (Même Dieu pardonne). Je pense que cette phrase t'est très familière. Bref, si tu veux bien m'excuser, j'ai un tas de choses à faire, comme tu dis. Au revoir.

Oh oui ! Sur ce coup-ci, je me suis grave lâchée pour lui sortir tout ce que j'avais dans le cœur. En fin de compte, ce coup de fil s'est présenté comme l'occasion rêvée pour remettre les pendules à l'heure. A Dakar, j'étais trop vulnérable et beaucoup trop affectée, du coup je n'ai fait qu'essayer de l'amadouer pour me faire pardonner. Mais actuellement, j'avais dépassé ce stade : je lui en voulais terriblement d'avoir sacrifié notre amour. Et aujourd'hui, il a entendu ce que j'avais à lui dire. Et s'il a un seul soupçon d'humanité, il saura que moi aussi, je suis une victime dans cette histoire. Je n'ai pas attendu qu'il réagisse, j'ai raccroché direct après mon speech. Cette nuit-là, j'ai dormi comme un bébé, soulagée, et le cœur léger, comme déchargé d'un gros poids.

Le lendemain, très tôt, j'ai appelé sans tarder ma mère sur son téléphone. Je n'étais pas arrivée à la joindre la veille. Je ne savais pas quel tour cette vieille allait encore me sortir de son sac, mais je n'allais pas me faire avoir cette fois-ci. On parle de Malick mon petit frère, pas d'un cousin éloigné d'un village du Fouta : j'exigeais de connaitre son état de santé réel. Je n'ai même pas cherché à faire des salamalecs, je l'ai attaquée direct :

TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant