J'ai envie de planter cette lame dans ma cuisse, mais à peine effleure-t-elle ma peau que cette douleur fantôme me brûle, me fait monter les larmes aux yeux. Comment puis-je ressentir sans même me sentir en vie ?
La lune est seule maîtresse de mes actions désormais. Seule elle peut veiller sur moi aussi bien que tu le faisais, et chacun de mes sanglots lui est adressé. Est-ce qu'elle prend bien soin de toi ? Je suis sûre qu'elle te laisse prendre les commandes de temps à autres, le ciel est si beau depuis que tu es partie, comme si chaque journée était un nouveau tableau sur lequel t'exercer. Un fond bleu entrecoupé de tes traits orange et roses, ajoute encore un peu de nuages, que je puisse me cacher et m'emmitoufler parmi eux. N'invoque plus la pluie, nous avons bien assez pleuré, aujourd'hui encore je tremble à chaque fois que ton nom est prononcé.
Je me réveille à la même heure chaque nuit, si je parviens à m'endormir. Je n'ai pas besoin de ces insomnies pour me souvenir, laisse-moi en paix, j'ai besoin de ces nuits pour affronter le jour. Je ne sais plus lequel des deux est le plus terrifiant. J'ai bien plus peur de moi-même que du reste à présent. J'ai beau user de mes tours les plus fins, elle finit toujours par me retrouver et me tourmenter. J'ai l'impression qu'elle ne cessera jamais, cette tristesse pesante qui sévit en mon sein, et qui grandit, grandit, elle prend de la place tu sais, elle m'étouffe, je m'étrangle sur des mots que je ne veux même plus prononcer.
Ma tête tourne et le monde aussi, pendant que je fais du surplace. J'ai l'impression de voir ma vie se dérouler sous mes yeux, sans pouvoir en prendre les commandes. J'ai l'impression de me voir m'autodétruire, sans pouvoir y changer quoi que ce soit, et c'est peut-être mieux ainsi. J'accélérerais le processus si je le pouvais. J'ai toujours cette lame entre les doigts, fine, tranchante, et je me déchirerais bien l'âme avec si je le pouvais ! Elle me brûle les doigts, cette foutue lame, elle me brûle les yeux, et j'ai beau l'ignorer elle continue de brûler. Si je le pouvais j'en lacérerais le monde tout entier, tous ces beaux ciels que tu peins, tous ces arbres qui plient bien trop sous le vent, cette pluie qui ne cesse de tomber !
J'ai eu un nouveau frisson. Des bribes de souvenirs qui remontent sans aucun sens ni raison, comment avais-je pu les oublier. J'en ai la nausée rien que d'y penser. Je les décortiquerais bien à coup de métal ceux-ci aussi, je ne veux plus y penser, j'ai envie d'oublier, de t'oublier. Ça rendrait les choses tellement plus simples, de pouvoir ouvrir son crâne et d'en extirper toute sa mémoire, retirer les rouages trop usés, on devrait former des horlogers de la mémoire. Ma mécanique est cassée, mes émotions sont éparpillées et se mêlent les unes aux autres dans une danse endiablée que je ne contrôle plus. Frappez mon crâne, remettez tout en place, j'en ai marre de me rouiller sans pouvoir rien réparer !
J'aimerais bien te dire que ça ira mieux, mais on me l'a bien trop répété pour que j'ose encore y croire. J'ai même plus envie d'aller mieux. A quoi bon aller mieux. Oubliez ce que j'ai dit, laissez mes mécaniques se bloquer, mes rouages s'user, mon corps tout entier s'arrêter. Cela sera sûrement bien moins douloureux que de continuer à avancer. Laissez mon âme s'enflammer, comme un négatif qu'on aurait laissé trop longtemps au soleil. Et laissez mon souvenir s'envoler à mes côtés.
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Answer me when you get this
RandomParce que les étoiles ne brillent que plus fort à présent.