60 (1/2) ARS BELLI L'art de la guerre

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Zhang Hui ouvrit lentement les yeux, réveillé par la brise marine qui entrait par sa fenêtre et faisait danser les longs rideaux blancs de son lit. 

Il sortit de ses draps observa le paysage quelques instants pour que ses yeux s'habituent à la lumière du jour. Le premier regard du matin était le plus important, disait toujours son père, il devait être porté vers le ciel et l'horizon. 

Un magnifique océan d'un bleu limpide s'étendait devant lui. Il sortit sur le balcon pour sentir l'air iodé et parfumé des pins rouges qui poussaient dans son immense jardin.  

Puis il but un demi-verre d'eau chaude, pour nettoyer son organisme, et commença ses échauffements matinaux. Réchauffer ses muscles à jeun était important pour activer la circulation et les défenses immunitaires. 

Il prit une douche glacée et alla s'asseoir dans le salon, attendant qu'on lui apporte son petit déjeuner en feuilletant un rapport de mission qu'on venait de lui transmettre. 

— Pas de méditation ce matin ? lui demanda alors une voix suave. 

Il leva la tête et attrapa au passage une main blanche et gracile pour déposer un baiser sur ses phalanges. La femme, âgée d'une vingtaine d'années et habillée d'une longue robe de chambre lui sourit et penchant la tête pour l'embrasser sur les lèvres, cachant un instant son visage parfaitement équilibré de ses longs cheveux noirs à la frange infantile. 

— Tu es rayonnante ce matin, Inami. 

— Ne dis pas de bêtises, je n'ai pas beaucoup dormi...

— Des contractions ? 

— Elles me font de plus en plus mal.  

Il soupira, inquiet.

— On ira chez le médecin cet après-midi. J'ai une réunion dans trente minutes. Où vas-tu ? 

— Si tôt ? Je vais nager. Le docteur dit que c'est bon pour le bébé, expliqua-t-elle en caressant son ventre rond. 

— Je vais demander au majordome de faire baisser son taux de chlore avant, ça pourrait être mauvais pour t... pour vous deux. 

— Je préfère nager dans du chlore plutôt que des plantes ou des créatures puissent s'y glisser en quelques minutes.

— Oui, tu as raison. 

Elle quitta le salon d'une démarche aussi légère que les pas de souris et Zhang reposa son rapport en soupirant. 

La grossesse avait rendu Inari plus tendre qu'auparavant, mais elle ne lui parlait plus autant. Comme la plupart des couples mariés dongnaniens, ils dormaient dans des lits séparés, et puisqu'ils avaient la place, des chambres séparées. Dormir à deux était mauvais pour le sommeil et la circulation des énergies en général. 

Mais depuis quelques jours, Zhang s'était mis à penser qu'il faudrait peut-être qu'il s'installe dans la même chambre qu'elle. Pour qu'ils aient le temps de parler avant l'arrivée du bébé...

Il prit son petit déjeuner habituel, conseillé par son acupuncteur: un pudding de légumes et de riz, 稀飯, parfumée aux épices et aux baies de goji, un lait de soja premium, quelques 包子, pains à la vapeur fourrés aux haricots azuki et à la pâte de sésame noir. 

Puis il se leva et alla enfiler une chemise blanche pour passer dans sa salle de conférence. Derrière lui s'activaient déjà ses cinq femmes de ménage, toutes affairées à aseptiser le salon. 

Dans une région aussi imprégnée de magie que la côte de 海南 Hainan, il était nécessaire de ne laisser aucune chance à la végétation de reprendre ses droits. Nettoyer toutes les matières organiques sans cesse était un luxe que ne pouvaient se permettre que les plus riches qui voulaient vraiment habiter dans un endroit aussi idyllique.

MASTANIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant