Épisode 2 ~ Quand je marche... #4

2 0 0
                                    

Lampes de poche en main, Mohammed et Fatima poursuivaient leur course silencieuse. Sans autre source de luminosité, Fatima avait l'impression de plonger dans les entrailles de la Terre. Les rails n'étaient plus sous tension depuis des mois, mais l'électricité pouvait revenir à tout moment selon le bon vouloir des Christo-Nazis. Ils couraient presque, faisant attention à ne pas heurter de débris bruyants qui pourraient attirer l'attention sur eux.

Déjà discrets au départ, ils se firent ombres quand ils passèrent sous la Place d'Italie. Ils ralentirent, faisant extrêmement attention aux endroits où ils mettaient les pieds pour ne faire aucun bruit. Ils n'étaient pas rares qu'une patrouille d'Unificateurs s'aventure dans le métro pour s'assurer que les méchants rebelles qu'ils étaient n'étaient pas sur le point de troubler la sécurité et la tranquillité des braves citoyens Christo-Nazis. La lumière émise par la lampe de Mohammed tremblait et vacillait tandis qu'ils avançaient prudemment.

Le frère et la sœur ne respirèrent normalement qu'une fois la Place dépassée. Néanmoins, même une fois cet obstacle franchi, ils n'étaient pas encore tirés d'affaires. Sur le qui-vive, ils s'arrêtaient au moindre bruit, se recroquevillaient dans le coin le plus sombre, et ne reprenaient leur route que lorsqu'ils étaient sûrs qu'il ne s'agissait que de rongeurs. Ils redoublaient encore d'attention quand ils passaient devant un quai. À chaque fois, Fatima contemplait la plate-forme déserte et plongée dans l'obscurité avec nostalgie, se rappelant l'époque où elle était noire de monde aux heures de pointe. Maintenant abandonnés, les quais étaient affreusement sinistres.

Ils y étaient presque. Ils étaient sur le point d'atteindre le Kremlin-Bicêtre. Malgré la tension ambiante, Fatima s'autorisa un brin d'espoir. Leur mission allait réussir. Encore un peu de patience. Encore un peu de prudence. Encore un peu de discrétion. Ils y étaient presque.

Mais Fatima se figea soudain.

*

Son rictus toujours collé aux lèvres, Juda contempla Mohammed Bendjama au travers des caméras infrarouges installées secrètement dans les tunnels du métro. Si jeune mais hélas condamné à mourir. Il n'avait peut-être que quinze ans, mais à l'instar de tous ses congénères à la peau basanée, son âme était trop souillée pour être sauvée. Pourtant, lui, Juda, en Père bon et compatissant qu'il était, avait tenté de les soustraire à l'influence barbare de l'islam, leur doctrine sanguinaire. Mais nul ne peut aider celui qui ne veut pas l'être. Au lieu de se soumettre à la religion christo-nazie, ils s'étaient retournés contre lui, ils avaient craché sur la main qui se tendait généreusement vers eux. Juda n'avait eu d'autre choix que de frapper. Il se plaisait à croire qu'il était lui-même à l'image de Dieu : sévère, mais juste.

*

Merry Christmas, MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant