Épisode 2 ~ Quand je marche... #6

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Enfin ! Cette grande mission pour laquelle Dieu l'avait créé s'accomplissait dans toute sa splendeur ! Ces impies seraient les premiers, puis tout le groupe suivrait. Saint-Germain serait le dernier, l'ultime trophée de la justice divine triomphante que Juda incarnait. Transporté par un sentiment d'accomplissement total, une extase presque mystique, le Père du Peuple se leva et éleva les bras vers les cieux en signe de victoire.

*

Un piège ! C'était un piège ! Cette prise de conscience acheva de décourager Fatima. Les seuls à savoir qu'ils se rendaient en réalité chez les Résistants de Paris-Sud étaient Paul, et Matt. La troupe d'Unificateurs qui les entourait avait forcément été prévenue par l'un d'eux... Des larmes de rage et de déception perlèrent à ses yeux. Comment avaient-ils pu leur faire ça ?! Évidemment, elle ravala bien vite ces signes de faiblesse. Mais la tristesse et la colère étaient toujours là, tapies dans son cœur.

Un petit groupe d'Unificateurs se détacha du peloton, les tenant en joue. Ils encadraient un homme grand et sec en uniforme d'officier qui se dirigeait vers Fatima et Mohammed. La jeune femme le reconnut aussitôt : le caporal-chef François-Ernest Laurent.

« Caporal-chef, salua Fatima avec le sourire le plus insolent qu'elle puisse arborer.

— Sergent ! rectifia l'officier avec dureté. Et tu le sais bien !

— Ça fait trop longtemps, je ne sais plus reconnaître les insignes, soupira Fatima d'un ton absolument navré. Tu m'en vois désolée.

— Seront-ce là tes derniers mots ? Quelle déchéance ! Tu étais l'adjudante la plus prometteuse et la plus respectée de toute notre promotion, et tu vas mourir comme une chienne sur le quai d'un métro abandonné. Tu aurais pu devenir tellement plus...

— Je suis une Résistante ! affirma-t-elle avec aplomb. Je me bats pour la liberté ! continua-t-elle en bombant le torse et en levant la tête avec fierté. (Son ton se durcit encore.) Toi, tu n'es plus qu'un toutou au service d'un dictateur ! cracha-t-elle avec dégoût. Quand les tyrans que tu sers ne seront plus qu'un lointain souvenir, on parlera de moi aux enfants comme d'une héroïne. Et toi, acheva-t-elle en le pointant du doigt, tu seras celui qui aura tué une femme et un adolescent sans défense. Toutes mes félicitations ! » conclut-elle en applaudissant.

Mohammed n'avait jamais autant admiré sa sœur. Peu importe la situation, qu'elle soit atroce, infernale, sans espoir, Fatima restait forte. Alors que lui était à deux doigts de s'évanouir de terreur. Les cris de ses parents lors de cette nuit résonnaient encore dans son esprit et il tremblait de la tête aux pieds. Il serra la main de Fatima pour se donner du courage. Sa sœur serra en retour.

« Ne ferme pas les yeux, lui chuchota-t-elle sans le regarder. Contemple ton bourreau droit dans les yeux, qu'il appréhende toute l'étendue de l'horreur qu'il va accomplir. »

Fatima elle-même avait plongé son regard dans celui du soldat qui pointait son fusil d'assaut sur elle.

La voix du sergent s'éleva, plus aride et dure qu'une tempête de sable en plein désert :

« Adjudante Fatima Bendjama, vous êtes accusée de désertion, de haute trahison, d'actes de terrorisme, et de refus d'alignement religieux. Mohammed Bendjama, vous êtes accusé d'actes de terrorisme, de trahison, et de refus d'alignement religieux. La sentence pour les deux accusés sera une exécution immédiate ! »

L'exécution... Il allait mourir ici, dans le noir, seul... Son estomac se contracta encore à cette idée. Comme cette nuit-là, coincé dans le placard. Il allait vomir, se pisser dessus, il était à deux doigts... Les cris, les cris...

« Du nerf, Mohammed ! Je suis avec toi ! »

La voix de sa sœur l'apaisa comme par magie et il prit soudainement une grande inspiration. Il prit alors conscience qu'il ne respirait plus depuis quelques longues secondes. Il redressa la tête et se tourna vers Fatima. Lui qui n'avait affronté la lutte auprès de la Résistance qu'avec peine était prêt à affronter son destin. Avec elle, il aurait le courage de faire face à la mort.

« Droit dans les yeux, Momo...

— On se retrouvera au paradis, Fatima », murmura-t-il en tournant lentement vers l'Unificateur qui braquait son fusil droit sur lui.

C'était plus une question qu'une affirmation, l'ultime interrogation d'un condamné à mort.

« Inch'Allah... » répondit-elle avec force.

Ils se serrèrent une dernière fois la main.

Une dernière pensée pour son père décédé et pour sa mère disparue qu'ils recherchaient encore avec espoir.

Une dernière pensée pour sa sœur qu'il aimait comme une mère.

Une dernière pensée pour son Dieu qu'il n'avait jamais renié.

Le soldat appuya sur la détente. La détonation retentit, la balle jaillit du canon et traversa sa cible de part en part.

Merry Christmas, MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant