Épisode 3 ~ ...Dans la vallée... #2

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Jérôme baissa la tête pour essuyer ses larmes, et son regard tomba sur le reste de cigarette, qui ne ressemblait plus à rien, maintenant... Comme sa vie. D'un geste rageur, il l'écrasa du pied jusqu'à en faire un genre de bouillie qui se mélangea à la neige fondue. Des mèches de ses longs cheveux noirs un peu gras tombèrent devant son visage. Il n'avait pas fait de shampooing depuis combien de temps ? Il ne savait plus, et il s'en foutait. On était en guerre, qui se fichait de savoir si ses cheveux étaient propres ou non ? En vrai, s'il s'était un peu déguisé pour qu'on ne le reconnaisse pas, il aurait pu aller chez un coiffeur. Il était Blanc, ça pouvait passer. Mais risquer sa vie juste pour les coupes merdiques que le gouvernement imposait ? Et puis quoi encore ? Et puis il n'avait pas un seul nouveau franc en poche, alors...

L'ancien mécanicien donna des coups de pied dans la neige, essayant de chasser ses idées noires. Penser à la mission. Juste penser à cette putain de mission, et il arriverait à garder les idées claires ! Ce n'était pas rien, ce qu'il avait à faire : il fallait vraiment qu'il arrive à rallier du monde pour la destruction du temple. Si, en théorie, un plan pareil était pratiquement impossible à réussir seul, accompagné, ç'aurait été suicidaire ! Une seule personne pouvait plus facilement se déplacer de VF en VF qu'un groupe, même réduit.

Mais ce n'était pas comme s'il ne risquait rien. Bon, s'il lui fallait donner sa chienne de vie pour la Résistance, il n'hésiterait pas... Il ne manquerait à personne, maintenant que son fils et la seule femme qu'il avait aimée... La seule femme qui avait voulu lui laisser une chance, qui avait sincèrement cru qu'il pouvait devenir autre chose que le minable orphelin qui vendait du shit derrière le lycée... Maintenant que les deux êtres qu'il aimait plus que tout étaient morts, qui le pleurerait ? Il n'avait pas de pensées suicidaires, mais il n'avait pas peur de mettre sa vie en danger, contrairement aux gamins. Jérôme les comprenait : ils étaient précieux aux yeux de quelqu'un. Et quelqu'un était précieux à leurs yeux. Ce n'était plus son cas. Après avoir vécu comme un déchet, mourir pour une belle cause était la meilleure manière dont il pourrait finir. Et s'ils pouvaient par la même occasion en mettre plein la gueule aux salopards qui lui avaient pris ceux qu'il aimait, alors c'était tout bénef.

Il releva la tête et mit la capuche de son manteau pour empêcher le vent de rabattre ses cheveux n'importe où. Sa doudoune était mal en point, tout comme son jean et ses bottes de rando, mais tout ça tenait bon. Un peu comme lui. Un rire forcé monta de sa gorge. Il racontait vraiment n'importe quoi !

Il se mit à faire les cents pas dans la neige, et son regard tomba sur Matt. Encore une fois, il était au téléphone. Ça arrivait de plus en plus souvent, ces appels secrets. Dès qu'il croyait que personne ne le regardait, il se cachait dans un coin pour téléphoner. Là, par exemple, il avait profité de leur arrêt près d'une station-service abandonnée, pendant que Jérôme regardait dans les débris s'il restait des choses à manger et allait se soulager dans l'herbe.

Où est-ce qu'il trouvait l'argent pour se payer autant de téléphones prépayés ? C'était une règle absolue dans la Résistance : uniquement des téléphones jetables. Mais c'était cher, surtout depuis que la nouvelle monnaie avait été mise en circulation, et difficile à trouver. Pourtant, Matt en avait un différent à chaque fois. Et surtout, pourquoi il prenait le temps de se cacher alors qu'il parlait un truc que personne ne comprenait ? C'était ça le plus étrange pour Jérôme : la langue que Matt utilisait au téléphone était vraiment spéciale. Pour autant que Jérôme puisse en juger, ce n'était ni de l'espagnol, ni de l'anglais, ni du créole. Peut-être un truc comme du russe. En tout cas, Jérôme y comprenait que dalle, et il était sûr que c'était le cas de toute la bande. Alors pas besoin de rester dans un coin sombre pour téléphoner...

Personne ne remarquait rien à part lui. Cependant, il ne l'avait dit à personne puisqu'il était certain de savoir ce qu'il se passait : c'était forcément pour une fille ! Paul disait tout le temps que Jérôme voyait tout, mais n'arrivait jamais aux bonnes conclusions. Comme la fois où il avait remarqué qu'un groupe de sans-abris puants suivait leur petite bande et qu'il avait cru qu'ils en avaient après leur nourriture ou leurs vêtements. En fait, les SDF les espionnaient pour les Unificateurs, ce que Paul avait compris dès que Jérôme le lui avait dit. Seulement cette fois, Jérôme était sûr de lui. Il n'y avait qu'une fille pour expliquer ce comportement chelou.

Il sourit : les mecs, peu importe l'âge, devenaient stupides dès qu'il est question d'une jolie fille et feraient n'importe quoi pour elle... Lui-même avait complètement changé par amour.

Merry Christmas, MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant