Shuichi et mensonges.

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La tasse de thé bleue en porcelaine laissa échapper une légère chaleur, douce pareille à une caresse d'été, qui revigora aussitôt le pauvre Kokichi, totalement frigorifié. Devant lui, son guide le fixait d'un air très inquiet tandis que dehors, un orage battait la mesure de sa mélodie. Saihara Shuichi, l'ancien camarade de Kokichi lors de son transfert à Londres, avait croisé les bras sur son torse et plissait les yeux en essayant de reconstituer la situation dans laquelle le monde plongeait peu à peu. Autour de son poignet brillait une montre précisément réglée sur le fuseau horaire de la région. De ses yeux dorés, il inspectait son ami qui donnait l'impression de perdre la vie.

_ Tu as vraiment l'air en piteux état, commenta le jeune londonien.

Le pourpre releva la tête et un sourire vint éclairer ses lèvres encore bleues du froid subi après la sortie de l'aéroport.

_ C'est le c...cas de le dire. J'ai l'impression de m...mourir de l'intérieur, fit-il en tremblant de tous ses membres.

Shuichi ne répondit point et se contenta de se lever pour aller voir ce qui se passait à travers la fenêtre du salon. Kokichi continuait de grelotter sous sa couverture empruntée tandis que ses cheveux gouttaient peu à peu sur le canapé noir de Shuichi.

_ Mais je pensais qu'il faisait plus froid en Russie qu'ici...

_ Moi aussi Saihara-chan ! Eh c'est justement comme ça qu'on attrape froid. Ça m'apprendra à sortir de l'aéroport en T-shirt...en plein hiver.

Un ange passa.

_ C'était idiot de ta part. Vraiment insensé. Tu aurais pu regarder la météo non ?

_ Si, j'aurais pu. Mais je ne l'ai pas fait. Et puis, tu t'occupes tellement bien de moi Saihara-chan. Si bien que tu te débrouilleras pour me trouver des vêtements plus chauds n'est-ce pas ?

Le londonien passa sa main sur son front avec un agacement visible pour n'importe qui. Ses lèvres se serrèrent légèrement en repensant à tous ces sacrés coups que lui avait tendus le jeune homme aux cheveux pourpres quelques années plus tôt. Cet enfant si malicieux était le pire des menteurs mais aussi un cerveau surhumain.

_ Ne me dis pas que tu n'as pas ramené de vêtements chauds...N'empêche, tu as un meilleur accent qu'il y a cinq ans.

_ Ecoute, Saihara-chan. Je pensais que je pouvais me promener en tongs ici, plaisanta Kokichi en reposant sa tasse de thé.

Le silence régnait pendant un court instant dans la pièce avant que Kokichi ne reprenne la parole d'une voix grave et sérieuse :

_ Et puis, les vêtements chauds n'étaient pas ma première priorité si tu vois ce que je veux dire.

Shuichi s'immobilisa, puis tourna lentement sa tête en direction de Kokichi. Ce dernier arborait un visage tellement neutre que l'anglais en fut rapidement effrayé. Précautionneusement, il déglutit avant de déclarer :

_ Si tu t'y connais autant en ce qui concerne ces particularités, c'est que tu es toi aussi spécial non ? Je veux dire, tu dois avoir un pouvoir toi aussi.

Le garçon aux cheveux pourpres reprit une gorgée de thé puis laissa son regard traverser le labyrinthe d'étagères que constituait le salon londonien de Shuichi. Un sourire se glissa sur ses lèvres.

_ Pourquoi tu dis ça ? Tu en sais quelque chose ?

Shuichi bégaya, perturbé par son interlocuteur avant de se gratter la tête pensif.

_ Eh bien non. Je n'en sais pas grand-chose. Juste une théorie qui m'est passée par la tête avec les circonstances actuelles. Ça aurait été plus facile pour moi si tu avais menti n'empêche.

_ Saihara-chan, Saihara-chan, le coupa Kokichi. Tu parles trop pour ne rien dire, viens-en aux faits. Quel est ton pouvoir si spécial, si incroyable, si magnifique dont tu parles de façon si religieuse dans TOUS tes messages ?

Un éclair fendit sur le ciel et trancha l'obscurité en plusieurs lambeaux de chairs noires. La pluie continuait son ménage et un typhon s'amusait à balancer le tout en un véritable capharnaüm musical. Les tremblements de Kokichi s'étaient enfin calmés, il s'était levé et observait calmement la quantité phénoménale de livres que son ami anglophone possédait. Fredonnant de temps à autres un petit air avec nostalgie, le jeune garçon parcourait les titres des ouvrages classés dans un ordre parfait en n'en comprenant que la moitié.

Shuichi s'était adossé contre le mur et fixait son service à thé qu'il n'avait pas utilisé depuis belle lurette. Trois tasses colorées de bleu trônaient sur un plateau argenté à côté d'une petite théière et d'un sucrier blanc. Quatre cuillères posées au bout de la table basse du londonien brillaient sous la lumière du lustre qui illuminait la pièce. Shuichi prit une grande inspiration puis céda :

_ Je...je suis en quelque sorte capable de découvrir la vérité, mais seulement lorsque la personne en face de moi ment.

Done for meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant