L'auberge des abysses

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      La nuit était sombre et noire. Une nuit de nouvelle lune. Les lumières des bougies de la capitale rayonnaient dans l'obscurité. Un groupe d'hommes encapuchonnés aux longues robes cramoisi traversait les rues et ruelles de la cité pourpre, dirigée par leur Grande Maîtresse. Tous les êtres humanoïdes s'écartaient devant eux. Ce n'était jamais bon signe quand les messagers de l'Eglise sortaient de leurs sanctuaires...

      Ils s'arrêtèrent devant une auberge animée. L'insigne de fer noire flottait au vent. La plaque finement ciselée représentait un chaudron bouillant avec une tête de cochon en émergeant. La porte de bois, laissée entrouverte, accueillait les clients de son sublime trompe-l'œil, un intérieur de taverne représenté dans ses moindres détails : une porte de bois ouvrait sur une salle lumineuse remplie de tables rondes. Des hommes jouaient aux cartes à une table, à gauche. On discernait un jeune elfe séduisant cachant des cartes dans son dos. Il regardait vers l'entrée et faisait un clin d'œil aux futurs clients. A la table du centre étaient affalés plusieurs hommes de toute race, des pichets de bière à la main, des femmes toutes plus belles les unes que les autres sur les genoux. Au milieu à droite, un groupe d'aventuriers, composé d'êtres de plusieurs races différentes, discutait entre eux. Une femme aguichante massait un elfe bien taillé qui ne semblait pas vraiment à l'aise. Une ange semblait crier sur l'aguicheuse qui faisait l'innocente, un peu trop près de l'elfe. A l'arrière-plan au centre se trouvait le comptoir. Derrière celui-ci une harpie un peu folle, la propriétaire, tonnait sur un grand orc, une dague à la main, le menaçant. Une étagère, remplie de bouteilles d'alcools tous différents, trônait derrière la femme. Au fond à gauche, une quintette d'aventuriers discutaient bruyamment. Un jeune garçon aux cheveux rouges racontait des blagues au groupe. Une jeune fille brune soufflait exaspérée tandis qu'une blonde riait sous le regard dur d'un homme assis à côté d'elle. Une fille aux cheveux blancs semblait perdue dans ses pensées tandis qu'un jeune homme aux cheveux noir la fixait, lui aussi dans ses rêves. De l'autre côté, était assis à une table un jeune homme brun décontracté mais à l'aura glaciale. Il avait un sourire en coin tandis que la femme en face de lui aux yeux de feu, quelques écailles parsemant sa peau, paraissait fulminer et lui crier dessus alors qu'un homme blond séduisant regardait la fille les yeux rieurs, debout derrière le brun. Enfin, au premier plan à droite, autour d'une grande table se trouvait un autre groupe assez vivant. Un nain et un humain faisait un concours sur qui boirait le plus de bière avant de tomber. Une fée sautillait et encourageait le nain alors qu'une servante soutenait l'humain. Deux elfes, une femme et un homme, regardait le concours en riant, se serrant l'un contre l'autre tandis qu'une fille chat criait sur un autre humain assis en face d'elle qui lui répondait, un sourire ironique sur les lèvres. Une pirate loup surveillait la taverne en soupirant, dérangée par un humain la taquinant. On pouvait presque entendre les discussions des différents groupes. D'ailleurs, des rires joyeux résonnaient dans la rue à travers la porte.

      Le groupe ignora la peinture et poussa le battant de bois. Un silence de plomb s'abattit aussitôt. Les hommes entrèrent dans la taverne bondée. Des chuchotements accompagnèrent leur pas. L'aubergiste, un draconien, essuyait une pinte de verre gravée, impassible. Ses yeux vivaces aux couleurs de feu observaient tout de même les visiteurs. Une sorcière assise au bar sirotait sa boisson en détaillant les religieux. Un chapeau noir et pointu, symbole de sa classe, ornait sa chevelure rousse accordée à la peau écailleuse du barman.

      Les messagers avancèrent dans cette ambiance narquoise. Certains, sans doute de nouvelles recrues, frémissaient sous les regards moqueurs des clients et regardaient furtivement autour d'eux. Tous les rebelles de la ville semblaient s'être réunis dans cette taverne pour défier l'autorité de l'Église rouge, détentrice du pouvoir, dictateur du royaume. Ils entouraient les messagers divins et leur laissaient un chemin libre vers le patron de ce lieu. Des rictus sur les visages, de la haine et de la détresse dans les cœurs, ils remettaient leur vengeance à leur sauveur qui défieraient au nom de tous cette autorité qui avait réduit leur vie en poussière, les avaient reniés, leur avaient tout prit. Ils avaient été réduits en cendre par un Dieu macabre mais ils renaîtront plus enflammés que jamais et comploteront leur vengeance. L'entrée de ces bourreaux divins, venus pour une quelconque raison, avait sonné le gong de la guerre et le commencement de la rébellion.

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