C'était « pour que les enfants se sentent plus dans un domicile que dans un orphelinat. » disait-on. Pour qu'ils se sentent moins différents. Pour une enfance plus proche de ce qu'ils voyaient à la télévision.
Dans une société consumériste comme celle de ce pays de Flambie, pays construit sur une île artificielle à l'ouest de l'Australie, on voulait apporter un peu de tout à ces enfants qui étaient, en quelque sorte, des cul-de-jatte : dénués de ces bras primordiaux que sont la mère et ne disposant pas de ces jambes essentielles que sont le père. Cet orphelinat, l'orphelinat David Brünswick, était en quelque sorte un orphelinat expérimental : télévision, réfrigérateur à chaque chambre, consoles de jeux pour tous, une liberté de mouvement plus importante pour certains. L'idée était de se démarquer d'orphelinats "dépassés, anciens, archaïques", tenus par des organisations religieuses en partie, surtout dans cette Flambie qui se voulait orientée vers le futur et les nouvelles technologies. Ne nous mentons pas, cet design d'orphelinat était, pour beaucoup, sujet à débat. Il était, en un sens, assez ironique que malgré les nouvelles technologies, les enfants au sein de cet établissement ignoraient les débats houleux autour de cette idée. Appels à la tradition pour certains, scepticisme pour d'autres, idée parfaite pour encore d'autres, tout passait.
Il était cependant difficile de parler encore de "nouvelles" technologies. En effet, ces dernières, présentes alors dans le quotidien, devenaient un élément indispensable de la vie de tous les jours. En d'autres termes, des journées comme les autres...Une journée comme les autres, vous dites ?
Deux individus ne souhaitent pas, mais absolument pas cela. Mais comme l'humanité, derrière les similarités formant un groupe, des tristes différences étaient constatées.
Alison détestait les "journées comme les autres". Elle les aimait comme la Nation of Islam aimait les Blancs. L'idée même de ce type de journée était terrifiant pour elle. Mais cependant, elle détestait autant cela que la définition même d'une "journée normale" avait été modifiée par son entourage.
En fait, il fallait être plus clair : "journée comme les autres", loin d'être métro-boulot-dodo, était une journée remplie d'au moins 5 humiliations.Au minimum.
Une peur intense était son petit déjeuner.
Depuis peu, son déjeuner était absent.
Le dîner était davantage vu comme le commencement d'une libération qui allait se concrétiser lors de son retour au lit. Libération d'une mauvaise journée, en espérant que la journée suivante serait, peut-être, meilleure."Peut-être", est certainement le terme sur lequel vous allez insister lorsque vous aurez fini cette histoire.
Du haut de ses 1m30, Alison "Ali" Aboulafia n'était pas particulièrement grande pour une fille de 10 ans. Ses yeux et ses longs, hirsutes cheveux noirs contrastaient avec une peau relativement pâle. Elle n'était pas experte en style vestimentaire : des collants blancs, un t-shirt à manche courte noir couplé à une jupe grise, pour conclure avec des baskets violets. Tous d'une simplicité qui, ironiquement, n'était pas sans rappeler une "vraie journée comme les autres".
VOUS LISEZ
Une fille des ombres
General FictionUn orphelinat. Une sœur jumelle. Une éducation. Un entourage. Pardon, il manque un mot ? Tout semble normal à ma connaissance. Je ne vois pas ce que j'ai oublié. Elle s'en est sortie, non ? Ah, je vois. En effet, il manque un mot...