||Fifty one||

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Le ton employé par Salem était ferme, et légèrement menaçant. J'ai compris de suite qu'il ne rigolait pas du tout en m'affirmant que si je refusais, il me laisserait vivre ma vie en paix. Mon esprit, jusque-là réticent, était subitement en veille, et refusait de m'apporter une quelconque aide en collaborant avec moi. Quant à mon cœur, il faisait encore des siennes en s'adonnant à une danse endiablée dont l'origine m'était inconnue. Je n'ai pas pris beaucoup de temps pour réfléchir. Je me suis juste contentée de lui prendre les bijoux qu'il tenait à la main. Il y avait vraiment quelque chose de solennel dans cet instant. Je n'avais pas pipé un mot mais Monsieur avait compris à travers mon silence tout le consentement que criait mon âme.

Salem m'a prise dans ses bras, et je m'y suis lovée pendant un long moment, n'osant croire en mon bonheur présent. Je voulais juste le savourer en silence, sans me poser des questions. Mue par je ne sais quelle force, j'avais spontanément accepté de tourner la page en lui pardonnant son impair. Après tout, c'est moi qui ai commis la bourde ayant déclenché tous ces événements de ces derniers mois. Un silence pesait dans la pièce : je n'entendais plus que les battements de nos deux cœurs, battant à l'unisson. Apparemment, c'étaient de vraies retrouvailles pour ces deux-là qui semblaient avoir plein de choses à se raconter. C'est Salem qui rompit enfin le silence :

_Salem : Je suis vraiment désolé de t'avoir fait souffrir. Ce n'était point mon intention. J'ai juste réagi bêtement parce que je me sentais mal. Mais au fond de moi, je savais que tu regrettais ton acte.

_Moi : Je le regrette amèrement. Je suis désolée d'avoir fait toutes ces cachotteries. Je n'aurai pas dû.

Il a hoché la tête, et hésité un moment avant de me demander :

_Salem : Tu l'aimes, cet Ibrahima Ndiaye ? Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, je veux juste connaitre les raisons qui t'ont motivée.

_Moi : Non. A vrai dire, c'est avec lui que je suis sortie en premier... puis après j'ai succombé...et j'ai préféré suivre mon cœur en te donnant une chance. Je l'ai lâché pour toi. C'est toi que j'ai choisi Salem, et ça me fait mal que tu ne l'aies pas compris dans ce sens. Tu aurais vraiment pu m'accorder le bénéfice du doute.

_Salem : Je sais, j'aurai dû être plus indulgent. Je m'en excuse encore. Mais promets-moi que tu ne me cacheras plus jamais rien. J'y tiens vraiment.

_Moi : Je te le promets. A condition que tu promettes à ton tour d'apprendre à être tolérant et moins rancunier.

Il a souri, et je me retenais difficilement pour ne pas lui sauter au cou et l'embrasser. Maintenant qu'on avait décidé de se remettre ensemble, je pouvais l'observer à loisir. Je réexaminais ses traits si familiers, en me demandant pendant une fraction de seconde ce qu'un mec aussi beau que lui pouvait me trouver. Oh, et puis zut, un peu d'estime de soi STP, Sarah !

_Salem : Promis, juré, j'apprendrai. Tu m'as vraiment manqué. Le jour de l'annif de Leila, j'ai failli avoir une crise cardiaque, en te revoyant.

_Moi : Et moi alors. Et c'est qui cette Madjiguéne d'ailleurs ?

_Salem : Tu es incroyable, Sarah. Ça fait à peine 10 minutes qu'on s'est remis ensemble, et tu commences déjà à me faire une scène de jalousie lol Relax, c'est juste une fille parmi tant d'autres.

_Moi : Je m'en fou. Débrouille-toi pour qu'elle arrête de te tourner autour.

_Salem : Wa d'accord, mon cœur. Danga beuri histoires nak (=Tu aimes trop faire des histoires). Viens-là.

Il m'a encore pris dans ses bras, et j'ai enfoui ma tête dans son torse en fermant les yeux, pour mieux savourer son parfum qui me titillait les narines. Je pouvais rester des heures et des heures dans cette position, sans jamais m'en lasser. Mais c'était sans compter sur Monsieur qui avait la bougeotte. Il a fallu qu'il me tire de mon doux cocon pour me mettre de force la chainette et la bague, de manière officielle.

_Salem : Je ne veux plus que tu les enlèves... Du moins, en attendant ta bague de fiançailles. Compris ?

_Moi : Oui, Monsieur. Très bien, Monsieur. A vos ordres, Monsieur.

_Salem : Ah non ! Je n'aime pas quand tu es soumise comme ça. Je préfère ton coté dominateur. Tu te rappelles de notre fameuse soirée, ici ?

D'un regard sous-entendu, il me désigna le lit. Oh que oui, je m'en souviens parfaitement. On a vraiment eu chaud, cette nuit-là. Rien que d'y repenser, j'en devenais toute émoustillée. Salem s'est rapproché de moi, une lueur de désir dans les yeux, et s'apprêtait à faire ce que j'attendais impatiemment. Le contact de ses lèvres me manquait horriblement. J'avais vraiment hâte que mon désir soit assouvi. Je me suis approchée à mon tour, en m'humectant les lèvres. On y était presque... mais quelqu'un a toqué à la porte au même moment. Je me suis détachée de lui, à contrecœur. Légèrement sur les nerfs, il est parti ouvrir la porte à l'intrus(e).

_Naima : Alors, les amoureux, ça raconte quoi ? Je dérange ?

_Moi : Ah non ! Ma puce, tu ne nous déranges pas, on ne faisait que discuter...

Je n'ai même pas eu le temps de terminer ma phrase, son frère m'a interrompue sauvagement :

_Salem : Oh que oui, tu nous déranges. Va jouer à la poupée, et laisse-nous tranquilles.

_Naima : Vas-y, dis à Sarah que tu jouais avec moi à la poupée Barbie, parfois. Dis-lui. Tu fais le malin devant elle, alors qu'on se connait, wesh.

J'étais morte de rire. Ils se sont mis à se chamailler comme des gamins, en se lançant dans une bataille d'oreillers. Quelle famille de dingues ! En tout cas, j'aimais leur complicité. Bref, Naima m'a finalement emmenée dans sa chambre et on a discuté pendant un long moment. J'adorais le fait qu'elle se sente plus à l'aise avec moi maintenant. J'avais réussi à percer sa carapace, et c'était tant mieux, d'autant plus qu'elle était très mature pour une jeune fille de 16 ans.

_Naima : Je suis vraiment contente que vous vous soyez réconciliés. Vous êtes faits l'un pour l'autre, ça se voit.

_Moi : Haha genre. Qu'est-ce que t'en sais ? Tu es une voyante maintenant ?

_Naima : Non. Mais je ne suis pas bête. Vous vous aimez. Ça se voit à dix mille lieues d'ici. Même ma maman est au courant.

Quoi ????? J'ai failli suffoquer. Tata Ndéye Fama savait que je sortais avec son fils ? Depuis quand ? Comment l'a-t-elle pris ?

_Naima : Relax, Sarah. C'est moi qui le lui ai dit, pour qu'elle parle à Salem. Après ton départ, il n'était vraiment pas bien. Il était tout le temps fourré dans sa chambre, il mangeait tout seul, et adressait à peine la parole à mes parents. Maman ne comprenait pas ce qui se passait. La pauvre, elle était toute inquiète et tout. Du coup, je le lui ai dit.

_Moi (d'une voix apeurée) : Euh, et comment l'a-t-elle pris ?

_Naima : Quelle question ! Ma maman t'adore. Ce n'est pas un scoop. Pourquoi crois-tu qu'elle t'ait appelée en France ? C'était juste pour vous rabibocher. Elle est déjà dans son délire à vous imaginer mariés dans quelques temps et tout.

J'étais juste estomaquée par ce que Naima venait de m'apprendre. C'était juste un pur soulagement, car je craignais la réaction de la Maman de Salem. J'avais peur qu'elle le prenne mal, et qu'elle me taxe de « cougar » lol, même si notre différence d'âge est minime. Alors, rien que le fait de savoir qu'on avait l'aval de l'une de nos deux mères, me mettait du baume au cœur, et apaisait mes craintes. Avec un peu de chance, qui sait, peut-être qu'elle réussirait à convaincre sa grande amie (ma mère) que ma relation avec son fils n'avait rien d'anormale ? J'étais tellement contente que j'ai fait une bise à Naima.

_Moi : Je te jure ma puce, tu ne sais pas à quel point je suis soulagée par ce que tu me dis là. J'appréhendais tellement la réaction de Tata. Ouf.

_Naima : Ma mère est de ton camp, t'inquiète. C'est normal, vu que ta daronne est une de ses amies proches. Par contre, elle ne supporte pas Madjguéne, elle la trouve vulgaire. Elle a beau se ramener avec des cadeaux, ma mère ne l'aime pas.

_Moi : Des cadeaux, tu dis ?

_Naima : Oui. Elle ne sort même pas avec Salem, et elle se permet de faire des terangas (cadeaux). Elle se ramène avec des tissus, et des sacs pour moi. Elle m'en a donné deux. Et des bazins riches pour ma mère. Mais Maman l'a freinée dès le début. Elle n'a pas accepté les tissus. La pauvre, fallait la voir, elle était toute honteuse. Quant à moi, j'ai accepté les sacs, pian. Je m'en fou.

_Moi : Haha t'es mauvaise déh, Naima.

_Naima : Pffff , elle abuse je te dis. Elle fait sa meuf, alors qu'on sait tous ce qui l'intéresse. Avec ses greffages de mauvaise qualité qu'elle met sur sa tête là, on dirait toile d'araignée.

_Moi : Alors là, on est d'accord. Elle a clairement besoin de cours d'esthétique et de coiffure.

Je tapais la discussion avec Naima, en faisant mine d'être nullement affectée par ce qu'elle me racontait. Mais intérieurement, je bouillonnais de rage. Non mais, franchement, cette Madjiguéne, je l'ai trop sous-estimée. Si ça se trouve, elle est pire que Naomi La Garce. Il fallait que je prenne les devants, si je voulais réglementer mon couple. Je n'accepterais pas qu'une voleuse de mec, venue de je ne sais quel coin de Dakar, et mal fagotée en plus, veuille briser mon couple. Salem est à moi et à personne d'autre. En parlant du loup, il s'est ramené dans la chambre de Naima, en se plaignant :

_Salem : Vous êtes trop mauvaises. Naima, tu me piques ma chérie, et toi, Sarah, tu te laisses faire sans rien dire.

_Moi : Mais non, je suis là mon bébé. Je dois rentrer, de toute façon. Il commence à se faire tard, d'ailleurs.

_Naima : Salem, tu devrais me remercier d'avoir récupérer tes bijoux, quand tu les avais jetés. Au lieu de cela, tu te mets à me déclarer la guerre. La prochaine fois, je les laisserai pourrir à la poubelle.

_Salem : Il n'y aura plus de prochaine fois. Le prochain bijou que je lui achèterai, ce sera une bague de fiançailles qu'elle n'enlèvera plus jamais. Et une fois mariés, on s'installera en Chine, de telle sorte que tu ne pourras plus nous embêter.

Naima lui tira la langue, en guise de réponse. Je lui fis la bise, et pris congé d'elle. Salem insista pour me déposer. Je me suis laissé faire, car je savais que dès qu'on se quitterait, il me manquerait aussitôt. Il me faisait toujours autant le même effet, après tout ce temps. Dans la voiture, j'ai très peu parlé : je repensais en boucle ma conversation avec Naima. Ce qu'elle m'avait dit à propos de Madjiguéne ne me rassurait guère. Même si Salem ne voulait clairement pas d'elle, celle-ci s'était fixée un objectif : à savoir l'acquérir, coûte que coûte. Hum, c'est ce qu'on verra, ma chère. A la guerre, comme à la guerre.

_Salem : Tu penses à quoi, mon ange ? C'est de la réaction de ta Maman dont tu as peur ?

_Moi : Ouais, un peu.

_Salem : Ne t'inquiète pas. On la fera changer d'avis. Si elle voit qu'on mène une relation sérieuse, saine et motivée par de bonnes intentions, elle nous soutiendra.

_Moi (soulagée) : Donc, tu ne lui en veux pas de pas vouloir de toi ? Je te jure qu'elle n'a rien contre toi. Elle me l'a même dit. C'est juste notre différence d'âge qui la gêne.

_Salem : Pourquoi lui en voudrais-je, toi aussi ? Je la comprends parfaitement. C'est une mère. Elle se bat juste bec et ongles pour t'assurer le meilleur avenir avec le meilleur mari que tu pourrais avoir.

Je souris de toutes mes dents, en entendant ces paroles sensées et raisonnables. Voilà une belle preuve de maturité de sa part !

_Moi : T'es chou.

_Salem : Non, ne m'insulte pas STP. Je ne suis pas un légume.

On est vite arrivés chez moi. Je me suis demandé si ma Maman n'était pas encore une fois juchée sur son balcon, en train d'épier mes faits et gestes. Mais je m'en suis foutue sur le moment. Tout ce qui comptait, c'était cet instant T présent. Salem et moi, nous nous sommes observés longuement, sans rien dire. Mon Dieu, était-il raisonnable d'aimer quelqu'un à ce point ? Il fallait vite que je déboucle ma ceinture, et sorte de la voiture, sinon je risquais d'exploser d'émotions et d'amour.

_Moi : Bon, j'y vais chéri.

_Salem : Non, attends bébé. Viens, approche....

Je me suis approché de lui en souriant, le cœur follement excité. Il s'est penché et m'a embrassée langoureusement. C'était un baiser doux, tendre et sensuel. J'avais perdu toute notion du temps et de l'espace. Nos langues se liaient et se déliaient en se livrant à une danse effrénée dont elles seules avaient le secret. Je savourais ses lèvres dont le goût sucré m'avait tellement manqué. C'était juste divinement bon. A contrecœur, j'y ai mis fin.

_Moi : On est dans la rue.

_Salem : Je sais. Tu me rends juste fou.. Vas-y vite, avant que je ne te kidnappe.

Je lui souris une dernière fois, et m'apprêtais à sortir de la voiture pour de bon quand il me dit :

_Salem : Je t'aime.

_Moi : Je t'aime aussi mon ange. Bye.

Une partie sans suspens. Que veut le peuple ? lol A suivre.

TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant