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Posa ses lèvres sur les miennes...

Le choc. C'est tout ce qui me traversa à l'instant précis où ses lèvres se posèrent délicatement sur les miennes, avant que le monde sous mes pieds ne devienne flou, puis figé autour de moi.

Mon corps, mon âme, mon cœur... chaque battement, chaque souffle sembla s'éclipser dans le néant.

L'instant devint un abîme, un point de bascule où tout se tut, où plus rien n'avait de consistance, sinon la brûlure subtile de ce contact.

Les secondes s'égrenaient, lentes . Et moi, je n'étais plus qu'un souffle absent et une ombre dédoublée de moi-même.

Aucune réaction. J'étais là, sans réellement l'être.

J'entendais encore les bruits du monde et le chuchotement du vent dans mes cheveux mais mes sens, eux, ne percevaient plus rien. Mon esprit, dissocié, me laissait impuissante, incapable de maîtriser la moindre parcelle de mon être.

Mes mèches volaient, fouettées par le souffle du monde, et je ne trouvais plus en moi la force d'y opposer le moindre geste.

Je sentais encore la tiédeur de ses lèvres sur les miennes, mais je n'étais plus assez lucide pour en mesurer la portée.

C'était comme un rêve venu heurter la peau, mais dont le cœur n'a pas encore compris qu'il était réel.

Statique et stoïque, je demeurais figée dans une sorte de stupeur sacrée alors que je tentais en vain, de saisir le sens de ce qui venait de se produire.

Impuissante... Il me fallut de longues secondes, peut-être une éternité pour que l'évidence me parvienne enfin, pour réellement saisir que...

Le prince venait de m'embrasser.

Et pourtant, cette révélation ne parvint pas à me libérer. J'étais toujours cadenassée par mes émotions, paralysée par ce tumulte intérieur. Peut-être parce qu'au fond...

Je suis toujours sous le choc.

Lorsqu'il se détacha doucement, et que mon regard s'ancra dans la profondeur émeraude de ses iris, ce fut comme si le ciel s'écroulait en silence sur mes épaules.

Parce qu'à cet instant précis...

Tout devint terriblement réel.

Le souffle coupé et les yeux écarquillés je demeurai figée et incapable du moindre geste ni du moindre mot.

Rien ne semblait pouvoir traduire l'état de choc dans lequel j'étais plongée... sinon ce pas en arrière, puis un autre tremblant et incertain jusqu'à ce qu'il ne reste plus, entre lui et moi, que cette distance et cet effarement flottant qui passait désormais d'un regard à l'autre.

Je l'interrogeai du regard d'un regard désarmé tandis que mon désarroi transparaissait sans filtre et sans défense.

Et lui... il semblait tout aussi égaré. Dépassé. Peut-être même ébranlé jusqu'au vertige.

Mais avait-il seulement le droit d'être plus bouleversé que moi ?

Nous nous observions sans parvenir à saisir ce que nous venions de déclencher.

Sans trouver refuge dans un mot ou un soupir ou même encore un geste.

Aucun de nous ne détournait les yeux. Aucun ne rompait le fil ténu qui nous liait encore, fait de malaise, d'émoi, et d'une question suspendue à la gorge.

En venant ici, je n'avais qu'un seul objectif qui était de comprendre ce qui s'était réellement passé entre ma sœur et le prince.

Rien d'autre.

LE PRINCE ET LA CHRÉTIENNEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant