Je lus le message de Salem en souriant de toutes mes dents. Je n'arrivais toujours pas à réaliser le fait que je sois devenue Mme Sahnoun. La jeune fille que j'étais avait cédé la place à une femme qui serait, je l'espère, une épouse comblée ainsi qu'une mère accomplie. Monsieur mon mari a tenu à passer en vitesse le soir-même pour qu'on puisse se voir, ne serait-ce que pour cinq minutes. Même si ma mère était réticente à ce sujet (prétextant que les mariés ne devaient pas se voir, à moins que l'épouse soit amenée chez son mari le même soir de la célébration du mariage religieux), l'éternelle entêtée que je suis, lui a tenu tête. Ainsi, Salem est venu me voir tard dans la nuit. Je suis allée le rejoindre dans sa voiture. Comme à chaque fois que je posais mes yeux sur lui, un bonheur indescriptible remplissait tout mon être. Pourvu qu'il soit imprescriptible ! En totale symbiose, nous nous sommes souri au même moment, et je me suis jetée dans ses bras. Sans dire mot, je savourais le confort de ses bras robustes qui sauraient me protéger contre tous les dangers. Il rompit enfin notre silence éloquent :
_Salem : Si tu savais comme je suis heureux... Je suis probablement l'homme le plus heureux du monde. Nous sommes enfin mariés envers et contre tous.
_Moi : Je suis encore plus heureuse. En fait, je n'arrive toujours pas à réaliser. Je suis toujours sur un nuage rêveur. Pince-moi voir, chéri ! Peut-être que mon esprit me joue un sale tour et que tout ceci n'est qu'un rêve.
_Salem : Je connais un très bon moyen pour te prouver que tout ceci est bien réel.
Avant que je ne puisse placer un seul mot, il m'a enlacée fermement, puis m'a embrassée passionnément. Ce n'était plus un de ces baisers entre amoureux transis, mais plutôt un baiser fougueux extrêmement révélateur qui clamait haut et fort « Tu m'appartiens maintenant ». Je le lui rendis avec toute la force de mon amour. Comme d'habitude, on a commencé à légèrement déraper jusqu'à ce que je reprenne mes esprits :
_Moi : Non, stop. On est dans la rue.
_Salem : On s'en fou. On est mariés maintenant. Qui peut nous blâmer ?
_Moi : Le mariage n'excuse pas l'attentat à la pudeur.
_Salem : Certes. Bref, il faut qu'on célèbre au plus vite le mariage « contemporain » et la réception. Je sais que ta maman et toi y teniez plus que tout. En tout cas, fixez une date très proche. Je ne peux plus attendre. J'ai besoin d'avoir ma femme à mes côtés, tout le temps.
_Moi : Hey, je ne suis pas ta possession non plus. Pour la réception, t'inquiète, je suis aussi pressée que toi.
_Salem : Bien-sûr que tu es ma possession. Euh, Sarah j'ai hâte.
Je savais exactement à quoi il faisait référence en disant « j'ai hâte ». Je savais sciemment que Monsieur parlait de notre première nuit, mais j'ai feint l'ignorance. Cependant, cela ne l'a pas empêché de se payer ma tête.
_Salem : Ah tu fais la sourde ? D'accord. En tout cas j'irai à la découverte de Sarah-land comme Christophe Colomb l'a fait avec l'Amérique.
Les lèvres pincées, j'ai fait semblant de bouder même si intérieurement, je m'esclaffais. Sa comparaison était sexiste, mais à juste titre, assez drôle.
_Moi : Bonne nuit, Salem.
_Salem : Bonne nuit, Madame Sahnoun. N'hibik'.
_Moi : Hein ?
_Salem : Ça veut dire je t'aime en tunisien.
_Moi : Ah d'accord. Médé yide ma. Ça veut dire...
_Salem : Je sais, je t'aime en pulaar. J'avais compris.
Il m'a fait un petit clin d'œil, et je suis sortie à contrecœur de la voiture. Mon mari me manquait déjà. Vivement que je déguerpisse de chez mes parents déme seuy seuy bi (=et que j'aille chez mon mari).
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Deux semaines plus tard :
Le jour-J était enfin arrivé. Bien que je fusse déjà officiellement mariée à Salem sur le plan religieux, le yendou et la réception symboliseraient réellement la sacralisation de notre union. Il y'aurait presque tous les membres de ma famille ainsi que mes amis les plus proches. Le yendou se passait dans mon domicile familial. Notre maison était bondée de monde, ce jour-là. Entre mes nombreux parents venus du Fouta du côté de ma famille maternelle, et les autres venus de Saint-Louis et de Louga du côté de mon paternel, on ne savait plus où donner de la tête. Ma mère souhaitait une fête en grande pompe, non ? Eh bah, elle était rudement bien servie. Elle-même était dépassée par les événements. Ça lui apprendra la prochaine fois lol. Bref, les deux dernières semaines avaient été très intenses en matière de préparations. Il me fallait un habit traditionnel blanc ainsi qu'une robe pour ma réception. Heureusement que Nabiha et Leila Sadiya m'avaient été d'une aide très précieuse. Je ne saurais jamais assez leur remercier : elles se sont vraiment tuées à la tâche pour la réussite de mon mariage.
Pour la cérémonie du yendou, j'avais opté pour une robe blanche traditionnelle avec des fils brodés, qui concorderaient avec mes escarpins, ma pochette, et mes bijoux. Je n'avais aucune envie de m'habiller deux ou trois fois durant la journée comme le font en général les mariées Sénégalaises. Je prônais la simplicité. Il s'agissait de mon mariage et non du carnaval de Rio de Janeiro ou de la Fashion Week de New-York. J'étais un peu stressée par la présence de tout ce beau monde qui voulait coûte que coûte me serrer la main ou me taper la bise. Tchiiip, à ce rythme, ils allaient m'enlever tout mon fond de teint. En parlant de maquillage, je m'étais gravement prise la tête avec la maquilleuse du salon de coiffure, qui voulait me mettre en guise de fard à paupières, des couleurs criardes et ridicules. Elle a cru que j'allais au zoo. Pff. Je l'ai obligée à me maquiller le plus simplement possible. Je n'avais pas envie d'avoir l'impression de voir une étrangère à travers les photos de mon propre mariage.
Bref, le yendou s'était très bien passé dans l'ensemble. Et figurez-vous qu'Assiétou et Bébé Sarah étaient aussi de la partie. Eh oui, ma fofolle avait tenu à assister à mon mariage. Elle avait acheté son billet sans tarder, dès que je lui avais donné la date de la cérémonie. Son geste m'avait grandement touchée. Au lendemain du mariage, elle prendrait son vol pour Abidjan où Romain la rejoindrait directement. Assie, Nabiha et Leïla sont devenues amies sur le champs, à croire qu'elles se connaissaient depuis des lustres. Après tout, comme on dit, qui se ressemble, s'assemble.
Enfin le moment tant attendu arriva : ma fameuse réception. A vrai dire, j'étais plus enthousiaste par cet événement que par le yendou, puisqu'on ne s'encombrerait pas de ridicules protocoles traditionnels. Ce serait au feeling. Mais surtout, mon Salem serait de la partie. Ce serait enfin notre moment à NOUS. Ma robe de mariée était juste magnifique, même si je n'avais pas encore retrouvé toutes mes formes et rondeurs d'antan, elle me seyait à merveille. Malick était le garçon d'honneur. Il était juste à croquer avec son nœud papillon. Quant à mes demoiselles d'honneur, il s'agissait bien-sûr de Nabiha, et de Leila mais aussi de Naima. Malheureusement Assie n'a pas pu l'être puisqu'elle est venue avec du retard, et par conséquent, n'a pas pu se faire confectionner la même robe qu'elles.
A ma sortie du salon, une voiture toute décorée m'attendait de pied ferme. Je tapais des mains et sautillais de joie, comme une enfant devant son cadeau de noël. Mais le cadeau était fermement emballé à l'intérieur : mon Salem sortit enfin de la voiture, beau comme tout dans son smoking. Je le dévorais des yeux et Assietou m'a chuchoté d'une voix espiègle :
_Assietou : Doucement ! Il est tout à toi. Vous aurez toute la nuit, mais pour l'instant retiens ta joie.
Il s'est approché de moi, les yeux étincelants. Pour une fois, il n'y avait pas cette lueur moqueuse dans ses yeux. Je n'y lus qu'une forte émotion. Il me prit la main et me dit :
_Salem : Tu es juste resplendissante. Tu es la plus belle des mariées que j'ai eue à voir de toute ma vie. Waouh, je n'ai même plus les mots.
Je gloussais de plaisir et lui répondis d'une voix toute timide :
_Moi : Tu es tout beau toi aussi.
Je n'arrivais plus à soutenir son regard. C'était comme si je le rencontrais pour la première fois. Dans la voiture, nous sommes restés silencieux, nous contentant juste de nous tenir la main et de nous lancer des regards langoureux. Seuls Assie, les filles et le meilleur ami de Salem conversaient. Bras dessus, bras dessous, notre entrée dans cette grande salle d'un hôtel très huppé de la place, fut vraiment remarquable. Tous nous invités poussaient des hourras, en nous applaudissant allègrement. C'était vraiment le plus beau jour de ma vie. Presque tous mes amis proches du collège, mes cousins étaient de la partie, ainsi que ceux de Salem. Fallait voir la délégation Tunisienne de la famille de Salem. Mon Dieu ! Parmi ses cousins, Il y'en avait de ces mecs qui étaient beaucoup plus beaux que lui. Assie ne s'est pas retenue pour faire un commentaire :
_Assie : Wouuu Sarah, wallah si ce n'était pas à cause de bébé Sarah, j'allais plaquer Romain et me dégoter un de ces mecs. Je ne savais pas qu'en Tunisie, ils fabriquaient des marchandises de pareille valeur. Le reste de la soirée n'a été qu'une série de salutations avec les convives ainsi que des remises de cadeaux. J'avais vraiment été super gâtée. Enfin, j'ai eu droit à mon slow langoureux avec mon mari. J'ai fermé les yeux tout au long, savourant ce moment qui serait éternellement gravé dans ma mémoire. Tout au long de la danse, Salem n'arrêtait pas de me souffler des mots doux et de me répéter des serments d'amour. J'ai dû retenir avec difficulté mes larmes pour ne pas ruiner mon maquillage.
A la fin de la réception, mes oreilles bourdonnaient encore de toutes les félicitations reçues. Je souriais encore et encore, comme une demeurée. Mais je n'étais pas non plus au bout de mes peines : un dernier rituel m'attendait encore. En effet, avant de rejoindre la maison de mon mari, la coutume voulait que mes tantes paternelles ainsi que ma mère me lavent de la tête aux pieds en psalmodiant des prières. Elles ont recouvert ma tête d'un lourd pagne encore une fois, en me donnant des recommandations. L'une de mes badiénes (tante) ne lésinait carrément pas à utiliser des mots crus afin de m'initier à la future vie sexuelle à laquelle j'allais être confrontée. J'en étais toute gênée, je ne faisais que hocher la tête en rouspétant intérieurement. Leur besogne enfin terminée, elles m'ont acheminée chez les Sahnoun en chantant tout au long du trajet mes louanges ainsi que des chansons peulhes. Tout ça était à la fois bizarre et drôle aussi.
Arrivée chez mon mari, mon supplice fut très vite terminé. Tonton Sahnoun, très à cheval sur la religion, n'était pas un très grand fan de ces pratiques traditionnelles. Il a gentiment interrompu le brouhaha de ces bonnes vieilles femmes en leur disant que je devais surement être harassée par cette longue journée. Elles m'ont enfin libérée et ont quitté la pièce censée être nuptiale. Ma mère m'a prodigué ses derniers conseils avant de partir, et franchement à ce moment-là, j'ai versé de très chaudes larmes. Même si je passe mon temps à râler contre elle, elle est la personne la PLUS importante de ma vie. Sans elle, j'étais vraiment livrée à moi-même. Je m'accrochais à un pan de son boubou, comme un enfant affolé à son premier jour d'école. Je ne voulais pas qu'elle parte. Elle m'a serrée dans ses bras, et a attendu que je me calme pour partir. Après son départ, tata Ndéye Fama a pris le relais. Elle m'a réconfortée et m'a aidée à me démaquiller en me disant :
_Tata Ndéye Fama : Je comprends ta peine. Moi aussi j'ai beaucoup pleuré quand j'ai quitté chez mes parents pour venir m'installer chez mon mari. Mais ici, tu n'as rien à craindre. Tu seras traitée au même titre que Naima dans cette famille. Tu n'es pas ma belle-fille Sarah, tu es ma fille. Sèche tes larmes, tu seras très heureuse ici.
Ces mots m'ont émue et m'ont par-dessus-tout rassurée. Salem que je n'avais fait qu'apercevoir jusque-là, est enfin venu me voir en souriant. Il avait enlevé son smoking et était en mode décontracté : pantalon et chemise. Il sentait bon, comme toujours. Son parfum allait me rendre folle un de ces quatre. Il m'a fait un bisou sur le front et m'a dit :
_Salem : Je n'aime pas te voir pleurer. Tu es prête ?
J'ai aussitôt tressailli de peur, pensant qu'il parlait de vous savez quoi. Il a de suite éclaté de rire :
_Salem : Mais non, Sarah. Toi aussi ! Je ne suis pas sauvage à ce point quand même. Je te demandais juste si tu étais prête pour qu'on parte.
Hein ? Partir où ? Je bégayais littéralement :
_Moi : Partir ? Où ça ?
_Salem : Bah à l'hôtel XXXX pardi. Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais te laisser ici avec ces vieilles qui seront à l'affut demain de très bonne heure pour encore je ne sais quelle cérémonie traditionnelle bidon ? Elles t'ont assez fatiguée, tu mérites amplement le repos. Allez, on y va. Ne t'inquiète pas, Leila et Nabiha t'ont préparé une valise : il y a tous tes effets personnels dedans.
Mon soulagement était juste à son comble. Je ne me le fis pas dire deux fois. Nous nous sommes empressés de partir, sous le regard attendri de Tata Ndéye Fama. Mes frêles épaules étaient enfin déchargées d'un lourd fardeau. Je ne voulais que me reposer, aux bras de mon homme. L'hôtel où nous devions aller n'était nul autre que le même où nous avions célébré notre réception dans la soirée. Salem y avait réservé une chambre. En récupérant les clés, la réceptionniste n'arrêtait pas de lui faire des sourires charmeurs. J'avais juste envie de lui foutre des baffes à cette cinglée. Elle était aveugle ou quoi, non mais oh, j'étais en robe de mariée, un peu de vergogne quand même !
La première chose que je fis, fut de prendre une longue douche relaxante. Les filles avaient fourré dans ma valise deux nuisettes salaces que franchement, je n'osais pas mettre du tout pour une première fois. Heureusement qu'elles y avaient aussi incluse un débardeur et un short. Je les mis en maudissant intérieurement Nabiha. Je suis sure que le coup des nuisettes super sexy venait d'elle.
Salem était déjà affalé sur le lit, télécommande en main. Il mit la télé en mode muet, puis mit du cabo love sur son laptop. La voix sensuelle de Philip Monteiro envahit aussitôt la pièce. Il se leva pour aller enfiler son pyjama à son tour, et j'en ai profité pour me glisser sous la couette. La chambre était tellement climatisée qu'on se croirait en hiver. Monsieur m'a très vite rejoint et m'a fait un bisou sur la joue. Je me suis blottie dans ses bras en ronronnant de plaisir. C'était si bon, d'être ainsi, sans avoir peur de nous faire surprendre par qui que ce soit.
_Salem : Attends j'éteins la télé pour que tu puisses dormir mon cœur. Dors. Tu dois être fatiguée. Tu veux que je te fasse un massage ?
_Moi : Je veux toi.
_Salem : Haha, tu es incorrigible. On aura tout le temps, Sarah. Dors. La journée était longue.
Je l'ai ignoré en le faisant taire par un long baiser. Monsieur a répondu à mon baiser avec ferveur, puis........ceux qui veulent connaitre la suite, allez-vous marier, vous saurez lol
Bref, cette nuit fut juste MAGIQUE. La meilleure nuit de ma vie. Elle fut aigre-douce. Aigre, puisque j'ai vraiment eu mal, sûrement l'effet du stress. Et douce parce que la douleur ne fut que passagère. Je me suis enfin endormie dans les bras de mon homme à l'aube, complètement éreintée mais o combien comblée d'amour. Et je peux vous dire que dans ces moments-là, affaire d'âge-là, wallah ça ne compte plus haha.
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TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?
RomanceJe sortis à la hâte de son building dont l'air était devenu étouffant, et m'apprêtai à héler un taxi pour m'y engouffrer moi et ma peine insupportable, lorsqu'Ismaël se pointa. _Ismael : Je t'avais bien dit que je ferai de ta vie un enfer sur terre...