«Tu veux dire que j'ai rêvé ? »

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     Mercredi 12 septembre,

« Tu veux dire que j'ai rêvé ? »

     -Fern

Un soir alors qu'elle était sortie avec Erik et leurs deux amis de lycée Marthe et Georges, danser dans un bar salsa, elle se retrouva dans une rueda – c'est-à-dire que les couples dansent en cercle et changent régulièrement de partenaire dès que le meneur dit « Damé ! ». Le meneur accélérait le rythme et appelait des passes compliquées. Au « Damé » suivant elle fut entraînée dans une danse rapprochée et c'est alors qu'elle reconnut ses yeux.

- Toi !

- Fern. Quelle surprise ! – il esquissa un sourire.

- Tu sais danser la salsa ?

- Toi aussi à ce que je vois.

Ils parlaient tout bougeant. En salsa, comme dans beaucoup de danses de couple, c'est le garçon qui mène la danse. Et il connaissait les pas. Malheureusement le « Damé » qui suivit les mots d'Alec les empêcha de prolonger leur discussion. La rueda était grande, ils ne se recroisèrent pas. Lorsque la soirée se prolongea en duo, elle le chercha des yeux. Mais nulle part elle ne le voyait. S'était-il enfui ? Ou était-il tout simplement parti ?

Fern, restée sur le bord de la piste pour le chercher, s'adossa au mur. Marthe vint la rejoindre :

- Qu'est­-ce qu'il t'arrive ?

- Je suis un peu fatiguée... - mentit la jeune fille.

- Toi ? Fern Quercy fatiguée ? Il n'est même pas 22 heures !

- Je sais je sais, mais je suis un peu malade... Allez va danser Marthie, t'en fais pas pour moi !

- Roh ! Que dans 15 minutes je te revoie sur la piste !

- Oui oui – elle répondit d'un air évasif.

Son amie partit rejoindre la piste où très vite elle se trouva un partenaire.

Plusieurs garçons vinrent l'inviter mais elle déclina chaque proposition Adolfo - le maître du bar qui connaissait Fern, vint la voir pour comprendre pourquoi une de ses meilleures danseuses et clientes refusait de danser. Elle lui expliqua la situation et il fronça les sourcils :

- Je n'ai pas eu de clients qui s'appelaient Alec ce soir. Tu es sûre que c'était lui ?

- Quoi ? Tu veux dire que j'ai rêvé ?

- Ou que tu l'as tout simplement confondu avec une autre personne dans le club...

- Mais il m'a répondu.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ? T'as-t-il dit quelque chose pour que tu sois certaine que ce soit lui ?

Fern regarda avec stupeur le directeur. Elle repassa en boucle les quelques mots échangés. Ça aurait pu être n'importe qui. Elle n'avait pas dit « Alec », mais juste « toi ». La personne en face, connaissant Fern aurait pu lui répondre de la même manière que ce soir. Mais Fern se raccrochait à ces yeux. Ce regard métallique qui l'avait hypnotisé lors de sa première rencontre et qu'elle avait retrouvé un instant avant de le perdre à nouveau.

- Tu sais, étant donné que tu danses librement, peut-être que ton esprit s'est joué de toi. Et a imaginé celui que tu voulais revoir.

- Mais j'avais oublié son existence, jusqu'à ce soir. – répondit-elle d'un air pensif.

- La passion fait ressortir des choses enfouies en nous. La danse t'allège et ton cerveau vagabonde alors. Faisant ressurgir ton Alec.

Adolfo fut alors rappelé par ses fonctions de dirigeant et la quitta. Erik lui prit les mains et la força à venir sur la piste :

- Marthe m'a dit que tu étais malade... Depuis quand ?

- J'ai vu le contrebassiste...

- Alec ?

- Oui, mais Adolfo dit qu'il n'y a pas de Alec enregistré...

- Fernie...

- Oh tais-toi, je ne veux pas d'un autre discours...

- Fern. – dit-il d'un ton plus dur. – Tu as juste rêvé de lui et ça arrive... Ne t'en fais pas, tu le reverras un jour.

Tout en discutant, ils dansaient. Enfin la musique introduisit les dernières notes et la foule applaudit. Georges et Marthe les rejoignirent au bar. Fern masqua sa peine en sirotant son cocktail, heureusement la compagnie de ses amis lui changea les idées. Ils se rappelèrent les vieilles blagues de lycée, se racontèrent leurs nouvelles études : Marthe était en prépa scientifique et Georges étudiait dans une école d'art. La jeune fille était confiante et était déjà très bien classée. Georges, en revanche avait du mal à se plier au formalisme contemporain, lui qui était très traditionnel.

La souris parisienne et le dragon londonien - LSDM 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant