Chapitre 70. Bunkoeur

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——Violette——

J'avais souffert dans ma vie, beaucoup. À vingt-trois ans j'avais l'impression d'être quand même assez au courant de ce que c'était que la douleur physique et mentale. Mais jamais de ma courte vie, je n'avais eu aussi mal qu'en voyant le visage de Deen se décomposer sur la dernière lettre prononcée par Maya.

Ken et Hakim avaient la même mine totalement ahurie, Maya retenait ses larmes. Et Deen... Il était anéanti.

Je savais que depuis ces trois derniers mois, sa terreur était d'apprendre qu'il ne pourrait jamais retrouver sa fille.

Son pire cauchemar était devenu la réalité.

— Maya, appelle Lucie, dis-je soudainement.

J'avais ultra mal mais tout le monde était sous le choc, il fallait que quelqu'un réagisse. Seules les femmes savaient le faire dans des moments de crise de ce type.

Elle hocha la tête rentra dans l'appartement pour appeler sa meilleure amie.

— Kho... tenta Hakim, On va la niquer j'te jure.

Deen était un mur de glace, il ne répondit pas. Les yeux fixés sur l'écran du portable de Maya. Je l'avais jamais senti aussi loin de moi.

Maya revint avec Lucie.

— Lulu, vire tout le monde on est en crise, ordonnai-je, et appelle ta mère, on a besoin des conseils d'une juriste.

C'était étrange pour moi de parler à Lucie sur ce ton, mais je me sentais soudainement responsable de tout ce qui allait se passer. Deen était hors service, c'était à moi de gérer.

— Hakim, Ken, allez aider Lucie à mettre tous les invités dehors, vous trouvez un prétexte de merde, creusez-vous la tête. Maya, tu peux nous laisser deux minutes ?

Aucun ne discuta mes directives, Maya rentra la dernière dans l'appartement et referma le rideau derrière elle pour nous laisser un peu d'intimité.

— Mikael...

Je ne l'appelais pratiquement jamais par son prénom, laissant cela à sa famille, sauf quand c'était vraiment très important. Quand je voulais parler directement à l'homme qu'il était à l'intérieur de lui-même.

Je me plaçai en face de lui mais son regard ne rencontra pas le mien. Il restait absent. Ma main se glissa sur sa joue, cherchant son attention.

— Regarde-moi s'il te plaît.

Il ne réagit pas, j'arrivais pas à l'atteindre.

— On ne sait rien de toute cette histoire, c'est juste un titre. Si ça se trouve elle ment. On va regarder cette vidéo et voir ce qu'on peut faire.

— Je veux pas la voir.

Bon, il m'entendait, c'était déjà bien. Mais il avait tort.

— Si, tu vas la voir. Tu sais pourquoi ?

Je rencontrai enfin son regard, il avait mal, je l'avais jamais vu comme ça.

— Tu m'as forcée à brûler les lettres de mon père. Je te force à regarder cette vidéo. C'est le processus inverse, mais c'est la même chose. Fais-moi confiance. Je suis sûre qu'on va trouver une solution.

Il me jeta un regard un peu aigre, je compris qu'il allait se défouler sur moi.

— T'es toujours sûre qu'on va trouver une solution toi. De toutes façons qu'est-ce que t'en as à foutre ? C'est pas ta fille.

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