P E T I T E . E N F A N C E

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  "L'enfer c'est les autres"  
- Sartre -

Je suis née le six juin 1999.

D'aussi loin que je me souvienne, les choses ont toujours été les mêmes. Mon père a toujours été riche, et ma mère a toujours été belle. Ils ont toujours étés connus pour leur puissance, le couple des Kim. Je n'ai toujours été connue que pour être leur fille.

J'ai grandi dans une immense maison, en plein centre-ville de Séoul. Une immense maison, très moderne, immaculée et aseptisée de toute chaleur humaine. Étant jeune, je ne me suis jamais posée de questions. Le monde extérieur m'était totalement inconnu. Je m'étais imaginée que toutes les familles étaient identiques, un père absent t froid et une mère attentionnée mais indifférente à la fois. J'étais une enfant calme, et je me contentais des rares moments partagés avec ma mère pour avoir de l'attention et de l'affection.

Dès que j'étais entrée à l'école, la limousine me prenait de la porte d'entrée, et me déposait ensuite devant la grille, les vitres teintées ne me montraient pas vraiment grand-chose de "dehors". Les seules images que je connaissais, je les avait vues à la télévision et dans les dessins animés à la télé.

L'école privée où mes parents m'avaient inscrite fut un enfer notoire pour moi. Les gens disaient de moi que j'étais intelligente mais je n'ai jamais été de cet avis, je trouvais juste que j'étais une enfant curieuse. Les professeurs ne m'aimaient pas à cause de mes parents et les autres élèves me trouvaient étrange parce que je ne partageais pas leurs jeux. J'ai très mal vécu ce rejet, je cherchais juste à me faire accepter et avoir des amis. Je ne comprenais pas les relations sociales des autres, adorant les faux semblants pendant que je privilégiais l'honnêteté. L'école m'ennuyait, je ne savais que faire pour occuper ces cours si longs, un calvaire pour moi. Je rêvais de sciences et de rhétorique pendant que les autres se contentaient de contes.

J'avais appris à lire presque toute seule, en lisant les atlas de mon père, demandant parfois de l'aide à ma mère. Elle était tout pour moi, la seule qui me comprenait, qui se souciait de moi, malgré le fait que son travail lui permettait peu de s'occuper de moi. En grandissant, la bibliothèque de la maison devint mon repère, et les livres mes seuls amis. Je passais autant de temps avec ma mère que son emploi du temps lui permettait et je croisais mon père à de rares occasions, quand il invitait des amis, où il se servait de moi comme d'un objet, utilisant mes notes et mon apparente beauté comme marque de son succès. J'étais traitée comme un objet à la maison, et comme une bizarrerie à l'école.

A sept ans, j'eu le malheur de croiser la route d'une maîtresse dont la sévérité et l'intransigeance n'avaient que d'égal que sa méchanceté et son étroitesse d'esprit. Le fait que je sois cultivée l'insupportait et chaque fois que je tentais de répondre à ses questions elle me punissait et m'humiliait devant mes camarades, me mettant au coin, me critiquant ouvertement, m'interdisant la parole. Je me renfermais encore d'avantage. On me privait de mon seul plaisir, apprendre. Je n'étais pas aimée parce que je connaissais des choses, je me détestais, seule, ne comprenant pas ce que j'avais bien pu faire pour que l'on me haïsse à ce point.

Les enfants haïssent ce qu'ils ne comprennent pas et ils ne me comprenaient absolument pas. Alors puisque l'humain et fait ainsi, ils me mirent à l'écart. A neuf, ans je fus fatiguée d'essayer de gagner l'approbation de gens qui ne cherchaient même pas à me connaître.

À l'école, je n'avais toujours pas d'amis, enfin... j'en avais eu. Je m'étais noué d'amitié avec un groupe de quatre filles plutôt sympathiques, du moins le croyais-je. Ce fut mes premières et seules amies d'enfance. Une après-midi, je les avais entendues parler à mon sujet. Elles débattaient du fait que mon amitié était utile, pour accéder à la richesse de mes parents. Suite à cela, je refusai d'aller en cour pendant une semaine et me coupa encore davantage des autres. À dix ans, j'avais découvert la trahison.

Je n'étais encore qu'une enfant mais je compris beaucoup de choses, j'étais trop différente pour que les gens m'apprécient, et ceux qui m'approcheraient ne le feraient que par intérêt. La douleur que provoquèrent ces constatations manqua de me rendre folle. Je ne comprenais pas, je ne me comprenais pas. Ce que les gens pouvaient me reprocher m'était inconnu. Personne n'était là pour me rassurer, je n'en parlais pas à ma mère, préférant privilégier nos moments à deux pour passer de bons moments.

Tous ces évènements me firent grandir, vite, trop vite. Sans que j'ai eu le temps de me retourner, mon enfance avait volé loin derrière moi, trop loin pour que je puisse la rattraper.

L'enfant que j'étais était morte, sans même que je puisse essayer de la sauver et je me sentais coupable. J'avais l'impression que je l'avais tuée, au même titre que ces gens. Qui aurait pu la sauver, me sauver ? Excepté moi-même, et j'avais échoué. Lamentablement.

Je lisais des livres, où les héros et héroïnes sont entourés d'amis qui veillent sur eux et les protègent. Qui leur donnent des conseils, qui les épaulent lors des coups durs. Autour de moi, je ne trouvais que des ombres projetées sur les piles de livres au sol, cadavres décharnés de rêves et d'espoirs enfantins. J'appris à m'accommoder de cette solitude, me coupait de toute émotion pour éviter la souffrance.

Mes seules interactions étaient avec ma mère, ma seule amie, mon seul pilier. Je ne savais pas comment lui parler de toute cette souffrance, ne souhaitant pas gâcher ces instants volés. Alors j'avançais seule. J'encaissais, je me sentais tomber et espérait toucher le fond pour pouvoir remonter, comme dans une grande piscine. Comme dans une piscine, j'étouffais et chercher l'air, mais comme un noyé je suffoquais.

La musique et les livre devinrent mon exutoire, je ne sais pas si on pourrait dire que tout cela m'as sauvée, mais j'y ai trouvé de l'aide.

Je m'enfermai et devint une adulte enfermée dans un petit corps, avec mes raisonnements de "grande" qui faisaient rire les adultes. Mon père continuait à m'exhiber aux diners et ma mère continuait à soutenir son rôle de parfaite femme mariée.

D'une certaine manière, nous continuions d'incarner la parfaite famille coréenne.

Si seulement.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 04, 2019 ⏰

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