(Partie 1)
Selon moi, les kinés doivent vraiment aimer leur boulot. Sans ça, comment supporteraient -ils de passer leur temps à faire transpirer des éclopés grimaçant de douleur?
Fidèle à lui-même, Robert, mon kinésithérapeute, m'attend avec son large sourire aux dents blanches dans la salle d'attente de l'hôpital de jour.-Salut,Maggie! Tu te sens prête à faire travailler cette jambe?
𝑃𝑎𝑠 𝑣𝑟𝑎𝑖𝑚𝑒𝑛𝑡
-Je crois, dis-je en baissant les yeux.Robert fait tout son possible pour m'aider à retrouver l'usage de ma jambe. Mais à quoi bon s'acharner à faire fonctionner un membre pourri de l'intérieur? Mon chirurgien orthopédique l'appelle, en blaguant, ma «jambe bionique ». Ma dernière opération, destinée à réparer une fracture du plateau tibial, a duré plus de sept heures.
-C'est maintenant qu'il faut travailler dur, si tu veux que tes efforts paient, m'encourage-t-il.
Sans faire de commentaires, je pousse plus fort sur mon pied. Au bout d'un moment, il se recule et repose ma jambe. Ouf, c'est fini!
-Super! À présent, garde les jambes droites, et plie-les chacune leur tour.
Je préfère commencer dans la jambe droite, qui a moins souffert à l'accident. Elle a bien cicatriser, sans laisser de marques apparentes.
Au moment de passer à la jambe gauche, un poids imaginaire me retient. Cette impression me force à plier le genou au ralenti. Je suis en nage, comme un marathonien. Si je devais résumer en un mot ma vie de jeune fille de 17 ans je choisirais : « navrante ».-Encore un effort, demande Robert au moment où je m'apprête à reposer mon pied. Sur une échelle de un à 10, quelle est l'intensité de la douleur?
Alors que je suis sur le point de répondre «neuf»,son téléphone sonne.
-Vous ne répondez pas?
-Jamais quand je suis en consultation. Continue à plier les jambes, Maggie.
-C'est peut-être important, dis-je, pleine d'espoir.
-Dans ce cas, on me laissera un message. Le Dr Gerrard m'a informé que tu devais nous quitter en janvier, dit-il tandis que je repasse à l'autre jambe.
-Eh oui! J'ai obtenu une bourse pour aller étudier en Espagne pendant six mois.
Robert siffle, admiratif.
-L'Espagne! Quelle chance tu as!De la chance? Tu parles. Quand on a de la chance, on ne se fait pas renverser par une voiture et on n'a pas à subir des séances de rééducation épouvantes. Les chanceux n'ont pas des parents divorcer, ni un père qu'ils ne voient qu'une fois par an. Les chanceux ont des amis. Tout compte fait, je trouve que je suis la personne la moins chanceuse de l'univers.
Ma séance de torture se poursuit pendant 20 minutes. L'envie de m'enfuir me démange, mais je sais que ce n'est pas terminé. Robert boucle toujours ses séance de rééducation par un massage. J'enlève mon pantalon de survêtement avant de m'asseoir sur la table métallique, en short.-Est-ce que la rougeur s'estompe? Demande Robert en appliquant une crème sur ma peau à l'aide de ses mains gantées.
-Je ne sais pas. Je n'aime pas les regarder.En fait, je fais tout pour éviter de voir les cicatrices de ma jambe gauche. On dirait qu'un enfant de deux ans s'est amusé à dessiner dessus au feutre rouge. En réalité, ce sont les séquelles des nombreuses opérations que j'ai dû subir après mon accident provoqué par Caleb Becker.
Je fais mon possible pour éviter de penser à Caleb , mais ce n'est pas brillant. Il habite mon cerveau comme un cancer. Un bon point dans ce tumulte? Je ne fais plus de cauchemars liés à l'accident. Ils m'ont poursuivie pendant six mois, mais c'est passé. Comme je hais Caleb! Et je hais le mal qu'il m'a fait. Ma seule joie, c'est de le savoir loin d'ici, en prison. Si j'y réfléchissais, si je l'imaginais là-bas, je serais capable de me sentir coupable. Alors j'évite d'y penser. Je me débrouille pour continuer à avancer, en faisant abstraction du fait qu'à cause de lui ma vie est devenu un véritable enfer.
Même quand il me masse, Robert me fait mal et m'arrache des grimaces.-Ça ne devrait pas te faire mal.
-Ça ne fait pas mal.Pas physiquement, en tout cas, mais je n'aime pas qu'on touche mes cicatrices. Moi-même, le simple fait d'y toucher me donne la nausée.
Robert se penche pour examiner mon mollet.-Les traces le plus rouge finiront pas s'estomper. Sois patiente.
La séance terminée, pendant que j'enfile mon pantalon de survêtement, Robert prend des notes dans mon dossier. C'est le champion du stylo fou : il écrit plus vite que je ne parle.
-Qu'est-ce que vous écrivez? Dis-je avec inquiétude.
-Je note quelques remarques sur tes progrès. Je vais demander au Dr Gerrard de venir nous rendre une visite lors de notre prochaine séance, la semaine prochaine.𝑃𝑎𝑠 𝑑𝑒 𝑝𝑎𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒, Maggie.
-Pourquoi?
-J'aimerais qu'on passe au niveau suivant.
-Vous m'inquiétez...
Robert me tapote dans le dos.
-Ne t'en fais pas, Maggie! C'est simplement pour mettre au point un programme de rééducation que tu puisses suivre en Espagne, sans moi.De la rééducation en Espagne? Ce n'est pas exactement ce que j'avais imaginé... Cependant, je ne dis rien à Robert, préférant lui adresser un triste sourire.
Après la séance, je me rends chez Tante Maé, le restaurant où ma mère travaille depuis que mon père est parti, il y a deux ans. Heureusement que son patron, M.Reynolds, est gentil : il lui accorder tous les jours de congé donc elle avait besoin pour venir me voir à l'hôpital. Nous ne sommes pas riches, mais, au moins, nous avons un toit et les petits plats de chez Tante Maé pour nous remplir l'estomac.
Dès qu'elle me voit à une table , ma mère va chercher mon reps à la cuisine. Je m'apprête à ouvrir un livre quand, en levant les yeux,j'aperçois Jennifer, Brittany,et ma cousine Sabrina qui entrent dans le restaurant. C'est terrible, elle sont tellement... parfaites.
Avant, j'étais amie avec Jennifer et Brittany. Lola Becker et moi passions tout notre temps libre avec elles. Nous faisions partie de l'équipe de tennis du centre sportif de Paradise et nous étions devenues inséparables. Sabrina était à part, car elle ne pratiquait aucun sport. Je me souviens que maman me poussait souvent à l'inviter à se joindre à nous.L'accident a mis Paradise sens dessus dessous. On peut dire que le paradis est devenu un enfer, ce soir-là. En me renversant, Caleb ne s'est pas contenté de me broyer la jambe. Ah, non! Dans la foulée,il a également anéanti l'amitié qui m'unissait à sa sœur jumelle,Lola, ainsi que celle qui liait maman à sa mère. Avant , les portes de nos maisons étaient constamment ouvertes; à présent,il y a comme un mur invisible qui nous sépare.
Au début, j'étais trop occupé pour que Lola me manque. À l'hôpital, mon téléphone sonnait sans cesse et ma mère devait me demander d'abréger les conversations pour que je puisse me concentrer sur les soins. Puis, peu à peu, la sonnerie s'est faite plus rare et , au bout de quelques mois, je n'ai plus reçu aucun coup de fil. Chacun a repris sa vie, alors que j'étais cloîtrée chez moi
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L'accident
Teen FictionUn an après l'accident qui a failli lui coûter la vie, Maggie peut enfin retourner au lycée. Hélas, elle a perdu toute confiance en elle et semble incapable de retrouver sa joie de vivre. Car tout, dans la petite ville de Paradise, lui rappelle les...