On le savait déjà.

1. Ça fait 32 jours

Demain nous serons le 16 août. C'est le jour le plus important de l'année mais cette année ça l'est encore plus que toutes les autres ! En gros, le 16 août, on fête "Le dernier crépuscule". C'est une fête qui marque la fin des vacances, quand tout la bande est de retour. On passe la journée à la plage et on finit la soirée dans le jardin de Pauline et James. Cette année, ces retrouvailles seront encore plus importantes que les précédentes. Nous ne fêterons pas seulement la dernière soirée de l'été avant la reprise des cours, mais nous fêterons également le retour de James parmi nous.  

Ça fait trente-deux  jours, soit un mois que j'accompagne Pauline voir James tous les matins à l'hôpital. Au début, je ne n'aimais pas y aller parce que je n'avais pas le droit d'entrer dans la chambre. Au bout de deux semaines, les infirmières m'ont laissé entrer. Je ne me sentais pas bien dans cette chambre tout comme dans ces corridors blancs où règne la sensation d'incertitude devant chaque porte. James refusait de me parler ou du moins, il prenait un malin plaisir à m'ignorer. Au début, Pauline n'avait pas remarqué que son demi-frère ne m'adressait pas la parole. Après une bonne semaine, elle a fini par le voir et me poser des questions. Je n'avais rien à lui dire sur le fait que son frère ne me parlait pas. Je n'était même pas sûre de savoir exactement pourquoi il ne me parlait pas et de toute façon, cela ne la regardait pas. Même si c'est ma meilleure amie, je ne veux pas tout partager avec elle. 

Aujourd'hui vers midi, en sortant de l'hôpital, nous sommes allées manger dans notre crêperie préférée : THE  MOONCAKES. Après avoir mangé pour le troisième lundi d'affilée une crêpe au fromage de chèvre et miel et pour dessert une INCONTOURNABLE Nutella, Pauline rentre chez elle pour commencer à préparer la fête de demain, pendant que moi je marche en direction de l'arrête de bus. Une chose est sûre, la fête de demain sera la meilleure de toute !

En arrivant à l'arrêt de bus, la boule au ventre que j'ai tous les matins en allant voir James à l'hôpital n'a toujours pas disparu. Je ne saurai même pas dire ce qui m'a pris mais j'ai traversé la route et pris le bus en direction de l'hôpital, à défaut de prendre celui qui mène chez moi. Il y a en moi cette petite voix qui me pousse à aller parler à James ou, peut-être que c'est ce long silence avec pleins de non-dits qui me pousse à retourner le voir. Il faut que je sache ce que nous sommes aujourd'hui lui et moi et comment l'on doit à présent se comporter l'un envers l'autre. 

En arrivant devant la porte 358 du quatrième étages, je reste figée. Mon corps refuse d'avancer. Les souvenirs de cette matinée où tout est arrivé me submerge jusqu'au point d'en oublier ce qui m'entoure. Je le revois allongé sur ce brancard alors que ce matin je l'ai vu marcher avec aisance dans la piece qui se trouve en face de moi. Soudainement, j'entends à nouveau les sirènes de l'ambulance qui l'a emporté 32 jours plus tôt. Je me revois me retenir de...

- Mademoiselle, tout va bien ? Cette voix me semble lointaine, même inexistante sous le flot d'images et de souvenirs.

- Mademoiselle ? Cette fois une main se dépose sur mon poignet gauche et la voix paraît plus proche.

- Venez vous assoir. 

Je me laisse faire comme un pantin. La personne me demande de respirer avec elle. C'est alors, revenant de ma rêverie que je réalise enfin que j'avais arrêté de respirer de façon régulière.

- Désolée, articulai-je avec une voix enrouée.

- Ce n'est pas grave mademoiselle. Mais puis-je vous demander ce qui vous a mis dans cette état ?

- Je... j'allais ouvrir la porte quand tout d'un coup... 

A quoi bon lui dire, dans deux minutes elle ne s'en souviendra même plus et que-ce que ça peut bien lui faire ?!