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La première vision que j'ai en me réveillant est la masse de cheveux bruns d'Alana, étalée sur le bras du canapé en face du mien. Elle a dormi avec Adam. Il est face à elle, et il la maintient contre lui, comme s'il avait peur qu'elle ne tombe. Nous sommes dans la véranda. Les murs blancs reflètent la lumière qui entre par la grande baie vitrée. Paul est là aussi, il me tient dans ses bras. Je suis dos à lui, comme d'habitude quand on dort ensemble. Ce n'est pas la première fois. A vrai dire, c'est toujours comme ça. Les canapés sont étroits, et nous sommes obligés de nous serrer. Bien que je ne crois pas que nous soyons dérangés outre mesure pour cela. La table basse qui sépare nos deux couchages est remplie de gobelets vides. Je me repasse le film de la soirée dans la tête. Nick, la bagarre, la salle de bain, la piste de danse, Cedric, et Paul. La pensée des baisers que j'ai échangé avec lui m'arrache un petit sourire. Je ne sais pas à quoi ça nous mènera dans le futur, mais c'était un moment que je n'aurais échangé pour aucun autre. Je lève délicatement ma main jusqu'à ma lèvre blessée. C'est encore gonflé mais la coupure est bien refermée. Je me demande quelle excuse je vais pouvoir donner à ma mère quand elle verra ce qui est arrivé à mon visage.

Je jette un coup d'œil par la fenêtre. Le ballon lumineux de Peter est coincé dans le chêne du jardin. Les buissons de roses parfaitement taillés de la mère de Logan n'ont visiblement pas été touchés par les maladresses de chacun. J'imagine qu'elle serait folle de rage si elle voyait son trésor dans un sale état. La pelouse est un peu écrasée, mais je suis sûre qu'elle reprendra sa forme originale à la prochaine pluie. Le ciel est dégagé, parfaitement bleu. Si je n'avais pas aussi mal au crâne, j'aurais envie d'aller courir dans le parc avec mes trois acolytes. Je pousse un soupir, puis je referme les yeux. Je sais qu'on me réveillera plus tard.


- Maddie, Paul, debout.

Le grognement que pousse mon meilleur ami derrière moi est assez descriptif de mon humeur à ce moment précis. Je me retourne dans ses bras pour cacher mon visage dans son cou. Je refuse d'ouvrir les yeux.

- Maddie, s'il te plait, il faut aider Logan à ranger avant de partir.

- 'La cas le faire seul.

Merci Paul, de parler pour moi.

- Non, grosse larve, tu te lèves aussi !

Paul bouge un peu, il retire sa main de mon dos et lance un coussin sur Adam.

- Très bien, vous l'aurez voulu.

Mon frère entoure ma taille de ses bras puissants et me tire vers le bord du canapé pour me faire tomber sur le sol. Le fracas que fait mon corps en touchant le parquet parfaitement ciré est proportionnel à la douleur que je ressens contre les parois de mon crâne. J'ouvre les yeux et je grommelle des mots incompréhensibles pour montrer mon mécontentement à mon frère. Il rigole tout seul, et le visage endormi de Paul entre dans mon champ de vision.

- ça va Princesse ? Pas blessée ?

Je lève mon pouce vers lui. Je prend appui sur mes coudes pour m'asseoir. Je me retourne vers Adam.

- Vas-y, on vous rejoint dans cinq minutes.

Ma réponse semble le satisfaire. Il tourne les talons et sort de la véranda sans oublier de fermer la porte derrière lui. Après quelques secondes sur le sol, je me décide à me lever. Paul m'imite en silence. Je n'aime pas la pression qui commence à peser sur ma poitrine.

- Princesse ?

Je le regarde en silence, j'attends qu'il poursuive.

- Tu te souviens d'hier ?

- Oui.

- Tu regrettes ?

- Pas le moins du monde. Et toi ?

Il ne répond pas. Il prend une grande inspiration, comme si ce qu'il allait me dire demandait beaucoup de courage.

- Je sais pas. Il faudrait que j'essaie une nouvelle fois, sobre, tu sais, pour être sûr.

Ses lèvres s'étirent en un petit sourire espiègle. Je parcours les cinquante centimètres qui nous séparent, je pose une main sur sa joue, et sans réfléchir, je colle mes lèvres aux siennes. Ce baiser semble plus intense que celui d'hier. Je ne sais pas si c'est à cause de la douleur que je ressens à l'endroit de ma blessure ou à cause de ses mains dans mon dos qui me pressent contre lui. Mais je ne veux pas arrêter. Alors quand il se décolle contre moi, je maudis le ciel de nous avoir donné de si petits poumons. Nous sommes légèrement essoufflés, le rouge aux joues. Je murmure.

- Alors ?

Pour toute réponse, il recommence. Je ne sais pas ce qui nous prend. Je n'avais jamais su que j'en avais envie avant que ça n'arrive. Pour moi, Paul a toujours été mon meilleur ami, rien de plus. Et aujourd'hui, je me sens si bien dans cette position... Dans ses bras, avec ses baisers... Bon sang, je me perd. Je le repousse. Il me regarde dans les yeux, nos visages sont si proches que j'ai l'impression qu'il a deux nez.

- Tu crois que c'est une bonne idée ?

Il me laisse quelques secondes sans réponse.

- Non, mais je m'en fous.

Nous sursautons quand nous entendons trois coups frappés à la porte.

- Les cinq minutes sont passées ! Au travail les marmottes !

Je regarde Paul en silence. Mille questions me traversent l'esprit. Et comme à chaque fois, il répond avec une terrible justesse à la plus importante.

- Tu peux en parler à Alie et Adam. Je sais que tu vas avoir besoin de leur point de vue. 

Soixante NuitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant