RIVER
Après la mascarade médiatisée, un homme faisant partie de la garde nous a accompagnés dans notre bâtiment attitré, celui des invités. L'île centrale est composée de peu de choses : les trois quarts de l'espace sont bouffés par une forêt, le reste constitue les habitations de la famille royale et la petite base militaire. Une immense tour blanche – dont le sommet a l'air aussi tranchant qu'une lame – leur sert de maison. La mienne paraît vraiment ridicule en comparaison, un mélange de pierre et de bois, le toit est recouvert de mousse et l'humidité s'infiltre à une vitesse phénoménale. Ils ne doivent pas avoir ce genre de problèmes, ici. Quatre petits bâtiments encerclent la tour : ça me fait penser à une miniature de l'Hélice. L'un d'eux loge les militaires en service sur cette île, un autre appartient aux domestiques, le troisième est le bâtiment réservé aux invités, quant au quatrième, je n'en ai foutrement aucune idée.
Devant la tour de la famille Kindell s'étend une grande cour dans laquelle un lac est creusé – comme s'il n'y avait pas assez d'eau à New-Islands ! Des flashs du passé me reviennent quand je revois ce lac, alors je le sors de ma tête.
Après avoir investi nos chambres individuelles, ils nous regroupent tous les neuf dans la pièce commune, un duplex comportant un tas d'activités pour ne pas s'ennuyer : un baby-foot, des petits écrans portables, des tables d'échec et un mur entier faisant office de bibliothèque. Des immenses canapés y sont disposés, j'y vois déjà des petits groupes se former. Deux types du Secteur Bleu discutent vivement, un autre du Secteur Doré arpente la bibliothèque. Mais moi, ma mère me manque déjà. Elle ne serait pas fière d'apprendre que je me suis déjà fait remarquer, et pas dans le bon sens du terme.
J'espère en avoir choqué plus d'un avec mon attitude impolie, qu'Emerson se dira que je n'ai pas ma place ici et qu'elle me renverra illico chez moi. J'espère même que son père prendra les mesures nécessaires et me disqualifiera. Quand je regarde ces huit autres mecs qui se la coulent douce dans la salle commune, je me rends compte que je suis le seul ici qui n'est pas fier de participer à cette compétition. Ils sont tous avides de richesse, de popularité et de pouvoir.
— River, c'est ça ?
Je me tourne brusquement pour faire face au premier qui m'adresse la parole. C'est un type qui a l'air pété de thunes, ça se voit à sa tronche. Ses cheveux bruns sont plaqués en arrière, une mèche rebelle vient caresser son front. Il me toise de son regard bleu intense, je n'ai jamais vu quelqu'un avec des iris aussi colorés. Ils font flipper.
— Tu parles mon langage ?
Je continue de le fixer. Est-ce qu'il se fout de ma gueule ? Je serre les poings. Je suis sûr que si je me bagarrais, j'aurais encore plus de chances de me faire virer d'ici. Le type m'adresse un sourire moqueur :
— Merde, je croyais qu'on parlait la même langue dans tout New-Islands, même chez les pauvres.
Je me vois déjà lui décrocher la patate de sa vie, mais je me contiens un peu.
— Qu'est-ce que tu veux ? dis-je les dents serrées.
— Oh, tu sais parler, finalement. Qu'est-ce que tu fous là, au juste ?
La seule chose que nous avons en commun, c'est cette interrogation.
— Je veux dire, continue-t-il, on ne peut pas dire que tu as fait une super impression tout à l'heure. Comment as-tu pu réussir tes tests ? T'as l'air totalement perché.
— Tu veux que je te démontre comment j'ai eu assez de points pour intégrer le programme ? répliqué-je platement.
Il sourit de cette manière insupportable et hoche la tête. Il n'aura pas à me le dire deux fois, je lui envoie mon poing serré en plein dans la mâchoire, il perd quelque peu l'équilibre, s'éloigne autant que possible de moi et porte une main à son visage.

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ALCYON (Sous contrat d'édition)
Science FictionLe monde que nous avions connu n'existe plus. Tout à été submergé. Les plages de Santa Monica, rayées de la carte. La Statue de la Liberté, écroulée. Les continents, engloutis. Il y a soixante ans, de violents cataclysmes ont tout ravagé. En 2078, p...