La légende du Rake

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Je m’appelle Bruno. Je vis dans un village se trouvant près d’une plage. Près de celle-ci se tapit une grotte sombre et rocheuse où vit une créature nommée le Rake. Beaucoup de légendes urbaines parlent de cette créature mi-homme, mi-chien, aux dents limées, avec un corps violemment disloqué. Celle de mon village raconte qu’autrefois, un criminel avait été arrêté dans la rue.
Celui-ci se trouvait devant un jardin où aboyait un chien. Attiré par les cris de la bête, il regarda le domestique et d’un coup, les deux corps se figèrent et leurs âmes s’envolaient vers le corps de l’autre. Apparemment,
l’homme avait prit possession du corps de la bête pour échapper à sa peine. Sorcellerie ? Je ne pense pas. La créature était grande et avait des bras et des jambes, tel un homme. Le policier se demanda pourquoi le truand ne bougeait pas d’un cil. Soudainement, le monstre hurla à
la mort et bondit sur l’agent de police, le morda de nombreuses fois avant que la victime ne se serve d’une
matraque pour abattre la bête. Mais cette dernière surviva et coura se cacher, titubant sur une jambe, tout ensanglanté. Le policier ne pris même pas la peine d’utiliser son pistolet. Le lendemain, une vieille dame croisa le monstre et étouffa un cri. Le Rake se senta menacé et ne faisa qu’une bouchée de la vieille. Il s’enfuya de ce monde cruel pour se loger dans cette fameuse grotte à moins d’un kilomètre de mon village. Nulle n’ose s’en approcher tant les cris du Rake nous font peur.
Depuis mon enfance, j’adore les histoires d’horreur. Évidemment que celle du Rake me fascinait alors je suis allé le voir pour vérifier s’il était réel et pas une mise en scène. Je voulais vivre une aventure inoubliable et je n’étais pas déçu. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait à mes amis de ma faute. Je vais tout vous raconter. Seulement, ne vous plaignez pas si vous n’arrivez plus à dormir. Car après mon récit, vous n’oserez plus regarder le coin le plus sombre de votre chambre…
Mercredi dernier, je fêtais mon dix-septième anniversaire avec mes amis Brendon, Loïc et Sacha. Nous étions une bande du même âge se connaissant depuis la maternelle. La soirée s’était bien passée; nous
sommes allés à la fête hebdomadaire sur la plage, boire et danser. Aucun de nous ne draguait ou était saoul. Nous n’étions qu’une bande de copains voulant passer du bon temps, bien réglos et innocents.
-Eh, les gars ! Si on allait voir le Rake ? demandait Brendon. Juste pour pimenter la soirée ?
-T’es fou ou quoi ? protestait Loïc. Tu ne connais pas les rumeurs ?
-Moi je suis partant. acquiesçait Sacha. Qu’en penses-tu Bruno ?
-Évidemment ! Je ne suis pas comme Loïc la chocotte, voyez-vous ?
-Je ne suis pas une chocotte ! D’ailleurs, je viens avec vous.
-Eh bien voilà, allons-y ! déclarais-je.
Nous faisions en sorte que personne ne nous regarde et marchions lentement jusqu’à la grotte. Le sable était aussi moelleux qu'un matelas. Le vent printanier du crépuscule nous caressait le visage. Les mouettes demeuraient silencieuses dans le ciel orangé. Au pied de la colline herbeuse -oui, il y a un petit coin comme ça-, plusieurs pancartes se dressaient devant nous, chacune gravée d’un message faisant froid dans le dos du style : «Pars d’ici !» ou encore «Laisses-moi !» et même «Sauves-moi !». Je lançais un regard à Loïc et je le sentais mal à l’aise.
-On monte ? s’impatientait Brendon.
-Ouais mais passes d’abord ! rétorquait Loïc.
Nous nous mettions à quatre pattes et commencions l’ascension. L'herbe s'égouttait sur nos mains et les criquets chantaient. Lorsque nous touchions le haut, l’air devena étrangement glacial. Une nouvelle pancarte était renversée sur le sol : «Dernière chance, PARS !». Des crânes d'humains, pourris par la météo et l'âge, se répartissaient autour de la grotte. Un cadavre pendaient sur le haut de l'entrée.
-Ben alors, on flippe là ? provoquais-je.
-Bah non ! infirmait Brendon en prolongeant le «non» à l’infini.
Nous avancions pas-à-pas avant d’entendre un hurlement à la mort.
-C’est…c’est, c’est le Rake ! bégayait Loïc.
-Génial ! Alors il existe vraiment ! jouissais-je.
-Oui, c’est super, on s’en va alors ?
Nous répondions tous en chœur :
-Non Loïc, la ferme ! suivi d’un rire général.
-Vous savez quoi ? Allez-y ! J’attends ici et rien ne me fera changer d’avis !
-Ok, à plus le trouillard ! concluais-je.
Ce fut les derniers mots que Loïc et moi nous étions échangés. Car le cauchemar allait bientôt commencer. Brendon, Sacha et moi entrions dans la grotte. En plus du froid, une odeur de cadavre envahissait l’antre du Rake. Nous apercevions une petite lueur se refléter contre la paroi
rocheuse. Nous ne savions pas pourquoi, mais elle nous donnait envie d’aller plus loin dans la grotte, vers sa source. Mais le cri de notre ami de l’extérieur nous faisait sursauter.
-À l’aide ! hurlait-il à gorge déployée.
Nous revenions sur nos pas et malheur : notre ami avait disparu. Et si l’on avançait de quelques pas en plus, nous pouvions voir le corps immobile de Loïc gisant
au fond de ce qui semblait être une fosse. Son nom figurait sur une pancarte tâchée de sang. Les nôtres
étaient gravés dans de la roche, au-dessus d’autres fosses.
-On va tous mourir ! pleurait Sacha.
-Partons d’ici ! criait Brendon.
Nous dévalions rapidement la colline et courions à bout de souffle vers la fête. Mais je remarquais un manque.
-Où est Sacha ? demandais-je.
Et nous entendions notre vieil ami crier.
-Oh non, il l’a eu ! sanglotait Brendon.
Je me retournais et voyais un gros chien nous courser, haletant.
-Le Rake nous suit ! Plus vite Brendon !
Nous étions à deux-cent mètres de la fête et la créature nous poursuivait toujours. Pas de chance pour mon
pauvre ami Brendon qui n’avait jamais été bon en athlétisme, il commençait à s’essouffler et ralentissait.
-Courage mon pote, on y est presque ! l’encourageais-je.
-Désolé j’en peux plus ! Adieu mon ami.
Je pleurais. De ma faute, mes trois meilleurs amis étaient morts dans d’atroces souffrances. Je n’oublierais
jamais le visage terrifié de Loïc, la voix paniquée de Sacha et l’adieu de Brendon. Le Rake ne s’était pas
arrêté de courir, même après avoir meurtri mon dernier ami. Je me trouvais à cent mètres de la fête et commençais aussi à me fatiguer. La musique s’entendait de plus en plus fort
et en jetant un regard par-dessus mon épaule, je constatais que le Rake avait renoncé à sa course pour porter ses mains à ses oreilles. Pourquoi dis-je
« mains » ? Parce qu’en réalité, le Rake n’est autre qu’un humain aux yeux exorbités, avec deux crevasses en guise de narines et la peau toute grise. Il se comporte comme un chien raffolant de chair humaine. Il me terrifiait ; ce cannibale allait rester gravé dans mon âme à jamais. Il
m’avait regardé, je l’avais regardé, sans faire le moindre bruit ou geste. Il se retournait et courait jusqu’à sa grotte –il devait être apeuré par la musique et la foule. Il saisissait le corps de Brendon et le trainait lentement. Je m’effondrais de fatigue et de peur sur le sable chaud.
Je m’étais un peu endormi là, avant que je ne rentre chez moi. Ma mère m’avait accueilli joyeusement.
-Comment s’est passée la fête ? Bien défoulé ? m'avait-elle demandé. Où sont tes amis ?
Je mettais du temps à répondre, la tracassant.
-Bruno, tu es tout blanc. Que s’est-il passé ?
-C’est le Rake.
Puis je montais dans ma chambre d’un air de zombie.
Le fait d’avoir raconté cette histoire me donne des frissons. Mes amis me manquent beaucoup. Je culpabiliserais toute ma vie. Je consulte à présent un psychologue et quand j’explique à quiconque que je vais bientôt mourir, ils ne font que de me rassurer, de me dire :
-Oublies-les tous !
Mais c’est la vérité, je n’en ai plus pour longtemps. Toutes les nuits, le Rake me contemple, assis sur mon lit
en position humaine. Et il est peut-être sous le vôtre…

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 07, 2020 ⏰

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