Tu écoutes la fin de l'histoire avec ce goût amer sur les lèvres. Tu ne veux pas juger, ne veux pas creuser et encore moins lui parler de celle que tu connais sous le nom de Rose. Elle parle d'enfer, de jugement, de démons et de retour à la vie. Tu enregistre tout dans une sorte de transe dont tu as du mal à te réveiller. Tu n'as brusquement plus envie d'être là dans ce malaise grandissant qui s'infiltre par tout les pores de ta peau comme un liquide onctueux remplissant peu à peu tes poumons. Mais contrairement aux autres êtres humains, tu ne peux pas te lever pour partir.
Elle termine son récit et attend quelque chose de ta part, juste peut-être un mot mais tu n'y arrives pas. Que dire dans cette situation ? Non, tu ne comprends pas, tu n'as pas connu ça, seule la douleur t'es peut-être familière mais le rappeler serait presque irrespectueux. A t-elle besoin qu'on lui annonce que tout cela est terrible ? Ne s'en rend elle pas déjà que trop bien compte ? Tu n'es pas douée pour rassurer les gens alors tu te contentes de hocher quelque peu la tête pour montrer que tu as entendu et que tu es toujours là.
__Je vais y aller.
Tu es bien consciente que c'est peut-être la pire réponse à son histoire mais tu as besoin de prendre l'air pour t'éclaircir les idées et réfléchir à tout cela. Le visage d'Eléane se décompose et immédiatement tu te sens coupable de ta décision. Mais as-tu seulement encore le choix ?
__Je reviendrais.
Les trais fermés, la dame hoche la tête douloureusement. Elle vient de t'ouvrir son cœur mais tu n'es pas capable de la remercier. La discussion est douloureuse même si tu es sûre qu'elle vous soit utile à toute les deux. Tu sais que tu reviendras, même en marchant à reculons et quand tout ton corps te criera de t'éloigner le plus possible de cette maison. Parce que tout cela vous dépasse toute lesdeux et que vous avez un besoin immense de le partager.
Eléane t'aide à sortir et t'embrasse sur les deux joues avant de te laisser partir avec un geste de la main. Elle semble penser que c'est un adieu. C'est étrange de la voir comme ça, cette femme si parfaite dans ses bustiers trop chers, cette mère dans une grande maison aux fenêtres closes. Mais toutes les familles parfaites ont leurs lourds secrets et tu n'es pas sûre que monsieur Cambria connaisse même ceux de son épouse
Dans la rue, le petit manège recommence avec les passants. Presque habituée à présent, tu leurs offre de larges sourires qui te permettent d'évacuer petit à petit toute la tension ressentie chez Eléane. Tu décides de descendre ta rue seule et tombes sur Thomas qui s'apprête à sonner à la porte. Tu lui fais un signe de main et il s'approche de toi. Tu ne sais pas trop où tu en es avec le garçon mais il est pour l'instant ce qui se rapproche le plus d'un ami dans ton entourage et ça n'a clairement pas de prix en ce moment.
__Salut.
__Salut.
Vos conversations sont toujours insipides et tu rigoles doucement alor sque la mine inquiète du brun laisse place à un sourire.
__Ça me fait plaisir de te voir, tu vas mieux ?
__Oui, je crois.
__Tu veux faire un tour ?
Tu as eu ta dose de tours pour la journée mais hoches quand même la tête parce que c'est lui et que sa présence te fait du bien.
__Thomas ? Tu crois aux amitiés si fortes qu'on est près à donner sa vie pour l'autre ?
Le garçon fait mine de réfléchir avant de hocher doucement la tête.
__Oui je crois mais peut-être que je lis trop.
Ça te fait bizarre d'entendre ce genre de phrase dans la bouche d'un garçon mais tu imagines que ce n'est qu'un stupide stéréotype et tu t'en veux un peu. En vérité, tu as envie de demander s'il ferait ça pour toi mais tu n'oses pas, ce serait égoïste de demander un truc pareil, vous vous connaissez depuis si peu.
__Au fait Lore, je suis vraiment désolé pour l'histoire avec les médicaments.
Tu le sais bien et au fond tu ne parviens pas à vraiment lui en vouloir. Faudrait-il ? Tu lui souris sincèrement.
__T'inquiète pas. Merci d'être là.