Chapitre 1:

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Je dirai que tout a commencé ce matin-là. Je coupais les légumes pour la soupe, quand j'entendis sonner à la porte. Je relevai la tête.

-Laisse, j'y vais. Me fit ma mère. Elle essuya rapidement ses mains pleines de farine sur son tablier et alla ouvrir. J'entendis la voix d'un homme. J'essayais de tendre l'oreille, mais ce qu'ils disaient ne me parvenait pas distinctement. Puis, les pas se dirigèrent en direction de la cuisine. Je me remis à mon travail.

-Marianne, ce couple est venu pour toi. M'annonça ma mère est rentrant dans la pièce. Je me redressai et inclinai la tête poliment pour saluer le couple qui entrait. La femme avait l'air beaucoup plus âgée que son mari, l'idée me traversa que l'homme put être son fils. Elle avait les cheveux blancs, ramenés en un chignon serré. Ses pommettes qui avaient dû être saillantes autrefois tombaient à présent, avec le reste de son visage. Même son nez crochu semblait être victime de la gravité. Seuls ses yeux verts perçants témoignaient d'une ancienne vivacité. L'homme quant à lui avait les cheveux bruns, ondulés qui lui tombaient sur les épaules, et recouverts d'un chapeau haut-de-forme. Il portait des lunettes qui voilaient de magnifiques yeux bleus. Enfin, une fine moustache brune épousait délicatement ses lèvres. La différence entre les deux personnages me marqua énormément.

-Voulez-vous travailler pour moi ? demanda l'homme avec un fort accent.

Mon cœur fit un bon dans ma poitrine. Enfin quelqu'un acceptait de m'embaucher. Mes parents étaient pauvres, et à la suite d'un accident qui avait immobilisé mon père, la situation s'était aggravée.

Je jetai un œil à ma mère. Elle affichait un air satisfait et me faisait signe des sourcils d'accepter la demande de l'homme.

-Ce serait un plaisir, monsieur. Répondis-je poliment.

-Bien. L'affaire est conclue alors. Je suis le comte Nikita Volkov. Et voici ma femme, Tatiana Volkova. Vous serez à son service.

-Entendu, Monsieur.

-Faites vos affaires tandis que je discute des détails avec votre mère. Nous partirons lorsque vous serez prête.

Je m'exécutais sans discuter. Ce travail représentait une chance inouïe pour notre famille. Je détachai mon tablier et me rendit dans la chambre pour prendre mes effets personnels.

Lorsque je retournai à la cuisine, toute la famille m'attendait. Je serrai mon père dans mes bras. Depuis qu'il avait perdu l'usage de ses jambes, il ne parlait presque plus. Son état me désolait.

-Tu vas ma manquer ma petite. Me souffla-t-il.

-Toi aussi Papa. Dis-je en l'embrassant.

J'embrassai ensuite mes frères et sœurs avant de passer à ma mère.

-Ils habitent assez loin, mais Monsieur Volkov a promis de te reconduire à la maison une fois par mois. Conduis-toi bien surtout.

Nous nous embrassâmes. Une larme discrète coula sur sa joue mais elle l'écrasa immédiatement. Mon départ n'enchantait personne, mais il en allait de la survie de la famille.

-Je suis prête, Monsieur Volkov. Déclarai-je.

-Bien. Venez mademoiselle.

Il salua mes parents et nous ouvrit la porte, à sa femme et moi. Une calèche nous attendait devant la porte. M. Volkov tendit la main à sa femme pour l'aider à monter.

-Ma chère... l'invita-t-il.

Celle-ci répondit par un grognement, et saisit la main de son mari. Il me tendit ensuite la main.

-Merci.

Le comte me répondit par un léger sourire. Il monta à ma suite dans la calèche, et prit place aux côtés de sa femme. Celle-ci se décala pour s'éloigner un peu de lui. Il semblait y avoir un froid entre les deux époux. Pourtant M. Volkov avait l'air gentil. J'eus soudain peur que Mme Volkova soit une maîtresse désagréable au possible. J'espérai qu'elle ne me mènerait pas trop la vie dure. Alors que je les observais tous les deux, la comtesse tourna soudainement la tête vers moi et me regarda froidement. Ne pouvant soutenir son regard plus longtemps, je baissai les yeux. Cette femme m'impressionnait. Il y avait quelque chose dans ses yeux perçants qui me rendait mal à l'aise. Elle semblait lire en moi comme dans un livre ouvert. Je n'osai relever les yeux, de peur de croiser son regard. Enfin, j'entendis un froissement de tissu indiquant qu'elle venait de tourner la tête vers l'extérieur. Je relevai discrètement le visage. Le comte me regardait, un fin sourire au lèvre. Il semblait me dire de ne pas avoir peur. Cet homme, par une simple expression du visage parvenait à me redonner confiance. Je clignai des yeux pour le remercier de son soutien. Il sembla comprendre mon langage silencieux puisque son sourire se fit un peu plus prononcé, et il détourna la tête pour admirer le paysage. Nous roulions à travers la campagne, alternant les paysages de prairies et les paysages de forêts. La brume du matin s'était complètement dissipée, et le soleil approchait de son apogée. Le comte qui avait fermé les yeux un moment se réveilla, et sortant la tête par la fenêtre, il cria au cocher de s'arrêter. Ce dernier obéit.

-Arrêtons-nous là pour manger. Déclara-t-il. Mon épouse et sa dame de compagnie doivent avoir faim à l'heure qu'il est.

Comme à son habitude, Tatiana Volkova poussa un grognement en signe de réponse. Je commençais à me demander si elle savait parler. A quoi allaient ressembler mes journées si ma maîtresse était une vieille femme muette et décrépie ?

Le comte était sorti et nous tendait la main pour nous aider à faire de même. Faire sortir la comtesse n'était pas une mince affaire. Ses membres rigides, et ankylosés ne lui obéissaient surement pas comme elle le voulait, et l'ampleur de sa robe n'arrangeait rien. Ce n'était pas ma petite robe de toile qui allait me déranger. La comtesse se dirigea vers un plan d'herbes vertes, et s'assit. Ne sachant que faire d'autre, je la rejoignis, et m'assis également. Elle me regarda, et l'espace d'un instant, j'eus peur d'avoir mal agi. Heureusement, elle détourna rapidement le regard, et je pu respirer. M. Volkov sortit un panier de victuailles de la calèche, et se dirigea vers nous. Il prit place entre nous deux. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant