Chapitre 35

155 10 128
                                    

Can I come to your house?
I'm caught in the ropes and the wires
The sun settles hard in the south
Winter lives in my bones
It's all I've ever known


Gaël ouvre les yeux sur un plafond beige où se devine un long filet de poussière grise. L'hôpital de Sunnyside ne s'est jamais démarqué par sa propreté. Pourtant, il a rarement été aussi heureux d'avoir un plafond sale au-dessus de la tête.

Il pivote sur l'oreiller trop mou jusqu'à rencontrer le garçon assis à son chevet. Sa main, faiblement serrée autour de la sienne, trahit sa fatigue. Azura n'a pas bougé de ce fauteuil depuis hier soir.


« Tu devrais rentrer dormir. »


Son ami sursaute au son de sa voix. Il piquait du nez.


« Ça va, dit-il en remontant ses lunettes. Tu sors tout à l'heure, non ? On rentrera ensemble. Pas question que je te laisse tout seul ici. »


Gaël adresse un sourire éreinté à l'autre garçon. Tout deux ne font qu'entrer et sortir du sommeil depuis son admission à l'hôpital. Il baisse les yeux vers ses avant-bras bandés, vers la compresse fixée sur son épaule gauche. La plaie ne saigne plus, mais chacun de ses mouvements est encore accompagné d'une douleur lancinante qui, il le sait, ne le quittera pas de sitôt.


« Une chance que ça m'ait pas traversé, songe-t-il à voix basse. Mon sauvetage héroïque serait tombé à l'eau.

- Pas la peine de me le rappeler, grimace Azura. J'ai cru que t'étais mort, bordel.

- Moi aussi. Mais j'étais juste en état de choc, apparemment. »


Azura soupire, toujours contrarié par le geste de son ami. Il n'hésiterait pas une seconde à faire de même pour lui, mais que Gaël ait mis sa vie en danger pour sauver la sienne l'emplit d'une terreur si profonde qu'elle se mélange à l'essence de son être. Ils mourraient l'un pour l'autre. À force d'entendre cette formule employée par tout et n'importe qui, Azura a fini par oublier à quel point l'amour peut être effrayant.


« C'était badass, murmure-t-il tout de même.

- De quoi ?

- Tout. Mais refais plus jamais ça.

- T'as l'intention de te refaire tirer dessus d'ici peu ?

- Non.

- Alors ça devrait aller. »


À défaut de réactions appropriées, les deux garçons s'échangent un sourire de dépit. Gaël étouffe un bâillement en regardant par la fenêtre. L'orage a cessé, mais l'averse bat inlassablement les trottoirs de la ville.


« C'est bizarre. »


Azura, qui avait baissé les yeux, les relève pour contempler le profil de son voisin.


« Tu vas devoir préciser à quoi tu fais allusion, parce que rien de ce qui est arrivé depuis novembre n'était pas bizarre.

- La tempête, répond Gaël. Ils en avaient pas prévu à la météo et ... »


Il laisse sa phrase en suspens par peur d'aller trop loin, mais Azura comprend. L'orage a faibli aussitôt que Gaël s'est écroulé sur cette route déserte. Les flammes dévorant le manoir, pourtant indomptables, se sont tout à coup laissées maîtriser comme si la force qui les animait s'était évaporée. La même chose n'est-elle pas arrivée à l'incendie ravageant la maison de Gaël ? Quand s'est-il interrompu, exactement ? En même temps que la pluie ?

L'Envol du Corbeau [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant