Mayday Mayday ! La Terre appelle à l’aide. Mayday Mayday ! La Terre a peur. Elle est traumatisée. Elle est prise en otage par des pirates de l’exploitation massive. Détournée, elle perd la boussole. Leurs revendications : la suppression du moratoire sur les mesures écologiques.
Mayday Mayday ! La Terre est désespérée. Sa voix est colère. Les aiguilleurs de l’environnement ont quitté leur poste. Elle est seule. Plus d’étoiles pour la guider. Que des inconscients aux commandes pour l’emmener là où ils veulent.
Mayday Mayday !
Le ciel tourmenté a craché ses larmes de pluie. Passées en niveau cataractes, elles donnent aux passants, dans leurs cirés noirs ruisselantes, des allures de poissons hors de l’eau. Nageoires qui gigotent et bouches qui béant en quête d’air. Montée inéluctable du flot, les rues ne sont plus qu’un souvenir. Nouvelle Venise qui n’a de merveilleux que la réminiscence de ses palais, dupliquent leurs façades grandioses, menacées d’écroulement, dans les eaux du Rialto. Il faut fuir. Évacuer les maisons. Emmener chat ou chien, voire la cage du canari, une veste, sacrifiant ses papiers. Pas le temps de s’attarder à rechercher le visage d’un absent dans le ruissellement des vitres.
Ce soir, ceux qui se sont obstinés à rester sur place devront recourir au canot pneumatique de leurs vacances pour une hypothétique baguette de pain ou l’aide aux voisins...
Mayday Mayday !
Loin de chez nous, un barrage vient de rompre ses digues. La monstrueuse coulée boueuse, soulevant le sol comme fétu de paille, a tout emporté sur son passage. Tout noyé, tout étouffé. Bêtes et gens, villes et villages. À l’instant de ces lignes, le macabre décompte des morts et disparus n’est pas achevé. Miraculés qui survivent avec les moyens du bord...
Mayday Mayday !
Sa voix s’épuise. L’Australie est désormais le Continent du tout ou rien ! Période de sécheresse sans précédent, enfants qui n’ont jamais vus la pluie, troupeaux décimés et éleveurs qui songent à jeter l’éponge, une partie de cet immense continent est maintenant sous les eaux. Maisons tronquées, toits qui émergent à peine.
Mayday Mayday !
Sa voix s’amenuise. S’enroue.
Chez les Inuits, les icebergs rétrécissent comme peau de chagrin. Les baskets remplacent de plus en plus les bottes. Les ours blancs, en grand danger de famine, viennent chercher pitance chez les hommes. Les motos-neige ont tué les traîneaux.
Mayday Mayday !
Sa voix n’est plus que murmure.
Les océans sont en péril. Trop de bateaux, de thoniers, de baleiniers. Trop de nasses qui ne trient pas, qui blessent, qui tuent, qui attrapent trop petit. Trop de poissons rejetés, le tri effectué. Morts pour rien. Morts, pour que, sur les étals, le choix et l’abondance demeurent.
Plus qu’un souffle, plus léger que l’alizé. Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand, votre folie ?
Mayday Mayday !
Ces derniers mots, comme un soupir, un ultime regret. Me pardonnent tous les oubliés. Ceux pour qui le temps m’a manqué. Il en reste tant !
Mayday Mayday !
Plus la peine. Il est trop tard.Tu prends ma main. Nos doigts se nouent. À deux, on a moins peur !
Une nuit supplémentaire tombe sur Paris. Le zouave a survécu. Les néons s’allument, arcs-en-ciel dans la nuit. La tour Eiffel fait son show, parée de tous ses feux. La foule s’agglutine. Pressée ou flâneuse. Immuable. Éternelle.
Combien de jours encore ? Combien de nuits ?
À deux, on a moins peur. Ou plus, mais on évite de se le dire !