Jour 24

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Hier soir, après les cours, alors que nous étions au café, notre quartier général, je me suis rendu aux toilettes. Oui, je sais, il se passe souvent des choses quand je suis devant les urinoirs, mais c'est finalement l'unique moment où on peut me voir seul, me parler sans que le reste du groupe ne soit là. Jérémy est venu se placer à côté de moi. Je ne comprends pas cette façon de faire. Nous n'étions que deux, il y avait de la place, il pouvait aller un peu plus loin.

— Je veux intégrer l'équipe de natation.

— Quoi ? Ce n'est pas à moi qu'il faut dire ça.

— Tu vas convaincre Sébastien de m'accepter. Je veux faire partie des mecs cool.

— Non mais ça va pas ? Tu penses vraiment que ça se passe comme ça ?


Nous avons rangé le matériel avant de nous laver les mains. Il s'est posté devant la porte d'entrée.

— Tu crois que je suis devenu sympa du jour au lendemain ? Je savais que tu n'étais pas aussi intelligent que ça.

— Je ne comprends rien à ce que tu dis.

Jérémy a totalement changé d'attitude. Je pensais m'en être fait un pote. Nous avons partagé des moments sympas et je l'ai assisté pendant sa transformation, alors qu'il est passé de l'intello coincé au mec plutôt cool.

— Je voulais juste avoir accès à ta chambre. Tu ne t'es pas méfié, comme je l'avais prévu.

— Qu'est-ce que tu as fait ?

— J'ai eu tout le temps de réaliser des copies d'écran de tes sites préférés et j'ai copié, depuis ton disque dur, ton petit album photo personnel. Que des sites de pornos gays et des images de garçons fort peu habillés.

— T'es complètement malade ?

— Frappe-moi, et je balance tout à tes potes. Surtout à Sébastien.

Évidemment que je n'allais pas le frapper. Il n'aurait plus eu besoin d'un appareil dentaire, mais d'une nouvelle mâchoire.

— Je veux faire partie de l'équipe de natation. Si je ne suis pas intégré dès la semaine prochaine, je balance tout ce que j'ai sur les réseaux sociaux. Finie ta réputation. Terminée ton heure de gloire. Je peux te réduire à néant.

Un client du bar est entré. Ce qui m'a permis de m'échapper. Non sans avoir entendu une dernière phrase de la part de Jérémy.

— Tu as trois jours !


Lorsque je suis arrivé chez Steven, évidemment qu'il a tout de suite vu que ça n'allait pas, que j'étais affolé. Je lui ai tout raconté. Il a donné un coup de poing dans le mur, qui a laissé une belle marque ! J'ai juste pu lui soigner la main après ça... Une réaction un peu débile, mais c'était quand même beau de le voir aussi viril !


Bref, il a pris la chose très au sérieux.

— Quel petit con ce Jérémy.

— Je me suis bien fait avoir.

— Ce n'est pas de ta faute, mon beau gosse. Personne n'aurait pu imaginer ce genre de stratagème. Il est vraiment taré ce type, il lui faut une bonne correction.

— Qu'est-ce que je dois faire ?

— On ne cède pas au chantage. Pour l'instant, tu sais que je te protège et que Sébastien aussi est de ton côté. Ce que tu n'as pas encore découvert, c'est que toute l'équipe de natation est avec toi, quoi qu'il arrive. Nous ne sommes pas juste potes, nous sommes solidaires.

— Je ne vois toujours pas comment je dois agir.

— Je vais te décrire exactement ce que tu dois dire à Sébastien.

— Pourquoi lui ?

— C'est ton meilleur ami et le capitaine de l'équipe. Il ne comprendrait pas que tu sois venu me voir en premier, même si c'est logique, quand on connaît toute l'histoire. On a déjà eu affaire à des attaques extérieures à l'équipe, je peux te garantir que ceux qui ont subi notre châtiment n'ont jamais recommencé.


J'ai évidemment exécuté les ordres de mon petit ami. Il y avait urgence, donc je me suis rendu chez Sébastien le soir même. Lui aussi a donné un coup de poing dans le mur. Décidément, ces hommes doivent apprendre à se contrôler.

— Sale petite enflure. Qu'est-ce qu'il a pu voir exactement ?

— J'ai plein de sites pornos en favori dans mon moteur de recherches. Et j'ai beaucoup de photos plus que coquines.

— Il va choisir les plus tendancieuses à balancer sur le net pour te faire passer pour un pervers.

— Évidemment !

Grâce aux conseils de Steven, je n'ai même pas eu à révéler un seul morceau de la réalité à Sébastien. Il s'est fait son propre film, c'est ce qu'il y a de plus efficace : laisser assez de marge pour que les autres imaginent ce qu'ils veulent.

— On a déjà eu ce genre de situation. Tu dis à Jérémy de venir lundi prochain, pour l'entraînement.

Je n'ai rien compris au scénario et personne ne voulait m'expliquer ce qui allait se passer. Si j'avais connu les détails, peut-être que j'aurais eu pitié de Jérémy et que je ne l'aurais pas fait venir à cet entraînement.


Le journal de Mathieu (3)Where stories live. Discover now